Élevage 6 mars 2023

Des éleveurs demandent un plan plus clair pour leur avenir

Depuis l’annonce du géant Olymel de réduire la transformation de porcs de 20 % en juin, les éleveurs de la province sont plongés dans l’incertitude face à leur avenir. Mario Gagné, propriétaire d’une porcherie indépendante de type naisseur-finisseur à Saint-Narcisse-de-Beaurivage, dans Chaudière-Appalaches, engraissera ses derniers cochons au cours des prochains mois.

La crise que traverse actuellement la filière porcine ne lui donnait plus envie de continuer plus longtemps dans une production qui « lui fait perdre de l’argent ».

« On voulait vendre l’an passé, mais les acheteurs se sont tous sauvés », regrette celui qui se considère tout de même comme chanceux d’avoir des terres qu’il pourra vendre pour prendre sa retraite. En effet, ses bâtiments d’élevage, même fraîchement rénovés et répondant aux normes de bien-être animal, ne valent plus rien actuellement, estime l’éleveur de 65 ans, qui attendra plus tard pour décider de leur sort.

Des producteurs en fin de carrière et sans relève comme Mario Gagné sont nombreux à abandonner la production, observe le directeur général de la coopérative agricole Saint-Bernard, Kevin Vallée, qui côtoie de nombreux producteurs dans Chaudière-Appalaches, région où la densité de fermes porcines est la plus élevée au Québec. Pour les autres, c’est l’inquiétude qui domine.
« Nos clients nous demandent sans cesse si on a des nouvelles, si on sait quelque chose qui pourrait les rassurer, mais on ne le sait pas plus qu’eux. Tout le monde est dans le néant », rapporte-t-il.

Une annonce dans les prochains jours

Le président des Éleveurs de porcs du Québec, David Duval, a de son côté reconnu le devoir de l’organisation qu’il représente de rassurer ses membres en leur présentant « ce à quoi ressemblera l’avenir pour ceux qui souhaitent rester en production ». Un plan en ce sens devrait être présenté « d’ici deux semaines », a-t-il révélé lors d’une entrevue accordée à La Terre, le 28 février.

Ce plan présentera une série de mesures pour gérer « de manière harmonieuse et ordonnée » le surplus de 855 000 porcs qui ne seront plus achetés par Olymel dans les élevages québécois à partir du mois de juin, et qui s’ajouteront aux 530 000 qui ne l’étaient plus depuis mars 2022. Un mécanisme de retrait temporaire de la production, la vente de porcelets et la gestion de la décroissance de la production dans les élevages en sont quelques exemples.

Parallèlement, M. Duval a révélé que l’organisation souhaitait se servir de cette crise pour réfléchir à un modèle de production différent pour l’avenir, en s’inspirant, par exemple, de modèles où les éleveurs ont un certain contrôle sur la transformation, comme c’est le cas en Ontario ou aux États-Unis. Un travail toutefois plus complexe, qui demandera plus de temps, a-t-il spécifié.

Le silence du ministre Lamontagne dénoncé

Un éleveur de porcs qui s’est confié à La Terre, mais qui préfère ne pas être nommé pour ne pas subir des coupes plus importantes que d’autres, a déploré l’absence, depuis le début des déboires d’Olymel, du ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec, André Lamontagne. « Si nous avions un plan et une vision du gouvernement pour notre secteur, se serait déjà un plus », a-t-il indiqué, précisant que la situation était très fatigante mentalement en plus d’être extrêmement stressante sur le plan financier.

Questionné à ce sujet, le ministre André Lamontagne a dit être sensible à la réalité des éleveurs et éleveuses du Québec, qui doivent naviguer dans l’incertitude à la suite des annonces de réduction des achats de porcs et de l’augmentation des coûts de production qui mine la liquidité de certaines entreprises.

Or, dans le délicat contexte des négociations en cours pour le renouvellement de la convention de mise en marché des porcs, il estime que c’est plutôt le rôle des acteurs de la filière de prendre une décision quant à l’avenir. « Compte tenu de l’enjeu, j’invite les parties à intensifier les négociations avec le conciliateur », a-t-il indiqué.