Régions 23 février 2024

Le dernier abattoir de l’Abitibi est à vendre

L’abattoir appartenant à la Boucherie Des Praz, de Rouyn-Noranda, est à vendre. Les propriétaires, Christel Groux et Sylvain Fleurant, ont décidé de se départir de leur installation de proximité pour se concentrer sur leur élevage et élargir la commercialisation de leur viande.

Les activités de cet abattoir, qui est le dernier dans la région de l’Abitibi-Témiscamingue, seront toutefois maintenues jusqu’à ce qu’une vente soit conclue. « C’est rare que dans une perspective d’entreprise, on ne puisse pas se développer davantage », déplore Mme Groux pour expliquer leur décision. Son conjoint et elle, partenaires dans l’entreprise Des Praz, qui compte un élevage de bœufs et une boucherie, ont acquis l’abattoir de proximité en 2009, alors qu’ils étaient en démarrage. « Le permis d’abattoir de proximité, à ce moment-là, faisait notre affaire, parce qu’on pouvait commencer modestement. On voulait marcher avant de courir », illustre la productrice.

Les activités de l’abattoir Des Praz, seul abattoir dans la région de l’Abitibi-Témiscamingue, se poursuivent malgré la mise en vente. Photo : Gracieuseté de la Boucherie Des Praz

Ils ont donc commencé avec un point de vente à l’abattoir, isolé dans un rang, après quoi un deuxième point de vente, plus accessible, a été implanté à Rouyn-Noranda. Les producteurs ont ensuite profité des marchés publics pour élargir leur clientèle, mais ils se sont fait rappeler à l’ordre par le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ). Ce dernier ne permet pas la vente de viande issue des abattoirs de proximité ailleurs qu’à l’abattoir lui-même et au second point de vente. La Boucherie Des Praz outrepassait ainsi cette limite en allant dans les marchés publics, bien que son point de vente à l’abattoir, trop isolé, ait été fermé entre-temps.

 Quand on nous a enlevé le marché public, ça nous a vraiment écœurés, mais ce qui m’a encore doublement écœurée, c’est quand j’ai demandé un kiosque à la ferme et que le ministère n’a pas voulu, sauf si je fermais ma boutique à Rouyn. On ne peut pas croître, parce que notre permis ne nous le permet pas. Pourtant, ce qu’on proposait, c’était encore de la vente directe au consommateur.

Christel Goux, co-propriétaire de la Boucherie Des Praz

Pour régler ce problème administratif, les propriétaires ont étudié l’avenue d’une certification provinciale pour leur abattoir, un projet qui aurait requis d’importants investissements. « En fait, pour rentabiliser ce projet, il aurait fallu faire de l’abattage à forfait, et on s’est rendu compte que ce n’était pas notre but. On souhaite plutôt se concentrer sur nos élevages et la commercialisation de nos produits », précise Mme Groux.

Le couple a donc décidé de se départir de l’abattoir et espère trouver un acheteur qui sera prêt à le développer, en spécifiant être aussi ouvert à tout autre type d’offres.

Un long trajet vers les abattoirs provinciaux

Dès qu’ils auront conclu la vente de leur installation, les deux producteurs expédieront leurs bêtes vers des abattoirs provinciaux « au sud de la province », comme à Thurso, qui se situe à un peu plus de 6 h de route de Rouyn-Noranda. Bien que ce soit un long trajet, Mme Groux estime qu’elle en tirera de meilleurs avantages pour le développement de son entreprise, qui pourra passer à une autre étape. « Je vais ramener les carcasses, je vais les transformer et je vais ensuite pouvoir les vendre dans mon kiosque à la ferme, dans ma boutique à Rouyn, et je vais pouvoir faire les marchés publics, parce que les animaux vont avoir été abattus sous inspection », précise-t-elle.

Peu d’effets sur d’autres entreprises

Ayant une certification d’abattoir de proximité, l’abattoir Des Praz n’était pas une option pour les autres éleveurs de la région, qui n’auraient pas pu y faire abattre leurs bêtes pour en commercialiser la viande. Toutefois, l’abattoir abat environ 350 bêtes par année pour des particuliers, comme le producteur Luc Robitaille, de la Ferme Le Souvenir, à Dupuy, qui y fait transformer quelques bœufs pour sa consommation personnelle. « [Cette vente], ce n’est pas une bonne nouvelle. J’ai trois bêtes à faire abattre au mois d’avril. Je ne veux pas avoir à les voyager en Outaouais ou à Montréal », affirme-t-il. Il signale que la région comptait auparavant trois abattoirs qui ont fermé « l’un à la suite de l’autre ».