Bio 26 janvier 2024

14,9 millions de litres de lait bio vendu au conventionnel

QUÉBEC – La tendance à la baisse des ventes du lait bio se poursuit, puisque 14,9 millions de litres n’ont pas pu être vendus comme du bio en 2023, ce qui représente 23 % de la production. Évidemment, le lait n’est pas gaspillé. Il a été vendu sur le marché du lait conventionnel, ce qui ampute toutefois le montant de la prime financière offerte aux 136 producteurs québécois sous régie biologique. 

Les prévisions pour 2024 ne sont guère plus réjouissantes, comme en témoignent les graphiques présentés lors de la 23e assemblée générale annuelle du Syndicat des producteurs de lait biologique du Québec, le 19 janvier, à Québec. Difficile de prévoir l’avenir, mais pour l’instant, ce sont près de 20 millions de litres de lait bio qui pourraient rester invendus comme bio et plutôt être vendus au prix du lait conventionnel en 2024.

Avec l’information qu’on a, la prévision [de la demande] est un peu inférieure aux années précédentes.

Jean-Philippe Deschênes-Gilbert, directeur de la gestion du lait aux Producteurs de lait du Québec

Il indique que deux usines ont signifié qu’elles n’achèteraient plus de lait bio. La baisse de la demande touche les classes de lait 1 et 2, soit le lait destiné à la production de yogourts, notamment. De son côté, la demande de lait bio pour les classes 3 et 4, soit le beurre et le fromage, demeure stable à travers les années.  

La nouvelle présidente du Syndicat des producteurs de lait biologique du Québec, Michèle Lalancette, est venue à l’assemblée générale avec sa propre relève, Aurélie et Mathis. « C’est vraiment le fun. Ça m’apprend comment fonctionnent différentes fermes, car j’aimerais vraiment reprendre notre ferme; j’aime les animaux », dit Aurélie, 13 ans.

Une prime en diminution

Le contexte inflationniste a diminué le pouvoir d’achat des consommateurs. Les marges élevées que se prennent plusieurs grandes chaînes d’épicerie sur les produits laitiers biologiques rendent ces derniers encore moins accessibles aux consommateurs, précise le président du syndicat, Bryan Denis. « Les frais de transport du lait, toujours en hausse, viennent nous tirer un peu dans le pied [de la prime bio] », ajoute celui qui en était à sa dernière assemblée à titre de président. Il cède sa place à Michèle Lalancette, propriétaire de la Ferme Lalan7, située à Hébertville-Station, au Saguenay–Lac-Saint-Jean. 

Cette dernière mentionne qu’il pourrait y avoir une légère diminution de la prime en 2024. Cela n’aidera pas les fermes dont la rentabilité est précaire, dit-elle. « On sent que c’est plus difficile sur le terrain. Ça, c’est clair. Mais vu que le gouvernement voulait qu’on fasse plus de lait bio, et que la demande ne suit pas présentement, est-ce qu’on est rendus à demander de l’aide? À commencer par le gouvernement lui-même, qui pourrait au moins nous aider en favorisant le lait bio dans ses institutions », fait valoir Mme Lalancette, qui demeure toutefois optimiste face à l’avenir de la production.

Perte de terrain des boissons végétales?

L’un des transformateurs de lait bio, Pascal Désilets, président et directeur général de la Fromagerie L’Ancêtre, souligne que les fauxmages, des produits végétaliens ressemblant aux fromages, semblent en perte de vitesse. « On sent que nos produits sont moins retirés des tablettes pour faire de la place au fauxmage. » Une décroissance des ventes des boissons végétales a également été mentionnée lors de l’assemblée par Daniel Gobeil, président des PLQ. La croissance de la population canadienne devrait aussi accroître la demande, souligne-t-il. Rappelons que les boissons végétales de soya et d’avoine, notamment, ont grugé du terrain aux produits laitiers biologiques, ces dernières années.

Sonia Gosselin. Photo : Martin Ménard/TCN

Sonia Gosselin. Photo : Martin Ménard/TCN

Le casse-tête du méthane

La norme biologique oblige les producteurs de lait bio à inclure une part importante de fourrage dans l’alimentation de leurs vaches. Si les fibres sont bonnes pour ces ruminants, leur digestion peut produire plus de méthane, un gaz à effet de serre. À ce sujet, la conseillère en production laitière biologique Sonia Gosselin remarque que les options sont plus minces pour les producteurs bio. « En bio, ils ont moins de solutions si on veut augmenter la digestibilité. Ils n’ont pas accès aux acides aminés ni à l’ajout de matière grasse [dans les rations]. Ils ne peuvent pas uniquement employer de l’ensilage de maïs et sont limités dans l’utilisation de concentrés. Je pense qu’ils sont très bien placés avec leurs pâturages, mais pour le reste, leurs outils sont plus limités. »

Elle explique que des recherches sont en cours concernant des additifs qui modifieraient les fermentations ruminales pour entraîner moins d’émissions de méthane chez les vaches. « Mais est-ce une bonne idée de changer la digestion des vaches? Est-ce que cette façon de faire serait acceptée par la norme bio? » questionne celle qui travaille au Centre d’expertise et de transfert en agriculture biologique et de proximité (CETAB+).