Régions 19 février 2024

Des leçons à tirer de la faillite du Petit Abattoir

La faillite du Petit Abattoir, en novembre dernier, moins d’un an après avoir démarré ses activités, a laissé un vide en Estrie, où plusieurs producteurs comptaient sur ce service de proximité pour faire abattre leurs animaux.  

D’autant plus que ce projet coopératif, mis sur pied par un groupe de petits éleveurs, avait réussi « le tour de force » d’obtenir une certification fédérale, chose rare pour les abattoirs de cette taille, souligne Patrick Mundler, professeur à la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation de l’Université Laval.

Patrick Mundler

D’ailleurs, ce ne sont pas que les grosses productions qui ont besoin de passer par des abattoirs fédéraux. Plusieurs petits producteurs doivent y avoir accès pour développer leurs marchés en dehors de la province ou vendre plus facilement leur viande dans les grandes chaînes d’épicerie, pour lesquelles il s’agit souvent d’une exigence, souligne Martin Caron, président de l’UPA. C’est notamment le cas des éleveurs de lapins, qui doivent actuellement transporter leurs animaux en Ontario pour les faire abattre, faute d’abattoir fédéral adapté à leur production au Québec.

Les plus petits abattoirs sont confrontés à une lourdeur administrative. Il faut être capable d’adapter la réglementation à leur réalité.

Richard Lehoux

Bien que les administrateurs du Petit Abattoir aient évoqué des difficultés de recrutement de main-d’œuvre permanente pour expliquer la faillite, Richard Lehoux, député fédéral de Beauce, qui siège également au Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire à Ottawa, remarque que les plus petits abattoirs sont souvent confrontés à une lourdeur administrative reliée à la certification. « Quand on parle de diversité des marchés, ça passe par les plus petits abattoirs, qu’ils soient provinciaux ou fédéraux, fait remarquer le député.  Alors, il faut être capable d’adapter la réglementation à leur réalité. On en avait un peu partout, avant, mais avec la complexification de la réglementation et le manque de médecins vétérinaires [pour superviser les activités d’abattage], c’est un enjeu qu’on a vu apparaître de manière plus grande à travers le Canada depuis la pandémie », constate-t-il. 

M. Lehoux rappelle, à ce propos, que le Comité permanent de l’agriculture a déposé, en décembre 2021, un rapport dans lequel il émet 20 recommandations pour renforcer la capacité de transformation alimentaire au Canada. Le rapport a été présenté à la Chambre des communes le 2 février 2022, puis adopté par la Chambre le 31 janvier 2024. « Le retour qu’on a eu, c’est que l’ACIA [Agence d’inspection des aliments] voulait faire quelque chose, mais qu’elle était confrontée à un manque de ressources.  Disons qu’on aimerait que ça bouge un peu plus, car c’est un enjeu important. En fait, cette première transformation, c’est la base de tout le reste », souligne le député.

L’ACIA n’a pas été en mesure de répondre aux questions de La Terre avant la publication de cet article.