Technique 18 septembre 2023

Un secteur qui n’échappe pas à la pénurie de main-d’œuvre

Comme dans de nombreux milieux de travail, celui du déneigement n’échappe pas au phénomène de la pénurie de main-d’œuvre.

« C’est un métier difficile, reconnaît Annie Roy, directrice générale de l’Association des déneigeurs résidentiels et commerciaux du Québec (ADRCQ). C’est difficile de planifier. Tu ne sais pas quand tu vas travailler. Tu peux être appelé n’importe quand, à des heures atypiques. Au niveau conciliation travail-famille, dans le déneigement, c’est zéro et les jeunes travailleurs ont de la difficulté avec ça », reconnaît-elle. 

Annie Roy, directrice générale de l’Association des déneigeurs résidentiels et commerciaux du Québec

Ces conditions de travail difficiles rebutent en effet plus d’une recrue. À Terrebonne, avec près de 3 000 entrées à déblayer par hiver, Pascal Simoneau emploie une trentaine de déneigeurs, dont un noyau de vétérans qu’il chouchoute. « À chaque début de saison, j’engage toujours le double de personnes dont j’ai besoin parce que j’en perds la moitié en cours de route. C’est un travail de nuit et de jour. Quelquefois, c’est deux nuits d’affilée. Quand il se met à neiger, tu dors toujours le sommeil léger. C’est la fin de semaine et tu ne sais pas si tu vas être appelé. À Noël et au jour de l’An, ça se peut que tu doives travailler. C’est ça, la complexité de la job », explique-t-il. 

À Sainte-Thècle en Mauricie, Bertrand Cloutier recrute des retraités ou des préretraités qui ont de l’expérience dans la manœuvre de machineries lourdes. « Ce sont des gars expérimentés pour ce genre de travail. Ça ne les dérange pas de travailler une couple de jours par semaine. C’est comme un sideline pour eux. Ils bûchent du bois l’hiver et font les sucres au printemps. »

Pascal Simoneau, copropriétaire de Déneigement Simoneau à Terrebonne. Archives/TCN

De nombreux avantages

En plus de leur salaire horaire de 26 $, Bertrand Cloutier leur accorde de nombreux avantages.

Le tracteur reste chez eux et ils ont un réservoir pour le carburant dans leur cour. Je m’occupe de la maintenance de la machinerie et ils peuvent s’en servir pour déneiger le chemin de leur cabane à sucre.

Bertrand Cloutier

Manteaux d’hiver aux couleurs de l’entreprise, cadeaux de Noël, souper de fin de saison avec les conjointes, bonus sur la rémunération : le propriétaire de la Ferme du Lac Travers ne lésine pas pour garder ses déneigeurs heureux. 

Une philosophie partagée par le Beauceron Olivier Turcotte. « Le gars de 30 ans d’expérience qui ne fait pas d’erreur, son employeur fait tout pour le garder. Il est bien payé, parfois à 30 $ de l’heure, parce que son boss sait ce qu’il vaut. En bas de ça, tu risques de le perdre au profit d’un compétiteur. Tu lui paies le déjeuner les jours de travail et quand il demande une fin de semaine, tu lui donnes parce que tu sais que le nouveau sans expérience, il peut te coûter ta business dans une heure si tu le lâches tout seul. »

Pascal Simoneau souligne également que, bien que le salaire soit un élément important, l’environnement de travail l’est presque tout autant.

Au niveau salarial, les entrepreneurs dans la région paient leurs gars sensiblement le même prix. Ce qui fait la différence, c’est de la manière dont ils sont traités. Chez nous, on est une entreprise familiale et on veut entretenir une bonne relation avec tout le monde.

Pascal Simoneau

Le fait demeure que l’augmentation des salaires dans le milieu du déneigement est un phénomène corroboré par Annie Roy, de l’ADRCQ. « Le salaire moyen varie selon les régions, indique-t-elle, mais dans la région de Montréal, j’ai entendu parler de 32 $ de l’heure. Pour des gars qui gagnaient 19 $ il y a six ans, ça fait quand même une bonne augmentation. Certains entrepreneurs garantissent même des heures. On parle parfois de 40 heures par semaine durant huit semaines. Ce qui fait qu’en fin de compte, c’est sûr que c’est le client qui paie. Il n’y a pas de miracle. »


Enjeu de l’assurance-emploi

Bon nombre de déneigeurs occupent un autre emploi saisonnier durant l’été et l’automne. Cette réalité représente un enjeu lors de l’arrivée de l’hiver alors qu’ils commencent à percevoir des prestations de l’assurance-emploi. « Parmi les nouveaux que je veux embaucher, il y en a qui refusent de venir, car ils seraient trop coupés, explique Pascal Simoneau. Si je lui donne, mettons 20 heures par semaine, il va se faire enlever environ la moitié à cause du chômage. Ça veut dire qu’un gars à 30 $ de l’heure pour 250 heures durant l’hiver, il gagne 7 000 $, mais le gouvernement lui en retire la moitié. Pour être disponible 24 h sur 24 et 7 jours sur 7 durant l’hiver, ce n’est pas très alléchant », souligne l’entrepreneur.  

Plus de flexibilité

Consciente du problème, l’ADRCQ a fait des représentations auprès des autorités politiques fédérales afin d’obtenir plus de flexibilité pour les travailleurs en déneigement, un secteur qui est reconnu comme un service essentiel. L’association cherche notamment à modifier certaines règles comme l’amputation des heures de travail par le chômage (50 %); une meilleure rémunération en demeurant sur l’assurance-emploi qu’en tant que travailleur en déneigement; et enfin, une demande d’exemption d’un certain nombre d’heures pour les travailleurs exécutant des ­travaux de déneigement.