Relève 26 janvier 2024

Un troupeau vendu à l’encan crée un choc au Bas-Saint-Laurent

Attablés devant un café, Jean Michaud et sa conjointe, Aline Roy, ont les yeux humides lorsqu’ils racontent, en entrevue, la mise à l’encan récente de toutes leurs vaches. Leur fils leur a annoncé en août qu’il ne reprendrait pas la ferme, préférant quitter l’agriculture. Il ne désire pas travailler les mêmes heures que son père pour une entreprise qui doit, de surcroît, s’endetter davantage pour conformer ses infrastructures, notamment aux normes du bien-être animal.

Jean Michaud et son fils avec l’un de leurs meilleurs sujets. Photo : Gracieuseté de la Ferme Val d’espoir
La Ferme Val d’espoir a mis fin à sa production, faute de relève. « L’autre ferme laitière dans le rang est celle de mon cousin et lui aussi n’a pas de relève. C’est le temps que le monde agricole se réveille », dit Jean Michaud. Photo : Martin Ménard/TCN

La fin des activés de la ferme de Saint-Philippe-de-Néri, au Bas-Saint-Laurent, a créé un choc chez lui et autour de lui.

Je ne veux pas me péter les bretelles, mais on était vus comme des leaders en production laitière dans notre région. Quand la publicité de notre encan a passé, les gens nous disaient que ça n’avait pas d’allure qu’une ferme comme nous autres parte.

Jean Michaud

Vider l’étable a été crève-cœur pour l’agriculteur de 61 ans. Ses vaches, dont la majorité avaient une conformation de bonne à excellente, avec une production moyenne de 11 500 kg et de 4 % de gras ainsi qu’une longévité moyenne de près de cinq ans, étaient précieuses à ses yeux. Tout comme ses terres de bonne qualité. L’aspect familial de sa ferme ajoute aussi à la douleur. « Mon père en a fait un boutte, moi et mon frère Pierre aussi. Et d’un bon coup, paf!, c’est fini. C’est difficile », partage-t-il.

Trop rapide?

Le départ de son garçon en novembre coïncidait d’autant plus avec la fin de contrat de son travailleur étranger et M. Michaud ne se voyait pas travailler seul lui qui détient une production de lait importante avec 116 kilos de quotas. En analysant les différentes possibilités, il a décidé de vendre. Surtout que l’encanteur qu’il a contacté lui a signifié qu’il obtiendrait une plus grande somme d’argent pour son troupeau en vendant à l’automne puisque plusieurs fermes ont réservé leur place pour vendre leur troupeau ce printemps.

Le prix moyen de 4 100 $ par vache est satisfaisant, mais voir l’étable vide ne l’est pas. « Je suis rentré dans l’étable avec Aline le jour de Noël, et on est ressorti en braillant », mentionne-t-il. Sa conjointe corrobore ses propos. « Habituellement, on entrait dans la laiterie et par la porte vitrée, on voyait toute l’allée de vaches. Maintenant, c’est vide. C’est noir », décrit-elle.

À cela s’ajoute le fait qu’advenant la vente totale de la ferme, le couple devra déménager. « J’ai toujours habité ici, dit M. Michaud. On a une vue sur le fleuve, juste la vue, c’est un repos total. Mais on commence à penser que si on vend, il faudra partir d’ici. Ça aussi ce n’est pas facile. »

Aujourd’hui, le producteur repense au fil des événements et se dit qu’il a peut-être fait encan prématurément. « C’était trop rapide, mais selon moi, on a fait le mieux avec le temps qu’on avait. Au moins, [les vaches] sont parties à des endroits où je sais que les gens vont en prendre soin », se console-t-il.

Les animaux ont été vendus, mais sa ferme dispose encore du quota. Même si ses épaules et ses genoux sont « maganés », Jean Michaud serait prêt à investir son temps pour aider une jeune famille « de travaillants, qui sont bons en gestion et qui aiment les animaux » à reprendre sa ferme. Il aurait ainsi la fierté de voir l’entreprise familiale poursuivre sa route, « car la force de l’agriculture, ce sont les familles », insiste-t-il.