Vie rurale 21 novembre 2022

Grippe aviaire : « C’est le pire cauchemar qui se réalisait »

En sortant de chez elle, le mardi 5 juillet à 6 h du matin, Jennifer Paquet, productrice avicole dans la région de Québec, a réalisé l’ampleur de la situation à laquelle elle devrait faire face : une imposante flotte de camions, de voitures et d’agents de sécurité de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) accaparait l’espace devant ses bâtiments d’élevage.

Ce témoignage a été fait dans un contexte où plusieurs sites d’élevages de volailles sont touchés par la grippe aviaire de souche hautement pathogène depuis le printemps, une situation qui était jusqu’ici inédite dans la province. Mentionnons que l’éleveuse n’a pas sollicité d’entrevue auprès des médias, mais s’est exprimé dans le cadre d’une conférence destinée aux éleveurs de volailles. Elle a courageusement accepté de parler de cette expérience éprouvante afin notamment de sensibiliser ses collègues à l’urgence d’agir en matière de biosécurité à la ferme.

À la ferme de Mme Paquet, les dindons du bâtiment infecté ne montraient pourtant aucun signe clinique de la maladie le vendredi 1er juillet, soit une journée avant que tout ne déboule, a-t-elle rapporté. « Le lendemain, un employé a remarqué quelques oiseaux morts dans le bâtiment et on a donc averti l’ACIA. Quand le verdict est tombé peu de temps après, c’était comme le pire cauchemar qui se réalisait. Vu qu’il n’y avait presque pas eu de signes avant, c’était encore plus terrifiant. On se demandait si on était assis sur une bombe à retardement », a-t-elle dit.

Dans les jours qui ont suivi, les équipes de l’ACIA ont procédé au dépeuplement des oiseaux de tous les sites d’élevage. Au départ, Mme Paquet voulait assister l’ACIA dans les procédures, mais elle a finalement dû déléguer cette tâche à l’un de ses employés sous la recommandation de sa vétérinaire.  « Elle a insisté pour que je ne voie pas ce qui se passe, parce que même pour elle, qui n’était pas propriétaire des oiseaux, c’était difficile », a confié l’éleveuse.

Les équipes ont ensuite procédé au compostage des carcasses à l’intérieur des bâtiments. Une étape que Mme Paquet a qualifiée de « laborieuse », notamment en raison de la machinerie qui doit être manœuvrée dans un espace restreint, et pendant laquelle trois ventilateurs et une porte de garage ont été arrachés, déplore la productrice, qui précise que les équipes de l’ACIA s’améliorent aussi à travers cette expérience.

Tout nettoyer à la brosse à dents

Après le départ de l’ACIA et les 28 jours de décontamination primaire, le travail était encore loin d’être terminé. « C’est à ce moment qu’on se sent un peu laissés à nous-mêmes, a ­mentionné Jennifer Paquet.

Tout devait être lavé de fond en comble : les conduits ­d’aération, les dessous des protecteurs de néons, l’intérieur et l’extérieur des cadres, l’extérieur des bâtiments d’élevage, les entrepôts, les garages… Quand on dit que c’est un lavage à la brosse à dents, c’est exactement ça. On a même sorti les “Q-Tips”! » illustre la productrice, encore éprouvée. Cette dernière a reconnu que cette étape a été très décourageante. « On a l’impression qu’on n’avance pas, mais il faut y aller une étape à la fois. »

Au total, il aura fallu trois mois de procédures de décontamination et de lavage avant que le site puisse de nouveau recevoir des oiseaux. 

Du soutien psychologique pour le secteur avicole

Depuis le mois d’avril, moment qui coïncide avec la première vague de cas de grippe aviaire dans les élevages commerciaux de volailles au Québec, l’organisme de soutien psychologique Au cœur des familles agricoles (ACFA) tente de mieux faire connaître ses services auprès des trois fédérations du secteur avicole, qui « nous connaissaient moins [que d’autres fédérations », mentionne Samuel Gosselin, directeur général d’ACFA. Pour le moment, ce dernier n’était pas en mesure de dire s’il y avait une hausse des demandes d’intervention auprès des travailleuses de rang en lien avec la grippe aviaire, mais il précise que pendant les périodes de crise, les producteurs sont sur l’adrénaline, en mode solutions, et que c’est souvent quelques mois après les événements, quand la poussière retombe, que la détresse se fait sentir. Les travailleuses de rang de l’organisme peuvent être contactées au 450-768-6995.

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