Syndicalisme 6 décembre 2023

Un millier de marcheurs bravent le froid pour l’agriculture

QUÉBEC – « On veut être au cœur de la solution! », « On existe ! », « Crions plus fort pour que personne ne nous ignore! » : environ 1 000 producteurs agricoles des quatre coins de la province ont scandé à répétition ces slogans, le 6 décembre, en marchant vers le parlement de Québec, pancartes à la main.

« Je viens pour mon fils. Pour qu’il ait des conditions gagnantes pour reprendre l’entreprise que son père a bâtie », a lancé, avec beaucoup d’émotion, Suzanne Laplante, productrice de volailles, d’œufs, de fraises et de maïs sucré, en Outaouais. Elle explique que son conjoint est décédé il y a quelques mois et qu’elle pilote désormais l’entreprise seule, avec l’aide de son fils.

Patricia Poulin et Marie-Soleil Morin sont venues en autobus de Sainte-Marie, en Beauce, pour faire entendre la voix des producteurs porcins. « On veut des solutions pour la relève, on veut plus de concurrence dans l’abattage », a résumé Mme Poulin.

Producteur de bleuets de La Doré, au Lac-Saint-Jean, Steeve Lepage a bravé le froid avec ses deux garçons. Pendant que l’un portait fièrement sa pancarte, l’autre prenait plaisir à faire sonner sa cloche. « C’est pour eux autres que je suis là. C’est pour ma relève! » a exprimé leur père.

Ambiance festive

Malgré le ras-le-bol des producteurs rassemblés, la mobilisation était teintée d’une ambiance festive, le 6 décembre. Sur l’air de la chanson Tant qu’on aura de l’amour des Cowboys fringants, les marcheurs ont sillonné les rues de Québec en chantant joyeusement des paroles modifiées pour mettre de l’avant l’importance de l’agriculture.

« Vous êtes vraiment beaux », a répété au micro la présidente de la Fédération de la relève agricole du Québec, Julie Bissonnette, lors d’un bref discours devant le parlement. Rapidement, elle a rappelé la dure réalité des producteurs qu’elle représente, faisant valoir que « la limite est atteinte ». « Des jeunes qui remettent en question leur entreprise, qui remettent en question l’agriculture, c’est inacceptable! » a martelé la porte-parole de la relève devant les marcheurs rassemblés.

Le président de l’Union des producteurs agricoles (UPA), Martin Caron, a aussi pris la parole. « Il faut que ça change! a-t-il affirmé. Nous autres, on est ici pour représenter les 42 000 producteurs agricoles et forestiers qui sont restés sur les fermes pour faire une job essentielle au Québec. »

Quatre producteurs, soit Philippe Leguerrier (maraîcher), Andréane Dupont (lait), Mathieu Pilote (porcs) et Anne Gauthier (acéricole et forestier) ont lu un manifeste (voir l’encadré) qui a ensuite été remis aux députés provinciaux, dont le ministre de l’Agriculture, André Lamontagne, présent durant la lecture.  

Extraits du manifeste

« Nous sommes aujourd’hui à un tournant de notre histoire : plus que jamais, la pérennité de nos fermes est remise en question »;

  • « Nous, les 42 000 productrices et producteurs agricoles et forestiers du Québec, interpellons le gouvernement afin de prioriser notre mission si névralgique pour la société québécoise, à travers une nouvelle politique bioalimentaire forte et adaptée à l’ampleur de ces nouvelles règles économiques, environnementales et sociales, dans un contexte mondialisé déloyal et marqué par les changements climatiques »;
  • « Nous incitons les autorités publiques à nous placer réellement au centre des orientations déterminantes à prendre. Nous devons être au cœur des solutions! »

Ce qu’ils ont dit…

Il faut que les gens consomment localement, consomment au Québec. Il faut que l’agriculture soit mise de l’avant, qu’elle soit soutenue. Il faut qu’on puisse vivre de l’agriculture, parce que souvent, les agriculteurs ont deux travails pour être capables d’arriver.

Camille Lussier, productrice maraîchère biologique de Cookshire-Eaton, en Estrie

Je suis fier de représenter la relève agricole. Pour moi, c’est important de venir marcher et de démontrer que ça n’a pas de bon sens, qu’il faut que le gouvernement fasse quelque chose, qu’il nous écoute. J’ai la pancarte du ministre Lamontagne dans les mains et il y en a plein qui me l’ont dit tout à l’heure : « C’est le seul Lamontagne qu’on a vu avec une colonne. »

Maxime Lafond, producteur laitier et de foin de commerce de Weedon, en Estrie

La relève, c’est essentiel. Il ne faut pas juste en parler; il faut faire des choses concrètes pour eux. Il faut aller plus loin que ce qu’on fait en ce moment. Notre message n’est malheureusement pas sexy, mais il faut faire arrêter les belles paroles et faire des choses concrètes. Personne n’est contre la relève, mais il faut maintenant poser des gestes.

Pierre Cormier, producteur acéricole, à Dunham, en Estrie

L’agriculture, c’est un projet de société. C’est important d’être présents et de soutenir l’agriculture au Québec. On est venus marcher pour leur apporter notre soutien. Les agronomes œuvrent en étroite collaboration avec les producteurs et on les soutient. On souhaite vraiment que le message soit entendu.

Martine Giguère, présidente de l’Ordre des agronomes du Québec

Le dinosaure, ça représente la voie d’extinction. C’est pour dire : « Demain, qui va nous nourrir? »

Marjolaine Beauregard, copropriétaire du Potager Mont-Rouge, à Rougemont, en Montérégie