Pommes de terre 26 mars 2024

Étape par étape vers la conformité dans le lavage des fruits et légumes

Réunis à l’occasion du Colloque sur la pomme de terre, organisé en novembre dernier par le Centre de référence en agriculture et en agroalimentaire du Québec (CRAAQ), des experts ont donné des conseils aux producteurs pour les aider à se conformer à la nouvelle réglementation gouvernementale entourant le lavage des fruits et légumes et le traitement des eaux usées.

Depuis l’entrée en vigueur du Règlement sur l’encadrement d’activités en fonction de leur impact sur l’environnement (REAFIE), en 2021, le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) a clairement ­établi l’encadrement administratif associé à l’activité de lavage des fruits et légumes dans un lieu d’élevage ou d’épandage. Tous les producteurs qui lavent des fruits et légumes doivent amorcer une démarche auprès du ministère afin d’établir leur conformité à la réglementation d’ici 2027.


Brandon Fombuena, agent de projet au développement en agroenvironnement chez Les Producteurs de pommes de terre du Québec

Du retard dans les démarches de conformité 

Pourtant, ces démarches ne sont pas simples, selon Brandon Fombuena, agent de projet au développement en agroenvironnement chez Les Producteurs de pommes de terre du Québec (PPTQ). « Nos producteurs veulent se conformer, mais la complexité de la réglementation les freine. Heureusement que le gouvernement a fait l’annonce d’un délai supplémentaire, accordé jusqu’en 2027, pour que tout le monde soit conforme. »

À peine quelques autorisations de conformité auraient été délivrées jusqu’ici dans l’ensemble du secteur maraîcher, révèle-t-il. « Pour atteindre les normes fixées, il faut engager un ingénieur, payer beaucoup d’argent, parfois sans savoir si, au final, le système va atteindre le seuil réglementaire, soit une concentration de matière en suspension inférieure ou égale à 50 mg par litre d’eau. C’est très complexe puisque chaque cas est différent, selon que le milieu récepteur soit un fossé, un ruisseau ou un fleuve, tellement que certains ingénieurs ne veulent pas prendre ces dossiers. On est quand même contents de voir l’ouverture du gouvernement avec le nouveau délai accordé. C’est aussi une bonne nouvelle qu’un comité ait été formé pour trouver des solutions, déterminer les enjeux et voir ce qui accroche », mentionne Brandon Fombuena.

Ce comité, auquel participent les PPTQ, l’Association des producteurs maraîchers du Québec, le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ) et le MELCCFP, fait partie des mesures mises en place par le gouvernement pour accompagner les producteurs dans leurs démarches. 

Un appel de projets a également eu lieu en février dernier, lequel devrait mener à la création d’un organisme dont la mission sera de créer une communauté de pratique de conseillers et d’agronomes. L’objectif de ce forum de discussion sera de stimuler un partage de connaissances en lien avec la réglementation entourant la gestion des eaux de lavage, pour mieux outiller les intervenants.

Stéphane Godbout, chercheur en génie agroenvironnemental à l’Institut de recherche et développement en agroenvironnement 

La première étape : implanter des mesures en amont

Lors du Colloque sur la pomme de terre, Véronique Daviau, du MELCCFP, Nathalie Laroche, du MAPAQ, et Stéphane Godbout, de l’Institut de recherche et développement en agroenvironnement (IRDA), ont rappelé les grandes lignes de la réglementation et livré plusieurs conseils et informations sur les technologies disponibles.

« On veut que les producteurs se mettent en action », dit Nathalie Laroche, ingénieure au MAPAQ. « La première étape est de faire un diagnostic avec un conseiller pour dégrossir le problème. Ensuite, on recommande fortement d’implanter des mesures de réduction à la source. Enlever un maximum de résidus solides, de terre ou de feuilles en amont, avant le lavage, va simplifier l’étape du traitement et réduire le volume d’eau à entreposer et à traiter. Il faut aussi comprendre qu’en appliquant ces mesures de réduction à la source, la nature des rejets va être modifiée. Le producteur peut par la suite engager un conseiller pour faire une caractérisation plus complète de son eau de rejet et trouver un traitement plus spécifique à son cas particulier. »

Les pommes de terre perdent une certaine quantité de terre lors de leur passage dans le convoyeur.

Stéphane Godbout, chercheur en génie agroenvironnemental à l’IRDA, est du même avis. Même si plusieurs solutions techniques existent pour filtrer les eaux de lavage avant leur rejet, il ne sert à rien d’investir avant d’avoir fait le maximum en amont. Y aller étape par étape est la meilleure solution, selon lui. 

Il faut faire tout ce qu’on peut avant d’entrer dans la laveuse, car une fois rendu dans la laveuse, il est difficile d’enlever les particules qui sont en suspension et peuvent se dissoudre, surtout avec l’argile. Parfois, on peut entreposer à sec, pendant une période, ce qui fera tomber une partie de la terre. Il y a aussi des tapis vibrants ou encore les désensableurs à sec qui font rebondir la pomme de terre, ce qui enlève une quantité de terre. On a parfois tendance à le sous-estimer, mais mieux ajuster les récolteuses peut également aider. Investir en amont est gagnant, car c’est le traitement de l’eau qui coûte le plus cher.

Stéphane Godbout, chercheur en génie agroenvironnemental à l’IRDA

Dans certains cas, ces mesures en amont pourraient être suffisantes pour permettre aux producteurs d’atteindre le seuil réglementaire de 50 mg par litre d’eau, croit-il. Dans d’autres cas, les producteurs devront engager un ingénieur pour concevoir un système de lavage de fruits et légumes et de traitement des eaux répondant à leurs besoins spécifiques. Les plans et devis des installations présentes et prévues devront être joints à la demande d’autorisation au ministère.

Véronique Daviau, ingénieure à la Direction de l’agroenvironnement du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs

Un risque calculé selon l’ampleur et le mode de production

Véronique Daviau, ingénieure à la Direction de l’agroenvironnement du MELCCFP, a rappelé les démarches administratives à accomplir en vue de se conformer. La réglementation, explique-t-elle, encadre les activités en fonction du risque, lui-même défini par l’ampleur et le mode de production. Les petits producteurs cultivant entre un et cinq hectares sont exemptés, à condition que les eaux usées ne soient pas rejetées dans le littoral, dans une rive ou dans un milieu humide.

« Ceux qui cultivent entre 5 et 20 hectares sont visés par la déclaration de conformité, un formulaire en ligne plus succinct qui leur permet de se déclarer eux-mêmes conformes, tandis que les producteurs ayant 20 hectares et plus sont visés par l’autorisation ministérielle, pour laquelle on peut également faire sa demande en ligne. La première étape est de remplir le formulaire Demande d’objectifs environnementaux de rejet (OER) pour les eaux usées en provenance d’activités de lavages de fruits et légumes. À la suite du dépôt du formulaire, il sera analysé par les directions régionales, puis à terme, le producteur va recevoir l’autorisation pour continuer ses activités », affirme Véronique Daviau.

Une fois l’autorisation ministérielle accordée, le producteur pourra continuer ses activités tant que les conditions demeurent les mêmes. En cas de changements dans ses installations, il devra refaire une nouvelle demande.

Nathalie Laroche, ingénieure au MAPAQ

Nathalie Laroche, du MAPAQ, souligne que de l’aide financière est offerte pour aider les producteurs à se conformer : « C’est le genre de projet finançable par le programme Prime-Vert, dont un volet porte sur l’appui à la gestion des matières résiduelles agricoles. Les producteurs peuvent aller chercher une aide allant jusqu’à 75 000 $, à un taux d’aide de 70 %. Le diagnostic d’un conseiller, exigé pour cette subvention, peut être ­subventionné par le programme Service Conseil. »

Plusieurs capsules et vidéos explicatifs, ainsi que toute l’information et les formulaires en lien avec les obligations réglementaires visant le lavage des fruits et légumes et le traitement des eaux usées, sont disponibles sur le site du ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs à l’adresse : https://www.environnement.gouv.qc.ca/lqe/autorisations/reafie/