Vie rurale 18 avril 2018

Les agriculteurs veulent du temps libre

Même dans la Bible, le 7e jour est consacré au repos. Or, une étude de 2009 montrait que 37 % des producteurs de lait ne prenaient aucune fin de semaine de congé ni aucunes vacances. La Terre a parlé à des producteurs, à des étudiants en agriculture et à des chercheurs qui pensent qu’un changement de mentalité s’installe et qui proposent des solutions.

Le modèle de l’agriculteur qui travaille sept jours sur sept et 80 heures par semaine sans prendre de congé est peut-être en voie de disparaître, surtout en ce qui concerne la nouvelle génération.

« Je suis vraiment fière de mes parents [éleveurs ovins], mais toutes les discussions tournent autour du travail. L’entreprise décide de leur rythme de vie. Je ne veux pas reproduire ça pour mes enfants », affirme Camille Bisson, une étudiante en horticulture biologique à Victoriaville qui veut démarrer une ferme biologique dans le Bas-Saint-Laurent.

« C’est clair que les jeunes ne veulent pas travailler 80 heures par semaine », soutient Marie-Joëlle Brassard, chercheuse au Centre d’innovation sociale en agriculture (CISA). La nouvelle génération d’agriculteurs n’est d’ailleurs pas tellement différente de celle des autres secteurs, et le travail est une valeur qui arrive assez loin après la famille et le bonheur.

Précieux temps 

Se ménager du temps libre peut devenir crucial pour certains agriculteurs. « J’ai pris deux fins de semaine depuis mars 2017. Ça va être un cas de séparation si ça n’arrive pas [plus souvent] », confie Frédéric Marcoux, producteur de lait de Sainte-Marie de Beauce. Ce dernier cherche à étendre le service de la Coopérative de solidarité de services de remplacement agricole dans sa région pour les fermes qui ne peuvent pas se payer un employé permanent.

Cette coopérative est d’ailleurs en pleine expansion, puisque environ 20 fermes membres s’ajoutent chaque année. Elle prévoit d’ailleurs sortir du Centre-du-Québec pour offrir ses services en Chaudière-Appalaches, en Estrie et même ailleurs dans la province. « Beaucoup de producteurs pensent au bien-être animal avant [le leur]. Il faut prendre soin de celui qui prend soin des animaux », fait valoir Guillaume Spénard, un employé à temps plein de la coopérative qui compte maintenant 16 employés.

Outre le remplacement, l’entraide et les fermes de groupe sont vues comme des moyens innovateurs pour mieux aménager le temps de travail. « Démarrer une coopérative, ça force la discussion sur le travail dès le départ. S’organiser à plusieurs, y compris avec des réseaux pour la mise en marché, inspire de plus en plus de monde », estime Joël Alarie, étudiant en horticulture biologique à Victoriaville, qui veut mettre sur pied une coopérative à Argenteuil.

La professeure à l’Université Laval Diane Parent déplore le manque d’études consacrées à cette nouvelle réalité et aux solutions potentielles. « S’arrêter de travailler, c’était mal vu. Le paradis, c’était à la fin de nos jours », rappelle cette dernière, qui pense que diminuer le temps de travail est « super important » pour la jeune génération. 

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