Territoire 3 octobre 2023

Un ultime combat pour sauver leurs terres de l’expropriation

Trois producteurs agricoles de Saint-Lin-Laurentides, dans Lanaudière, espèrent encore un changement de scénario pour éviter la perte d’une partie de leurs terres cultivables, ciblées pour la construction d’une voie de contournement routière. 

Ce projet est dans les cartons du ministère des Transports et de la Mobilité durable du Québec (MTMDQ) depuis de nombreuses années pour régler un problème de congestion au cœur de la ville de Saint-Lin-Laurentides, dont l’artère principale n’a pas été conçue pour accueillir un si grand flot automobile. Le tracé retenu, qui impliquait au départ le retranchement de 18,9 hectares de la zone agricole, a déjà reçu l’aval de la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ), en 2012, et l’appui de la Municipalité ainsi que de la fédération régionale de l’Union des producteurs agricoles (UPA) de Lanaudière. 

Toutefois, le MTMDQ a déposé, le 28 août, une nouvelle demande devant la CPTAQ pour agrandir la zone agricole dans le secteur nord du projet.

Pour ce secteur, la demande initiale visait une superficie d’environ 6,9 ha. L’optimalisation actuelle du projet nécessite une superficie additionnelle d’environ 3,7 ha.

Nathalie Nolin, conseillère en communication au ministère

Cette modification est nécessaire pour améliorer notamment « la sécurité des piétons et des cyclistes » ainsi que « l’approche de certains carrefours giratoires », spécifie-t-elle. 

Le producteur avicole Jean Bélanger et l’une de ses filles, Édith, dans un champ de soya visé par le tracé du projet de voie de contournement. Photo : Gracieuseté de la Ferme Jean Bélanger

Nouveau souffle chez les producteurs touchés

Cette étape administrative redonne un nouveau souffle aux démarches des propriétaires des trois entreprises agricoles touchées par le tracé du projet, qui espèrent encore un revirement de situation afin d’éviter l’expropriation.

« Ce qu’on souhaite, c’est que le Ministère fasse plutôt un boulevard urbain en élargissant la route qui passe déjà dans la ville de Saint-Lin, plutôt que de construire une voie de contournement sur nos terres. Cette option n’a jamais fait l’objet d’études approfondies », regrette Éric Lortie, propriétaire des Fermes Lortie. Si la voie de contournement est construite comme prévu, ce producteur de céréales pourrait perdre environ
40 hectares sur les 800 qu’il cultive, alors que son entreprise « est en pleine expansion, avec une relève en place », assure-t-il. « On n’est pas des vendeurs de terres, on est plus des acheteurs! » s’exclame le producteur.

L’un de ses voisins, Jean Bélanger, l’appuie dans cette demande. « Parce que là, le ministère veut une plus grande servitude. On dirait qu’ils ont tous les droits, alors que ma terre ne sera plus cultivable », s’insurge le producteur avicole, dont les deux filles ont pris la relève de l’entreprise familiale. Le troisième producteur touché par le tracé, Jacques Laurin, mise aussi ses dernières cartes sur ce boulevard urbain, dans l’espoir de sauver ses terres et sa maison de l’expropriation. 

Appui de l’UPA

Les trois producteurs ont également obtenu le soutien de la Fédération de l’UPA de Lanaudière, qui a accepté de « revenir à la charge » auprès du MTMDQ pour demander de nouvelles études plus exhaustives sur l’option du boulevard urbain. « La première étape sera d’obtenir l’appui de la Ville de Saint-Lin-Laurentides dans le but de faire front commun auprès du Ministère […]. La correspondance avec la Ville n’a pas encore été envoyée », a spécifié Andréanne Aumont, directrice régionale de l’UPA, le 26 septembre.

Contacté par La Terre, le maire de la ville, Mathieu Maisonneuve, a émis de sérieux doutes quant à la faisabilité du projet, qui impliquerait « la destruction de centaines de logements et de dizaines de commerces ». « Je ne suis ni urbaniste ni ingénieur. Par contre, je peux vous dire de manière assez solide que j’ai peine à croire que ce boulevard urbain, à moins que ce soit un tunnel Ville-Marie, soit une bonne solution », a-t-il commenté. 

Il s’est néanmoins dit ouvert à « faire ses devoirs » et à demander à des professionnels d’étudier cette option s’il recevait une demande en ce sens de la fédération régionale de l’UPA.

Le MTMDQ, de son côté, explique ne pas avoir retenu cette option parce qu’elle ne répondait pas adéquatement au problème de congestion routière dans ce secteur. « L’objectif du projet est, avant tout, d’améliorer le niveau de service de la circulation de transit et de détourner le trafic lourd de la portion urbaine de la ville de Saint-Lin-Laurentides, ce que ne permet pas un boulevard urbain », indique Mme Nolin.