Météo 6 octobre 2023

La phénologie au secours des producteurs

Avec une météo difficile à suivre, la modélisation informatique jumelant les paramètres météorologiques et les stades de développement des plantes s’avère un outil de plus en plus important pour les producteurs afin de prévoir les dates de récolte optimale et de traitements phytosanitaires. C’est ce qu’on appelle la phénologie. 

La chercheuse Marie-Noëlle Thivierge, d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, indique que le cumul des degrés-jours devient une information névralgique pour guider la récolte des plantes fourragères. « Avec les réchauffements climatiques, on va perdre nos repères. Si on se dit qu’on récolte tous les 35 jours, par exemple, comme c’est la tradition, on risque de dépasser le stade optimal des plantes, ce qui influence notamment la digestibilité. Il faudra effectuer des coupes plus rapprochées en fonction du développement des plantes et des degrés-jours », mentionne celle qui est spécialisée en agronomie et en écophysiologie des plantes fourragères. 

Elle ajoute que cette année, en raison de la pluie, des producteurs ont eu de la difficulté à effectuer toutes leurs coupes de foin. Si certains doivent effectuer une coupe automnale par nécessité, elle leur recommande de faire appel à la phénologie et de choisir des champs dont les plantes ont accumulé au moins 500 degrés-jours (sur une base 5 °C) depuis la coupe précédente.

À ce moment, la plante a accumulé assez de réserve d’énergie pour survivre à l’hiver. Une coupe d’automne n’est pas idéale, mais dans ce cas, c’est moins pire.

Marie-Noëlle Thivierge, Agriculture et Agroalimentaire Canada

Les hivers plus doux et leur couvert de neige aminci protégeront moins les plantes contre le gel, d’où l’importance de prendre davantage en considération leurs réserves d’énergie. Et d’où l’importance pour Agriculture et Agroalimentaire Canada de continuer à développer la modélisation informatique afin de simuler l’effet de certaines pratiques, certaines rotations et certains mélanges de plantes en fonction des climats du futur, et ce, pour différentes régions. « En parallèle avec des essais terrain, la modélisation, c’est vraiment puissant comme outil, affirme Mme Thivierge. On gagne beaucoup de temps et ça réduit les coûts de recherche. »

Accessible pour l’agriculteur 

L’incidence de différents paramètres météo sur le développement des cultures et de leurs ravageurs en fonction de la météo locale est accessible gratuitement pour les agriculteurs sur le site agrometeo.org

Par exemple, dans la culture de la pomme de terre, un producteur de la région de Joliette a pu voir l’évolution du doryphore en fonction des degrés-jours. Le modèle prédisait qu’à 275 degrés-jours, le 14 juin 2023, 5 % des larves atteignaient les stades 1 et 2. Une semaine plus tard, à 339 degrés-jours, il était prévu que 85 % des larves atteignent ce stade. Autre exemple : le blé de printemps d’un producteur situé à Lemieux, dans le Centre-du-Québec, devait atteindre, selon le modèle, le stade d’épiaison à 891 degrés-jours, le 9 juin, soit juste avant la période critique où l’on peut traiter la fusariose de l’épi. 

Évidemment, les degrés-jours ne sont pas la seule variable. L’humidité et la température, notamment, influencent aussi la croissance. Les modèles bioclimatiques se raffinent et plusieurs pays élaborent des simulateurs informatiques de croissance.  Les prédictions de la phénologie peuvent ainsi conduire à une meilleure gestion de l’eau, en irriguant précisément aux stades critiques de développements des plantes, souligne le document Modèles bioclimatiques pour la prédiction de la phénologie, publié par le Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec.