Régions 3 janvier 2024

De belles avancées pour les petits fruits nordiques sur la Côte-Nord

Le jour où l’on verra des champs d’airelle se répandre au pays de Gilles Vigneault n’est plus si lointain. Ce petit fruit, tout comme la chicouté, la ronce arctique et la camarine, fait en effet l’objet de recherches qui commencent à s’avérer concluantes.  Le Centre d’expérimentation et de développement en forêt boréale (CEDFOB) a en effet démarré, en 2020, une vaste recherche-action sur ces fruits cueillis par les locaux, dont les Premières Nations, depuis belle lurette. 

Mais leur récolte ne suffit pas à répondre à la demande grandissante, d’où l’idée d’une culture ou… d’une semi-culture. « En semi-culture, on aménage le milieu naturel – où les plants sont déjà présents naturellement – pour les densifier », explique Alyssa St-Gelais, professionnelle de recherche au CEDFOB.

L’objectif de la recherche est de déterminer, grâce à des essais sur le terrain, quelles seraient les pratiques culturales optimales. « Il y a plein de facteurs, mais on s’est beaucoup penchés sur les paillis et les fertilisants idéaux », dit Mme St-Gelais.

Plusieurs équipes travaillent sur les différentes productions. La première étape consiste à multiplier les plants en laboratoire ou en permaculture, puis à les transplanter sur les terres de différents producteurs agricoles partenaires, dont certains hébergent quelques-uns des quatre fruits étudiés. « On fait le champ et la production nous appartient le temps qu’on mène nos recherches, mentionne la professionnelle de recherche. Mais après, ce sont les cultivateurs qui décideront s’ils souhaitent ou non poursuivre la culture. » 

Sa collègue Mathilde Bouchard, aussi professionnelle de recherche, explique que cette façon de faire réduit les risques pour les producteurs. « Ça leur permet de ne pas trop se mouiller en partant une nouvelle culture, dit-elle. Ils n’investissent pas beaucoup d’argent; c’est surtout de leur temps. »

Résultats obtenus à mi-parcours

À mi-parcours de la recherche, on peut déjà tirer certains apprentissages. La production la plus avancée quant aux résultats obtenus et aux connaissances est l’airelle, testée en culture ou en semi-culture. « En semi-culture, la fertilisation a permis de quintupler la croissance des plants sur certains sites, dit Alyssa St-Gelais. En culture, quand on densifie beaucoup, on a eu d’excellents résultats. »

La ronce, elle, n’a été testée qu’en culture. « On a fait des constats intéressants avec certains paillis et fertilisants. L’un des producteurs a commencé à transformer une petite production en attendant d’agrandir sa culture. »

La camarine noire, pour sa part, fait uniquement l’objet d’une production semi-cultivée. « C’est bien parti aussi et l’équipe a réussi à les densifier de manière intéressante, explique Mme St-Gelais. La fertilisation a permis de faire exploser la croissance. »

Finalement, en ce qui concerne la chicouté, le développement des connaissances accuse un certain retard. Il est difficile pour l’équipe d’avancer rapidement à cause de leur environnement naturel en tourbière, un site hautement protégé. « On se concentre sur la culture. On ne peut pas faire de la semi-culture et transformer une tourbière ou encore la vider de ses plants pour les reproduire, explique Alyssa St-Gelais. Le principal défi de la culture est d’avoir une irrigation suffisante, parce que justement, elle pousse d’ordinaire en tourbière. Mais on a quand même eu des résultats concluants. »

De manière générale, la fertilisation s’est avérée payante pour les quatre petits fruits. « Ils sont habitués à pousser dans des sols pauvres, alors quand on est les nourrit, ils sont contents », rapporte la professionnelle de recherche.

La productivité est aussi appelée à s’améliorer avec les années, selon Mathilde Bouchard. « C’est le cas autant en semi-culture qu’en culture, parce que les sols s’enrichissent avec le temps », explique-t-elle. 

L’étude a été prolongée de deux ans pour se terminer à la fin de 2025. Voilà qui donnera l’occasion aux producteurs intéressés de se joindre à l’initiative. « On couvre toute la Côte-Nord et même un peu plus, dit Alyssa St-Gelais. Alors s’il y en a qui veulent faire de la recherche sur leur terrain, appelez-nous! »