Phytoprotection 16 avril 2024

Canneberges : nouvelles méthodes de lutte aux insectes ravageurs

Les producteurs de canneberges biologiques disposent depuis peu de nouvelles méthodes éprouvées pour combattre les insectes ravageurs de leur culture, principalement la tordeuse de la canneberge.

Ces nouvelles méthodes, dont l’une est toujours au centre d’un projet de recherche, ont été mises à l’essai au cours des dernières années par l’équipe du Centre de recherche et d’innovation sur la canneberge (CRIC), à Notre-Dame-de-Lourdes au Centre-du-Québec, la principale région productrice du petit fruit rouge. Les résultats des travaux de l’équipe du CRIC ont récemment été présentés par son directeur général et scientifique, Didier Labarre, à ­l’occasion du dernier congrès du Réseau québécois de recherche en agriculture durable, tenu à Québec et qui posait la question « Quel est le devenir des ­pesticides en agriculture? ».

« D’un point de vue strictement économique, l’inondation printanière est assez compétitive en termes de coût d’implantation par hectare malgré la logistique qu’elle impose. » – Didier Labarre, directeur général et scientifique, Centre de recherche et d’innovation sur la canneberge

Inondation et confusion

Dans les cannebergières exploitées en régie biologique, il ne faut plus s’étonner de voir les bassins formant des îlots de culture inondés en plein mois de juin, alors que l’inondation contrôlée se fait d’ordinaire en automne au moment de la récolte. Cette inondation printanière des champs est l’une des nouvelles méthodes développées pour combattre la tordeuse de la canneberge, et permet de réduire l’utilisation des pesticides autorisés en culture ­biologique. « Même s’il s’agit de pesticides autorisés, notre objectif est de travailler à en réduire l’utilisation », explique Didier Labarre. 

Le directeur scientifique en con­vient, l’inondation hâtive est une pratique qui accroît la charge de travail. Il faut en effet plus de 24 heures pour inonder les champs, qui demeurent sous l’eau jusqu’à 48 heures avant que celle-ci soit complètement évacuée. La logistique est donc importante, mais compensée par les économies de pesticides. Selon les cas, les producteurs évitent jusqu’à une application sur trois ou quatre.

D’un point de vue strictement économique, l’inondation printanière est assez compétitive en termes de coût d’implantation par hectare malgré la logistique qu’elle impose.

Didier Labarre, directeur général et scientifique, Centre de recherche et d’innovation sur la canneberge

Les résultats sont suffisamment encourageants pour que cette pratique ait été adoptée par tous les producteurs biologiques, selon le directeur du CRIC. « Au début de notre projet de recherche, il y a quatre ans, nous avions persuadé quelques producteurs bio de tenter l’expérience pour un total de 15 à 20 % des champs qui avaient été inondés. On a maintenant plus de 80 % des champs qui le sont au printemps. »

Enfin, une autre méthode est pré­­sen­tement mise à l’essai par l’équipe du CRIC, et des résultats très embryonnaires laissent présager son efficacité. Cette seconde méthode fait appel aux phéromones largement utilisées en culture biologique. Dans le cas de la culture de la canneberge, les hormones sexuelles sont aspergées dans les champs. Cette large diffusion a pour effet de créer de la confusion chez les insectes mâles à la recherche de femelles et compromet l’accouplement. Avec le résultat que les chercheurs ont constaté une réduction importante de la présence de larves d’insectes dans les champs traités.

Les producteurs, des partenaires

Le directeur du CRIC insiste sur l’importance du partenariat développé par son organisation avec les pro­duc­teurs pour mener les travaux de recherche. « Nous n’avons pas de ferme laboratoire pour mener nos travaux », dit-il. « Les chercheurs travaillent directement dans les champs aux côtés des producteurs. Ce serait donc impossible de faire progresser la recherche sans cette collaboration. C’est aussi une excellente façon de partager l’information qui amène des changements dans les pratiques. Les producteurs font eux-mêmes la ­diffusion de ­l’information. »

Le directeur scientifique du CRIC a ainsi constaté un intérêt croissant des producteurs à collaborer avec les chercheurs pour l’avancement des connaissances susceptibles de faciliter leur travail. 

Il conclut donc que « le devenir des pesticides en agriculture va dépendre de l’intégration des producteurs dans notre processus de développement d’alternatives, de leur coopération, et notre expérience démontre que c’est de cette façon qu’on peut obtenir rapidement un taux élevé d’adoption des nouvelles pratiques des producteurs et voir des résultats sur l’utilisation des pesticides ».