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Le prix des terres est toujours en hausse, malgré l’augmentation des taux d’intérêt, ce qui permet aux agriculteurs qui quittent la production d’empocher des montants faramineux lors de la vente, mais qui crée une situation de plus en plus difficile pour ceux, dont les jeunes de la relève, qui désirent acheter des terres afin de rendre leur entreprise agricole viable, s’alarme l’agroéconomiste Marie-Claude Bourgault.
« Je regarde des fermes laitières qui ont besoin d’acheter une terre pour nourrir leurs vaches. On essaie de rentrer ça dans le budget, mais au prix où sont rendues les terres et avec les taux d’intérêt à 6 %, c’est rendu l’enfer. Ce qu’on voit, c’est que ceux qui sortent de l’agriculture deviennent multimillionnaires, ceux qui restent s’appauvrissent, et les créanciers, qui voient la valeur des prêts augmenter [avec la hausse du prix des terres], en profitent. Ça ne marche pas. Ceux qui vont produire notre nourriture de demain ne peuvent plus acheter de terre. C’est comme un sujet tabou, alors qu’il faut en parler », assure la copropriétaire de la firme Agrigo Conseils, qui accompagne près de 150 fermes.
Elle explique que les agriculteurs du Québec bénéficient d’un accès facile au capital. Cela permet à plusieurs d’acheter une terre à un prix beaucoup plus élevé que sa valeur économique. Cet endettement crée une pression sur les liquidités. Certains producteurs ont de la difficulté à se payer un salaire, souligne-t-elle, mais après plusieurs années, ils ont des actifs qui valent des millions. Dans ce concept, les grandes fermes ont alors plus d’équité et une plus grande capacité d’emprunt pour acheter… d’autres terres. « Grosse ferme, petite ferme, elles sont toutes importantes, mais avec les conditions de financement actuelles, les petites fermes n’ont pas d’effet de levier ni la capacité d’emprunt des grosses. Est-ce qu’on va finir avec une grosse ferme par village, avec des travailleurs étrangers? Je suis très préoccupée par ce que je vois », témoigne Mme Bourgault.
Elle dit que l’accès au financement propre au milieu agricole nourrit l’inflation du prix des terres. « Dans le milieu commercial, ce n’est vraiment pas pareil. J’ai travaillé sur un projet de transformation [alimentaire] de 1,8 M$ qui se payait sur quatre ans. C’était très rentable, quatre ans, mais les gens ont été incapables d’avoir le financement, car ils manquaient d’équité. Et de l’autre côté, il y a des producteurs qui ont leur financement pour acheter une terre dont la valeur marchande n’offre aucune rentabilité sur l’investissement, et certains obtiennent le prêt sans même devoir payer le capital. Alors, ça va s’arrêter où? On s’en va où avec ça? » questionne-t-elle.
S’inspirer du milieu résidentiel?
Plongé dans la dynamique des transactions de terre depuis 2019, Marc-André Côté, directeur de la Fiducie agricole UPA-Fondaction, estime qu’il est temps de prendre des actions pour stabiliser le prix des terres. « Il y a un problème structurel : la valeur marchande des terres dépasse la valeur économique agricole et n’a plus de lien avec les revenus. […] Quand tu regardes les valeurs des terres américaines, dont certaines sont plus faibles qu’au Québec, c’est que quelque chose cloche ici. Il faudra l’intervention de l’État, un peu comme l’a fait le fédéral pour calmer la surchauffe dans le secteur de l’immobilier résidentiel », juge M. Côté. Il donne en exemple le fait que depuis 2012, la marge de crédit hypothécaire est plafonnée à 65 % de la valeur de l’habitation dans le secteur de l’immobilier résidentiel.