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L’un des systèmes de mise en marché collective les plus complexes au pays, en raison de son niveau d’interventionnisme, est celui de la gestion de l’offre, fait remarquer Annie Royer, titulaire de la Chaire de leadership en enseignement de la mise en marché collective des produits agricoles, à l’Université Laval. Elle estime que ce modèle établi dans les années 70, qui implique une collaboration de toutes les provinces et la fermeture des frontières pour réguler le marché, serait très difficile à mettre en place aujourd’hui.
« Dans les années 80, on a assisté à une vague de libéralisme. À partir de 90, quand l’agriculture a été rentrée dans les accords du GATT [Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce] et qu’ensuite, c’est devenu l’OMC [Organisation mondiale du commerce], l’agriculture dans tous les pays industrialisés est devenue un secteur comme un autre qu’il fallait libéraliser également, indique-t-elle. La gestion de l’offre a été mise en place avant ce tournant néolibéral. »
En réponse à une crise
Dans le secteur laitier, une crise subie par les agriculteurs au tournant des années 70, découlant de l’instabilité de la production et des prix, a d’abord incité l’Ontario et le Québec à mettre en place un système de gestion de l’offre. Des négociations ont ensuite eu lieu avec les autres provinces canadiennes, qui s’y sont rattachées, petit à petit.
Bien que le système soit bien établi aujourd’hui, la professeure Royer souligne qu’elle est toujours remise en question lors de négociations d’accords commerciaux. « Chaque fois, il y a des brèches. On est dans une drôle de période. On veut plus d’autonomie alimentaire, on veut être un peu plus protectionniste de notre système agricole, mais en même temps, on continue de signer des accords comme ça, qui sont en porte-à-faux avec la gestion de l’offre », dit-elle, soulignant que, dans ce contexte, une très grande discipline collective est de mise pour qu’un tel système continue de fonctionner. « Moi, j’admire les producteurs pour ça, parce qu’ils rencontrent certainement des tensions internes, mais finissent par s’entendre. Ils ont quand même réussi collectivement à plafonner les quotas à 24 000 $ le kilo. Ça, c’était quelque chose, parce qu’il y en a qui ont perdu là-dedans », rappelle-t-elle.
Historique d’individualisme dans le maraîcher
Plusieurs intervenants du secteur maraîcher sondés par La Terre ont soulevé l’historique plutôt individualiste pour la mise en marché de fruits et légumes au Québec, qui pourrait être un frein à la collectivisation de l’offre. « Il y a une partie des producteurs qui seraient intéressés à se coordonner, mais ceux qui sont bien organisés depuis plusieurs générations, pour eux, c’est moins intéressant », observe un producteur de Laval, Michel Sauriol. À Saint-Lin–Laurentides, dans Lanaudière, le producteur Guillaume Henri observe aussi cette mentalité individualiste, mais constate que la nouvelle génération d’agriculteurs communique un peu plus que la précédente. « On jase plus. Avec la nouvelle vague, peut-être que ça va se faire naturellement, l’idée de travailler ensemble. »
Aux yeux de Marc-André Van Winden, du Groupe Vegco, la mise en commun de l’offre doit être initiée par un petit groupe de producteurs. « Ça prend quelqu’un qui décide de parler à ses voisins. Si tu penses que ton voisin, c’est ton concurrent, tu es dans le champ! » fait-il valoir.
Le vrai compétiteur des maraîchers, selon lui, est la Californie. « La saison passée, on a eu une pénurie de laitues au Québec, mais la rareté n’a même pas fait monter les prix, parce que le marché est nord-américain
et que la Californie a eu de l’abondance. »