Maraîchers 4 août 2023

Les producteurs maraîchers tirent la sonnette d’alarme

SAINTE-CLOTILDE – L’Union des producteurs agricoles (UPA) et plusieurs représentants du secteur horticole réclament des mesures d’aide d’urgence au gouvernement provincial afin de faire face aux précipitations importantes des dernières semaines.

« C’est vraiment une catastrophe présentement », déplore le président de l’UPA, Martin Caron, en s’adressant à la foule de producteurs et productrices horticoles qui se sont rassemblés, le matin du 4 août, à la ferme Forino Produce, de Sainte-Clotilde, en Montérégie. M. Caron raconte que la saison estivale a été marquée par une « hausse record de la quantité de pluie », avec des journées pouvant cumuler plus de 100 millimètres d’eau.

Le président de l’Association des producteurs de fraises et framboises du Québec, Michel Sauriol, rapporte des pertes de 8,5 M$ jusqu’à maintenant dans son secteur. Le producteur de Laval s’inquiète de la détérioration des plantations affectées par l’accumulation d’eau. Il prévoit que les dommages ne se limiteront pas à cette année, mais aussi aux deux prochaines. « Je n’ai jamais vu des épisodes aussi épouvantables et dommageables que ça », s’étonne celui qui œuvre dans le domaine depuis 46 ans. Le président du comité prépelage des Producteurs de pommes de terre du Québec, Pierre-Luc Barré, rapporte, quant à lui, 40 M$ de pertes dans son secteur.

« Pour les principales cultures du Québec, les récoltes disponibles ne suffiront pas à rencontrer la demande locale », indique la présidente de l’Association des producteurs maraîchers du Québec, Catherine Lefebvre. La productrice craint pour la sécurité, l’autonomie et le gaspillage alimentaires.

Hausses de prix à prévoir

Les consommateurs doivent se préparer à une nouvelle flambée des prix des produits agricoles, car il est déjà acquis que les récoltes de cette année ne suffiront pas à répondre à la demande. Les grossistes devront ainsi se rabattre sur les marchés extérieurs.

Pour les producteurs, les conséquences financières sont majeures. Ceux-ci avaient déjà investi dans leurs semences et effectué toutes les dépenses qu’implique le lancement des productions, dépenses pour lesquelles ils doivent s’endetter et qu’ils remboursent avec la récolte. L’absence de récoltes viables et les niveaux de pertes qui atteignent les 80 % dans plusieurs cas vont jusqu’à compromettre l’avenir de plusieurs fermes, selon l’UPA.

Les producteurs évoquent notamment un financement de travaux urgents pour préserver les récoltes récupérables, une bonification du nouveau programme ad hoc de la Financière agricole, le retrait de la limite d’intervention basée sur le bénéfice net au programme Agri-Québec, le report du paiement des primes au programme d’assurance récolte ainsi qu’un congé de paiements sur les prêts à la FADQ.

Plus encore, ils estiment qu’une reconnaissance officielle du gouvernement du Québec de l’état de sinistre des cultures concernées permettrait d’obtenir auprès des institutions financières et des fournisseurs un moratoire sur les paiements de remboursement de prêts et de factures.

Martin Caron insiste sur l’importance de déployer des programmes spécifiques aux phénomènes météorologiques vécus cet été. Il juge que les programmes en place ne sont pas adaptés aux quantités d’eau reçues en juillet.

Il faudrait un programme spécial pour les excès de pluie, comme pour la grêle.

Michel Sauriol, président de l’Association des producteurs de fraises et framboises du Québec

Bien que des programmes d’abandon soient disponibles, M. Caron soulève qu’il n’existe pas de programmes pour couvrir les pertes de rendement. Il explique que plus des deux tiers des récoltes d’un champ doivent être perdus avant de pouvoir être abandonnés et que le producteur obtienne un montant d’aide.

« Nous n’allons laisser personne derrière »

Le ministre de l’Agriculture, André Lamontagne, n’a pas tardé à réagir. Dans une missive envoyée par courriel, il s’est dit très préoccupé, constatant que le déferlement d’événements climatiques « touche plusieurs régions et une variété de produits ».

« Les programmes et les aides c’est une chose, et honnêtement à cette étape, il faut continuer d’envoyer les avis de dommage à la Financière agricole. Mais le message que je veux envoyer, c’est que nous n’allons laisser personne derrière. »

Avis de dommages à La Financière

En date du 4 août, La Financière agricole du Québec avait reçu 2 466 avis de dommages depuis le début de la saison, dont plusieurs pour des excès d’eau. La Financière a d’ailleurs annoncé le report à la fin septembre de la facturation au Programme d’assurance récolte (ASREC) afin de soutenir les producteurs affectés par les pluies et dit avoir rencontré les institutions financières pour partager le portrait de la situation et expliquer les couvertures offertes aux producteurs.

Mobilisation et solidarité

Plus d’une centaine de producteurs et productrices maraîchers ont assisté à la conférence de presse organisée sur les terres de Forino Produce. Pour le propriétaire de l’entreprise, Denis Forino, il était naturel d’accueillir l’événement. « On est rendus là. On vit tous de la détresse et de l’insécurité financière en ce moment », mentionne ce producteur de carottes, de choux et de laitue qui a perdu 75 % de ses récoltes cette année. Certains producteurs sont venus de loin afin de témoigner de leur soutien pour leurs collègues. Amélie Reny-Coulombe a fait la route depuis l’île d’Orléans. L’agricultrice de la ferme Jacques Coulombe et Fils tenait à participer à cet événement de solidarité. « Nos entreprises, ce sont nos bébés, nos joyaux familiaux. Quand je vois des gens qui ont de la misère, ça me touche. Ça pourrait m’arriver demain. Personne n’est à l’abri. Tout le monde a pris le temps de venir aujourd’hui, en pleine saison. Je trouve que ça lance un message très fort! » affirme-t-elle.

Avec la collaboration de Pierre Saint-Arnaud, La Presse canadienne


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