Économie 25 mai 2023

Des liquidités libérées en faisant acheter une terre par autrui

Guillaume Dallaire et sa conjointe, Audrey Bouchard, ont besoin d’un nombre d’hectares supplémentaires en culture pour le développement de leur entreprise, mais désirent conserver leurs liquidités et leur capacité d’emprunt pour d’autres projets. Ils ont alors demandé à la Fiducie agricole UPA-Fondaction d’acheter une terre pour eux. 

Quand tu achètes des terres au gros montant, pendant toute ta carrière agricole, tu es surendetté, tu te serres pour payer des dettes, et quand tu prends ta retraite, là, tu empoches! Mais tu es vieux et tu n’en profites pas longtemps… C’est peut-être mieux de gérer des entreprises qui sont rentables maintenant.

Guillaume Dallaire

« En ce moment, le prix des terres est au-dessus de la rentabilité. Il faut réfléchir. Si c’était la terre du voisin, on n’aurait pas hésité à l’acheter nous-mêmes, mais c’est une terre de l’autre côté du village. Ce n’était pas stratégique de mettre nos capacités d’emprunt là-dedans. Avec la fiducie, on se sécurise une superficie, car on devient le locataire officiel de cette terre de 55 hectares pour les prochaines générations de la Ferme Tournevent », indique le producteur. La fiducie leur louera en effet chaque année, selon un montant préétabli, pourvu que les propriétaires de la ferme respectent des conditions, comme de payer leur loyer et de conserver l’intégrité de la vocation agricole. « Avec la fiducie, tout a super bien été. Ils embarquent dans le projet s’ils peuvent offrir un coût de location compatible avec la rentabilité de mon entreprise. Et c’est fait. On veut faire d’autres projets avec eux », commente M. Dallaire.

Santé financière ou retraite riche?

La Ferme Tournevent transforme en partie ses récoltes en huile et en grains de lin et de chanvre destinés directement aux consommateurs. Ses dirigeants préfèrent tourner le dos au modèle prédominant en agriculteur qui consiste, selon Guillaume Dallaire, à s’endetter en achetant des terres pour plus tard avoir des actifs de grande valeur. « Quand tu achètes des terres au gros montant, pendant toute ta carrière agricole, tu es surendetté, tu te serres pour payer des dettes, et quand tu prends ta retraite, là, tu empoches! Mais tu es vieux et tu n’en profites pas longtemps… C’est peut-être mieux de gérer des entreprises qui sont rentables maintenant. Nous, on loue la majorité des 800 ha qu’on cultive. Ça nous donne les moyens d’investir dans notre usine et de bien payer nos employés », décrit le producteur. Il ajoute que le concept de location avec la fiducie lui permet d’atteindre plus rapidement sa superficie optimale en culture, ce qui entraîne des économies d’échelle.

Cela dit, M. Dallaire est conscient que la fiducie ne réglera pas tout. Il faudra trouver des moyens additionnels pour aider la relève à prendre le relais, car présentement, les prix élevés offerts par certains producteurs pour acquérir des terres finissent par bloquer la relève, déplore-t-il.

D’autres transactions pour la Fiducie agricole

Après avoir annoncé, le 2 mai, un achat de terre pour la Ferme Tournevent, au Lac-Saint-Jean, la Fiducie agricole UPA-Fondaction s’apprête à officialiser, le 29 mai, une autre transaction, soit l’achat d’une terre à Sainte-Anne-de-la-Pérade, en Mauricie, qui permettra à des petites fermes maraîchères d’y prendre place à long terme.

Marc-André Côté
Marc-André Côté

Il s’agit cette fois d’un partenariat avec l’incubateur agricole Les terres du possible de la MRC des Chenaux, précise le directeur de la Fiducie, Marc-André Côté. Le prix de la terre était inaccessible pour ces maraîchers, d’où leur demande à la Fiducie, qui achète et qui la leur louera aussi longtemps qu’ils en auront besoin.  

M. Côté dit que plusieurs agriculteurs contactent la Fiducie agricole, mais cette dernière, même si elle ne manque pas de moyens, doit refuser plusieurs demandes en raison du prix trop élevé des terres, « car plus la Fiducie paie cher pour une terre, plus elle doit charger un loyer qui est cher », signifie-t-il en soulignant que même si la Fiducie est un organisme de bienfaisance qui ne cherche pas de profit, elle accepte seulement les projets où elle peut offrir un loyer raisonnable à la ferme qui en fait la demande. 

La Fiducie arrive à payer des terres moins cher grâce à son statut d’organisme de bienfaisance, qui peut ainsi émettre un crédit d’impôt aux gens qui lui vendent une terre au rabais. « Nous sommes un outil, mais les gens peuvent varier, en achetant une terre par eux-mêmes, une autre avec le FIRA [Fonds d’investissement pour la relève agricole] et une avec nous. Ils bénéficient alors des avantages de différents modèles. »