Phytoprotection 31 mai 2023

Une laitue résistante aux pucerons voit le jour

MONTRÉAL – Les producteurs de laitue d’ici pourront bientôt compter sur une nouvelle alliée pour contrer les conséquences des changements climatiques. En plus de supporter la chaleur, la Besma résiste aux assauts des pucerons. « À ce jour, les insecticides étaient la seule option disponible pour les éradiquer », explique la Dre Djamila Rekika, chercheuse et chargée de projets scientifiques à la Fondation pour l’amélioration génétique de la laitue et des légumes feuilles, qui a développé la variété. « C’est d’autant plus important avec l’interdiction du néonicotinoïde Admire depuis cette année. Il y avait un besoin urgent. »

Djamila Rekika

L’annonce de la création de la variété Besma a eu lieu lors d’un mini-colloque portant sur l’agriculture durable organisé dans le cadre du congrès de l’Acfas (autrefois connue sous le nom d’Association ­canadienne-française pour l’avancement des sciences), à Montréal, les 11 et 12 mai. Cette nouvelle venue est l’aboutissement de plusieurs années de recherche de la Fondation, un organisme sans but lucratif regroupant des producteurs. Depuis 2007, l’organisation a en effet développé sept variétés de laitue répondant à plusieurs enjeux soulevés par les changements climatiques, dont les chaleurs intenses et la prolifération des ravageurs.

Ces variétés s’adaptent aussi aux conditions de culture de la province. « Au Québec, explique Djamila Rekika, la chaleur estivale dépasse souvent les températures de croissance idéales, soit entre 7 et 24 °C, et nous avons aussi de très longues journées d’ensoleillement, jusqu’à 16 heures, comparativement à 13 heures en Californie, la principale concurrente. »  Les laitues qui poussent au Québec sont donc plus susceptibles de contracter des brûlures de la pointe, de la nervuration brune ou encore de monter en graines prématurément, des défauts qui occasionnent des pertes considérables.

Le croisement de plants a lieu en serre. Photo : Gracieuseté de la Fondation pour l’amélioration génétique de la laitue et des légumes feuilles

Croisement

Un biotest a dû être effectué pour valider la présence du gène de résistance au puceron. Photo : Gracieuseté de la Fondation pour l’amélioration génétique de la laitue et des légumes feuilles

La Besma est née d’un croisement entre la première variété créée par la Fondation, l’Estival, une laitue pommée occupant 76 % du marché en terre, avec une laitue résistante aux pucerons. Cette dernière faisait l’objet d’un brevet détenu par l’entreprise hollandaise Rijkzwaan. La Fondation a conclu une entente avec l’entreprise pour pouvoir croiser les deux laitues. « Après le croisement, nous avons eu recours aux séquences d’ADN connues (avec des marqueurs génétiques), afin de reconnaître les spécimens de laitue ayant hérité des caractéristiques recherchées. Nous n’avons pas à les faire pousser et à les mettre dans les conditions données – dans ce cas, l’exposition aux pucerons –pour savoir si elles ont reçu les gènes en question. Avec cette technique, le développement passe de dix à [seulement] six ans. »

Les semences de la Besma, commercialisées par Norseco, seront sur le marché tôt en 2024. La prochaine étape consistera à intégrer le fameux gène « anti-­pucerons » aux autres laitues développées par la Fondation. Cette ­dernière compte également s’attaquer aux fléaux du ­mildiou et du pythium. « Avec l’évolution du climat, souligne Djamila Rekika, l’innovation dans les variétés de laitues est ­essentielle pour maintenir la performance des producteurs québécois sur le marché, et c’est aussi une solution durable pour l’environnement. »