Bio 9 mai 2024

Crise agricole : la CAPÉ réclame des budgets mieux gérés

Dans la foulée des nombreuses manifestations d’agriculteurs, la Coopérative pour l’agriculture de proximité et écologique (CAPÉ) a transmis une liste de cinq demandes au gouvernement Legault, afin d’aider les producteurs à surmonter la crise. Le président sortant, Léon Bibeau-Mercier, fait valoir qu’il faut non seulement de l’argent supplémentaire, mais qu’il importe de répartir plus efficacement l’aide déjà consentie par l’État au milieu agricole. 

Celui qui a présidé sa dernière assemblée générale le 20 mars donne différents exemples. À commencer par le montant de 5 000 $ permettant d’être reconnu comme producteur agricole par le gouvernement québécois.

 Des revenus de 5 000 $, ce n’est vraiment pas beaucoup pour une entreprise. Ce montant n’a pas été indexé depuis des années. L’argent du programme profite donc à des gens qui vont chercher le crédit de taxes sans vraiment être agriculteur.

Léon Bibeau-Mercier

Il pointe aussi le cas « des grosses fermes qui accumulent des terres » en sachant que celles-ci prendront de la valeur et que le programme de crédit de taxes les soutiendra dans cet accaparement de terres. 

La CAPÉ, qui pourrait bientôt changer de structure pour devenir les Fermiers·ères de famille, propose de hausser le revenu minimum agricole admissible, par exemple à 9 000 $ au lieu de 5 000 $, et d’instaurer des paliers de remboursement pour les grandes entreprises. « Ça pourrait n’être qu’au-delà d’un tel nombre d’hectares que le pourcentage de remboursement de taxes diminue », préconise-t-il. 

Partage du budget de l’ASRA 

Selon la CAPÉ, les fonds du Programme d’assurance stabilisation des revenus agricoles (ASRA) devraient être revus. L’organisation se questionne sur l’utilité d’injecter plus de 300 M$ du budget du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec dans l’ASRA, en 2023, pour soutenir le secteur porcin. « Comment ça se fait qu’on claque autant d’argent dans l’ASRA, un système qui continue quand même de voir disparaître les producteurs de porcs indépendants? » dénonce M. Bibeau-Mercier. Il soutient que cet argent sert donc principalement aux intégrateurs porcins et que les sommes devraient être mieux investies pour soutenir plutôt les objectifs de souveraineté alimentaire du Québec et ceux d’une production agricole plus environnementale. 

Interpellé à ce sujet, le cabinet du ministre de l’Agriculture, André Lamontagne, fait valoir que « le programme ASRA dispose d’un mécanisme qui vient réduire la compensation offerte aux entreprises de grandes tailles ». Il mentionne aussi que « dans une perspective de pérennité, le gouvernement et La Financière agricole du Québec soutiennent la filière porcine, qui est importante dans l’économie québécoise ».

Néanmoins, Léon Bibeau-Mercier croit nécessaire de prendre une portion de cet argent de l’ASRA pour offrir une rémunération « digne et viable » aux exploitants des fermes de proximité ainsi qu’à leurs employés. Cela aiderait à pérenniser ces fermes et à accroître leur nombre, assure-t-il, soulignant que des fermiers de proximité peinent à se verser un salaire présentement. 

Autres demandes en rafale 

Parmi les revendications en lien avec la crise agricole, la CAPÉ demande que les fermes de proximité reçoivent un plus grand soutien, notamment en élargissant le Programme d’apprentissage en milieu de travail, lequel offre des subventions salariales. « C’est un programme qui serait structurant pour nous, qui soutiendrait la rémunération, pour que les gens puissent envisager une véritable carrière en agriculture. Pourquoi nous ne pourrions pas y avoir également accès? » questionne le président sortant. 

L’organisation préconise par ailleurs que les prêts garantis par La Financière agricole du Québec soient confiés à la Caisse de dépôt et placement du Québec afin d’assurer un contrôle des coûts pour l’État et des taux d’intérêt équitables et prévisibles pour les agriculteurs. 

La CAPÉ est consciente que les citoyens ont un rôle crucial à jouer dans le succès des fermes de proximité. En ce sens, elle demande à Québec d’investir 16 M$ sur trois ans pour mettre en place des initiatives soutenant la visibilité et le développement des ventes directes, comme les abonnements aux paniers de légumes, les marchés de solidarité, les marchés publics, etc. 

Le cabinet du ministre Lamontagne précise avoir justement mis sur pied une initiative ministérielle, en juillet 2023, visant à rapprocher les producteurs agricoles, les transformateurs artisans et les consommateurs par le développement d’initiatives de mise en marché de proximité et d’agrotourisme. « L’initiative a très bien fonctionné et nous sommes à évaluer les suites à donner », affirme le cabinet.