Économie 18 avril 2023

Portrait plus sombre pour la relève

Selon le sondage, deux fermes de moins de 10 ans sur cinq ne génèrent pas assez d’argent pour couvrir leurs obligations financières. « Les chiffres de la relève sont plus sombres que ceux qui ont répondu au sondage, donc c’est sûr que ce qui s’en vient va les affecter davantage », indique la cheffe des affaires économiques et directrice de la Direction des recherches et des politiques agricoles de l’UPA, Isabelle Bouffard. Alors que la moyenne provinciale est à 19 %, le sondage indique que 24 % des fermes de moins de 10 ans se considèrent en mauvaise ou très mauvaise santé financière. Le président de l’UPA, Martin Caron, attribue ces résultats au niveau d’endettement plus élevé des fermes en démarrage ou en transfert. « Une entreprise en démarrage sur cinq devra renouveler entre 80 et 100 % de sa dette dans la prochaine année », mentionne-t-il. 

La présidente de la Fédération de la relève agricole du Québec, Julie Bissonnette, mentionne qu’en 2021, 4 jeunes de la relève sur 10 cumulent un deuxième emploi à l’extérieur de la ferme. Dans les fermes en démarrage, le chiffre atteint 6 jeunes sur 10. Cela représente une augmentation de 10 % en 10 ans. « En agriculture, on dit souvent qu’on a la passion, mais il y a une limite à la passion. Elle ne paie pas les comptes à chaque fin de mois. C’est ce qui arrive depuis un moment. Il y a des limites à travailler à l’extérieur, à être efficace, à se donner à fond. Il y a des limites physiques et surtout mentales », dit-elle.

Jean-Thomas Maltais

120 000 $ de plus pour des veaux en 2022

Plus du tiers des répondants du sondage sont des éleveurs de bovins (lait et vaches-veaux). Le président des Producteurs de bovins du Québec, Jean-Thomas Maltais, mentionne que dans la production de bouvillons d’abattage, une ferme moyenne doit dépenser trois fois plus qu’en 2020 pour s’approvisionner en veaux, ce qui représente une augmentation de 120 000 $. « Et ça, c’est sans les coûts autres, comme le carburant, les semences, l’alimentation, etc. », indique ce dernier. De plus, le volume de production de bouvillons a diminué de 17 % en 2021-2022. 

Dans le secteur vache-veau, les coûts d’élevage se sont accrus de 22 %. « Le nerf de la guerre dans ce type de production, c’est les pâturages. Avec le prix exorbitant des terres, multiplié par le taux d’intérêt actuel, les producteurs sont à bout de souffle et il y en a qui abandonnent le combat », souligne ce dernier. 

Par ailleurs, des données du ministère de l’Agriculture dévoilées le 13 avril démontrent qu’entre 2019 et 2022, le secteur des productions animales a perdu 576 entreprises, dont 264 produisaient du lait, 188 des bovins de boucherie et 94 du porc. « À l’exception des productions d’œufs ainsi que de poulets et dindons, aucune production animale n’a vu son nombre d’exploitations augmenter », lit-on.

Pascal Rheault

25 000 $ supplémentaires en coûts de transport en régions éloignées

Les répondants au sondage ont été plus nombreux en proportion à provenir des régions éloignées. Trente et un pour cent des agriculteurs de la région de la Gaspésie-Les Îles y ont répondu, tout comme 19 % des producteurs de l’Abitibi-Témiscamingue, de la Capitale-Nationale‒Côte-Nord et du Bas-Saint-Laurent et 17 % des producteurs du Saguenay‒Lac-Saint-Jean. Le président de la Fédération de l’UPA de l’Abitibi-Témiscamingue, Pascal Rheault, mentionne que l’augmentation rapide du coût du diesel a fait accroître les coûts de transports des producteurs de sa région de 500 à 600 $. Pour une entreprise bovine de 200 vaches, cela représente 25 000 $ par année. « Je pense que les régions périphériques, on est le canari dans la mine de l’agriculture au Québec, et présentement, le canari est en train de plier les pattes, et ça va lui prendre une bouffée d’air pur pour continuer à produire et à nourrir notre population »,
soutient-il. Acheminer un chargement de grain à partir ou en direction du Saguenay−Lac-Saint-Jean coûte 65 $ la tonne de plus, explique le président de la Fédération de l’UPA de la région, Mario Théberge. En raison du transport, les frais d’abattage d’un producteur de grand gibier de sa région sont passés de 100 à 250 $. Il explique que ce dernier ne peut refiler la facture au consommateur de peur de perdre des parts de marché. À La Terre, Pascal Rheault a indiqué que le gouvernement était déjà intervenu auprès de la Régie de l’énergie par le passé pour réduire le prix du diesel de 0,3 $/L. « Il va falloir qu’il s’en mêle de nouveau », soutient ce dernier.

Catherine Lefebvre

55 % des maraîchers devront renouveler leurs prêts en 2023

La présidente de l’Association des producteurs maraîchers du Québec, Catherine Lefebvre, souligne que 55 % des producteurs maraîchers devront renouveler leurs prêts en 2023. « Ça fait que 59 % des entreprises vont devoir diminuer ou reporter leurs investissements », dit-elle. Cela dans un contexte de coûts de main-d’œuvre élevé sur un marché où les prix de vente sont dictés internationalement, ce qui mine la compétitivité du secteur. Le sondage indique que 13,5 % des répondants sont des producteurs fruitiers ou maraîchers.