Formation 25 mars 2023

L’agriculture urbaine enseignée aux ados

MONTRÉAL – Une école secondaire de Montréal propose depuis trois ans à ses élèves un cours axé sur l’environnement et l’agriculture urbaine. C’est l’occasion pour la majorité de ces adolescents de se mettre les deux mains dans la terre pour la première fois.

Ibrahima Sahogo a eu une révélation en septembre dernier lorsqu’il a détaché fraîchement un haricot vert de sa tige pour ensuite le croquer à pleines dents. « Tout était différent de ce qu’on achète normalement à l’épicerie. La texture, la saveur et même l’odeur étaient différentes. J’ignorais comment c’était possible », s’est exclamé l’élève de 14 ans, encore extasié par l’expérience gustative.

Cet adolescent fréquente l’école secondaire Louis-Joseph Papineau, située dans un quartier défavorisé de Montréal. Il fait partie de la troisième cohorte inscrite au programme EAU (Environnement et agriculture urbaine), destiné à initier ces enfants à la bonne alimentation et à éveiller leur conscience environnementale.

Le potager scolaire renferme une grande variété de légumes. Il est entretenu pendant l’été par des élèves embauchés à travers un programme d’emploi étudiant.

« L’objectif n’est pas d’en faire des agriculteurs », reconnaît leur enseignante, Christine Laniesse. « On recherche surtout à leur donner une bonne base pour se faire un potager dans un contexte d’autosuffisance. Mais mon but premier, c’est de leur faire manger des légumes. C’est un défi dans notre secteur qui a des allures de désert alimentaire. »

Faire son potager

En effet, les fruits et les légumes sont difficilement accessibles dans ce quartier déserté par les grandes chaînes d’alimentation. C’est pourquoi un potager cultivé sur les terrains de l’école par des bénévoles et des étudiants approvisionne en aliments frais un marché public local pendant la belle saison depuis 2016. Le programme EAU découle de cette initiative communautaire.

Les élèves apprennent en premier lieu à faire la différence entre les plantes en observant les tiges et les feuillages. Ils s’initient ensuite aux tâches comme la planification du potager, les semences, le tuteurage, l’entretien et le désherbage, la récolte et, finalement, la fermeture du jardin. 

L’école dispose également d’une serre de 167 m2.

« Ils ne sont pas familiers avec le travail de la terre. La première fois qu’ils voient un ver, c’est l’enfer! Je les oblige à en prendre un dans leur main en leur disant de lui faire attention parce que nous en avons besoin », explique Christiane Laniesse. 

Dans la même veine, les élèves ont appris aussi à calmer leurs frayeurs face aux abeilles qui fréquentent les vignes de Corinthe, en pleine expansion dans la clôture de l’école.

Environnement

Récemment, les jeunes ont appris l’utilité du compost. De ce fait, ils ont été sensibilisés à l’importance de ne pas jeter les restes de table à la maison. L’enseignement fait son chemin jusqu’aux parents. « Des mamans m’ont confié qu’elles se servent maintenant du bac brun. Plusieurs ont aussi arrêté d’acheter de l’eau en bouteille », affirme l’enseignante.

En effet, la protection de l’environnement est également un objectif crucial du programme. C’est pourquoi l’utilisation judicieuse de l’eau et des terres rares est souvent évoquée en classe.

« J’essaie de développer leur conscience environnementale. Quand ils me disent vouloir un nouveau cellulaire, je leur demande s’ils en ont vraiment besoin. Est-ce vraiment important, selon eux, par rapport au reste du monde? Souvent, ils sont réceptifs », conclut Christine Laniesse.


L’agriculture cool, selon les élèves

Apprendre à faire pousser des légumes, même en pleine ville, plaît beaucoup aux élèves de Christine Laniesse.

« Je ne pensais pas que c’était possible, mais c’est très cool finalement », admet la jeune Agnès Mouaici. « On s’amuse beaucoup à jardiner plutôt qu’à faire des mathématiques. En plus, on récolte ce qu’on veut et on rapporte tout à la maison. »

Les adolescents de ce quartier défavorisé apprennent à différencier les différents légumes. Ils sont aussi initiés au travail de la terre.

Cette Algérienne, arrivée au Québec l’an dernier, essaie déjà d’intégrer les principes de l’alimentation locale pour réduire son empreinte carbone. « Je ne mange maintenant que les pommes rouges, car les vertes ne poussent pas au Québec », dit-elle.

Felipe Escobdo Martinez trouve aussi que le jardinage est une bonne façon de passer du temps avec ses amis. Cet enfant d’immigrants mexicains a vraiment hâte au dégel printanier pour aller jouer du râteau et de la binette. Mais ce qu’il aime surtout apprendre, c’est comment améliorer le monde autour de soi par de simples gestes. « Je ne pensais pas que les bouteilles de plastique étaient si nocives pour la planète », admet-il.

Son camarade Adan Bokabo a découvert, pour sa part, les vertus de l’alimentation biologique. « J’aime beaucoup l’idée de faire pousser des légumes sans utiliser des produits chimiques. On peut même les manger sans les laver! » lance-t-il, encore étonné.

J’nell Glasgow a retenu, pour sa part, l’importance du carbone dans l’agriculture. « On croit toujours que le carbone est nocif, alors qu’il peut être bien utilisé pour le développement des plantes », souligne l’adolescente qui, d’ordinaire, n’aime pas le travail physique. « Mais travailler dans le jardin, j’aime ça. »