Vie rurale 8 mars 2019

Aux commandes d’une ferme de grandes cultures

Audrey Bogemans, qui habite en Montérégie, figure parmi les rares femmes aux commandes d’une ferme spécialisée en production de grains. Cette situation lui a donné du fil à retordre, pas plus tard que ces dernières semaines, lorsqu’un vendeur lui a lancé que ça ne devait pas être facile pour une jeune femme de comparer les soumissions de deux camions.

Et pourtant, c’est elle qui achète les tracteurs, pick-up et véhicules tout-terrain de la ferme. « Il y a encore des vendeurs qui ont de la difficulté avec ça », mentionne la productrice de 29 ans. Elle raconte aussi la fois où un vendeur de tracteurs a refusé de lui remettre sa soumission finale si son père ou son mari n’était pas présent. Audrey Bogemans affirme avoir été surprise par ces préjugés envers les femmes dans le milieu agricole, elle qui n’avait jamais été confrontée à des stéréotypes du genre dans le milieu des affaires pendant les deux années où elle a agi comme présidente de la chambre de commerce de son secteur. Elle tient cependant à mentionner qu’une dizaine d’agriculteurs de son milieu l’ont encouragée à reprendre la ferme familiale. « Ces hommes ont changé ma vie, je ne sais pas si j’aurais osé faire le saut sans leurs encouragements répétitifs », commente-t-elle.

Hésiter à prendre la relève

La productrice croit que le faible nombre de femmes gestionnaires d’une ferme de grandes cultures s’explique par deux facteurs. D’abord, l’éducation. « Les pères [doivent apprendre] aux jeunes filles à cultiver la terre et à conduire un tracteur au lieu de leur attribuer des corvées peu valorisantes comme nettoyer les fenêtres de la maison avec la laveuse à pression », affirme-t-elle. Elle ajoute que c’est également aux mères d’enseigner qu’une maison et une famille, « ça se tient à deux. Le partage des tâches est essentiel. »

Ensuite, les tâches mécaniques. « J’hésitais moi-même à prendre la relève de l’exploitation familiale en raison de l’entretien de la machinerie. Je n’avais aucun intérêt à changer une roue de tracteur, lance-t-elle. Ça n’aurait pas dû me faire hésiter, parce qu’aujourd’hui, je m’occupe de la gestion, de la mise en marché des grains et de la régie de culture. C’est un autre membre de l’équipe qui se charge de la mécanique. »

Audrey Bogemans présentera par ailleurs une conférence le 28 mars prochain sur les défis de la relève au féminin en marge de l’assemblée générale annuelle des Producteurs de grains du Québec, à Drummondville.

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