Recherche 8 mai 2024

Importante décroissance des besoins en œufs de vaccin

Roxanne et Roger Major, propriétaires de la Ferme avicole Major, ont été parmi les premiers à se spécialiser dans la production d’œufs de vaccin au Canada. L’avenir de leur entreprise est toutefois assombri par l’importante baisse des besoins en œufs fécondés de leur principal client, la pharmaceutique GlaxoSmithKline (GSK).

« L’usine a beaucoup investi pour optimiser l’efficacité de ses opérations, ce qui fait en sorte qu’ils ont besoin de 30 % moins d’œufs pour produire la même quantité de vaccins », rapporte Anne-Lise Girard, la directrice de production qui a la responsabilité d’administrer le volet des œufs de vaccin à la Fédération des producteurs d’œufs du Québec.

Le problème, c’est que GSK, une compagnie internationale qui a une filiale dans le secteur Sainte-Foy de Québec, est actuellement le seul acheteur pour ce type d’œufs très spécialisés. Cela affecte donc directement les cinq producteurs qui détiennent du quota pour la production d’œufs de vaccin au Québec, seule province canadienne où ces œufs sont produits.

La baisse de 30 % est déjà enclenchée. On a un bâtiment vide, mais on a pour l’instant pu garder une partie de la production au cas où il y aurait une autre pandémie. Il y a quand même des pertes de revenus.

Roxanne Leblanc Major, productrice

La Ferme avicole Major compte aujourd’hui quatre bâtiments répartis entre Saint-Télesphore, au Québec, et Green Valley, en Ontario. Elle fournissait auparavant environ 410 000 embryons d’œufs fécondés par semaine pour la fabrication de ­vaccins. Si aucune solution n’est trouvée pour réaffecter la part de 30 % de production dont GSK n’a plus besoin, l’entreprise devra se résigner à fermer des bâtiments et à se départir d’une partie de ses 25 employés. « Je dirais qu’on ne sait pas vraiment ce qui se passe. Il y a beaucoup d’incertitude. On y va un peu à l’aveuglette », regrette-t-elle.

Un autre enjeu est que le quota acquis au fil des années pour la production d’œufs de vaccin et d’œufs pandémiques risque de ne plus rien valoir si les besoins continuent de baisser, car ces quotas sont dans une catégorie à part, qui n’est pas transférable vers la production d’œufs de consommation, signale Mme Leblanc Major.


Toujours un besoin pour les pharmaceutiques

Quant à savoir si le développement de nouvelles technologies pourrait remettre en jeu cette production dans le futur, la Fédération des producteurs d’œufs du Québec (FPOQ) reste optimiste. « Ce que GSK nous dit, c’est que même à l’échelle mondiale, les œufs sont là pour demeurer longtemps pour approvisionner l’industrie pharmaceutique. Il y a d’autres technologies qui ont été développées pour la fabrication de vaccins, comme les ARN messagers, mais elles sont surtout utilisées pour fabriquer des vaccins qui combinent deux souches de virus, par exemple l’influenza et la COVID. Ces vaccins ont un public cible plus précis que les vaccins grippaux développés avec les œufs fécondés », spécifie Anne-Lise Girard, directrice de production à la FPOQ.

Les œufs de vaccin en bref

Les œufs de vaccin sont des œufs fécondés qui sont utilisés dans la fabrication de vaccins comme celui contre la grippe saisonnière. La période de production de ces vaccins est d’environ six mois par année (janvier à juin). Une entente a donc été conclue avec les transformateurs afin de rediriger les œufs produits le reste de l’année vers le décoquillage pour la fabrication de produits industriels servant à la restauration ou à l’hôtellerie, par exemple. Le Québec est actuellement la seule province canadienne où ce type d’œufs spécialisés est produit. Une situation qui s’explique par la présence d’une filiale de la pharmaceutique GlaxoSmithKline (GSK) dans le secteur Sainte-Foy de Québec. GSK est le principal acheteur de ces œufs, qui servent à la production de vaccins grippaux distribués à travers le Canada. Toutefois, une autre partie de la production du Québec sert à approvisionner une réserve d’œufs de vaccin administrée par Santé Canada et l’Agence canadienne d’inspection des aliments en cas de pandémies. La gestion des quotas d’œufs de vaccin se fait sous l’égide de la Fédération des producteurs d’œufs du Québec.


Anne-Lise Girard
Anne-Lise Girard

Un espoir du côté de l’Ontario

La Ferme avicole Major et la Fédération des producteurs d’œufs du Québec (FPOQ) gardent toutefois l’espoir de pouvoir replacer cette part de la production perdue chez une autre compagnie pharmaceutique, Sanofi Canada, qui planifie ouvrir une nouvelle filiale de fabrication de ­vaccins grippaux dans la région de Toronto.

On travaille présentement avec les Producteurs d’œufs du Canada et nos homologues en Ontario, pour voir où est rendu Sanofi dans son développement et pour s’assurer de lui dire que nous avons les installations en place ici et que les producteurs seraient prêts à l’approvisionner.

Anne-Lise Girard, FPOQ

De leur côté, les Major estiment que les chances pourraient être bonnes, puisque cette nouvelle compagnie bénéficierait de producteurs qui ont déjà les installations et l’expertise.  « Ce n’est pas la même chose que pour une production d’œufs de table, spécifie Mme Leblanc Major. Nos installations sont différentes, car ce sont des poules en liberté avec quelques coqs, et on a un cahier de charge très rigoureux, avec une biosécurité dans le tapis, des audits aux quatre semaines et beaucoup de documentation à remplir chaque mois, car il faut faire un suivi serré et garder des traces de tout ce qu’on fait », explique-t-elle.