Viticulture 10 octobre 2023

Un vin québécois 100 % syrah

BRIGHAM – Une première cuvée de vin rouge 100 % syrah vient d’être embouteillée au Vignoble PicBois, de Brigham, en Estrie. Les vins issus de cépages européens devraient d’ailleurs se multiplier dans les prochaines années grâce à l’évolution des connaissances et du savoir-faire des vignerons, confirme une chercheuse en viticulture.

André Pollender et John Baldwin, copropriétaires du Vignoble PicBois, en compagnie de Marc Grau, maître de chai, étaient fiers d’embouteiller leur première cuvée issue du cépage syrah, lors du passage de La Terre à leur vignoble, le 1er septembre.

« On pense être les premiers au Québec à produire un vin 100 % syrah », a mentionné John Baldwin. « Tout le monde disait que ça ne marcherait pas, que les vignes ne résisteraient pas sous -18 °C. La première année, on en a planté 500 pieds, on a mis une double tente comme protection hivernale pour les protéger, et ç’a marché. On a maintenant 3 000 plants de syrah, et cette année, ce sont nos plus productifs. »

Le raisin syrah qui composera la prochaine cuvée du Vignoble PicBois, était encore au champ le 1erseptembre dernier. Photo: Geneviève Quessy

Dès la fondation du Vignoble PicBois en 2021, l’ambition des propriétaires était de produire des cépages plus rares. « Les consommateurs le demandent et le savoir-faire des vignerons évolue. On a été très bien conseillés », explique André Pollender, également propriétaire de la Cabane à sucre PicBois.

Des expérimentations qui se multiplient au Québec

Contrairement à la croyance populaire, ce ne sont pas les changements climatiques qui permettent aux vignerons de planter de plus en plus de cépages européens, mais plutôt l’évolution des connaissances en matière de protection de la vigne en hiver, révèle Caroline Provost, chercheuse spécialisée en viticulture, qui mène des recherches pour le Centre de recherche agroalimentaire de Mirabel.

On est rendus à 20 % de cépages européens (Vitis vinifera) alors qu’il y a 5 ans, on était à 10 %. Ces cépages ne résistent pas au grand froid et il faut les protéger. Au départ, on protégeait les vignes par buttage en les couvrant avec de la terre, mais c’est une technique qui déstructure le sol, empêche de mettre un couvre-sol, et favorise l’humidité au printemps, donc le développement des maladies.

Caroline Provost

Caroline Provost vient de terminer une étude portant sur l’utilisation de tentes de géotextile comme protection hivernale. « L’utilisation de toile géotextile s’est développée comme alternative. Il n’y avait pas de données scientifiques là-dessus. Chacun prenait n’importe quelle toile. L’étude nous a permis d’établir différents paramètres idéaux, comme la hauteur de la toile ou le couvert de neige, qui s’est révélé très important. S’il y a de la neige par-dessus la toile, c’est la meilleure protection qu’on peut avoir. »

Les protections hivernales composées de doubles tentes de géotextile et de neige étaient en place l’hiver dernier au Vignoble PicBois. Photo : Gracieuseté du Vignoble PicBois

L’étude a également révélé que le moment où on enlève la toile est important. « Si on la retire trop tard, les bourgeons se développent plus tôt et elle devient plus sensible au gel du printemps. »

Ces nouvelles connaissances ouvrent la porte à plus de Vitis vinifera dans nos vignobles. « Plusieurs producteurs projettent d’en planter dans les prochaines années. On va rapidement atteindre 25 % et c’est principalement à cause d’une meilleure utilisation des protections, mais également à cause de la demande des consommateurs », dit Caroline Provost.

Du côté des bio

Le défi est double au Vignoble Le Chat Botté, à Hemmingford, en Montérégie, où les vins sont certifiés biologiques. « Les techniques de protection nous aident, mais il faut aussi trouver des cépages qui résistent bien aux maladies, afin d’éviter d’avoir à les traiter. Surtout quand on a un été humide comme celui de cette année », dit Normand Guénette, copropriétaire.

Le vigneron s’est déplacé en Suisse pour trouver de nouveaux cépages ayant ces caractéristiques. Il a rapporté du cabernet foch et s’intéresse aux cépages de type piwi, développés pour leurs résistances aux maladies. « On veut faire avancer les connaissances du milieu. On est encore peu à travailler en bio et on aimerait que plus de vignerons y arrivent », ajoute-t-il.