Volailles 16 janvier 2024

Les changements climatiques dérèglent la propagation de la grippe aviaire

Les changements climatiques sont en train de transformer la manière dont la grippe aviaire hautement pathogène se répand au Québec et ailleurs dans le monde, ce qui ne laissera pas de répit aux éleveurs. C’est la conclusion à laquelle en vient Manon Racicot, vétérinaire épidémiologiste principale à l’Agence canadienne d’inspection des aliments, après l’analyse de l’évolution des cas depuis l’arrivée de la grippe aviaire dans la province, il y a un an et demi. 

Traditionnellement, les éclosions dans les élevages s’observent durant les grandes migrations d’oiseaux aquatiques, comme les oies et les outardes, qui ont lieu au printemps et à l’automne. Mais depuis avril 2022, plusieurs cas ont éclos hors saison. En témoigne l’éclosion observée au début janvier en Outaouais (voir encadré). Plusieurs cas ont également été observés à l’été 2022. « Les migrations ne se font plus autant en blocs concentrés, et même que certains oiseaux ne migrent potentiellement plus, explique Manon Racicot. Jusqu’à présent, notre hiver a été hors norme et extrêmement doux. Et l’an dernier, on a eu des cas en février. C’est presque le début du printemps, rendu-là. On observe le même phénomène en Europe. »

La propagation de la maladie au Québec demeure toutefois relativement stable. En 2022, un total de 532 472 oiseaux ont été touchés, dans 23 sites; des chiffres qui ont peu évolué en 2023, avec un total de 567 049 volatiles touchés, dans 28 sites. « On n’est pas en mode panique », rapporte Martin Pelletier, agronome et coordonnateur de l’Équipe québécoise de contrôle des maladies avicoles (ECQMA).  « On espère qu’au Québec, 2024 va nous amener vers une diminution des cas, estime Martin Pelletier. Ce qu’on observe, ça nous dit en tout cas que la vigilance doit être là en permanence. »

Manon Racicot le seconde sur l’importance pour les agriculteurs de modifier leurs habitudes. « Traditionnellement, l’industrie est en mode surveillance durant les périodes de migration. Mais les agriculteurs devront maintenant se montrer vigilants en tout temps. Il va falloir apprendre à vivre avec la grippe aviaire. Ça ne disparaîtra pas. »

Elle voit tout de même une lueur d’espoir dans la situation : « Je trouve que les producteurs du Québec sont très formés et ouverts à faire des améliorations dans leurs pratiques, mais il ne faut pas baisser la garde. » 

La grippe aviaire fait son apparition en Outaouais

La grippe aviaire a fait son entrée en Outaouais, une première depuis l’arrivée de la maladie au Québec, il y a un an et demi. Le cas, qui a été confirmé le 4 janvier, a éclos dans une ferme commerciale d’élevage de poulets de chair de Saint-André-Avellin, dans la MRC de Papineau. L’euthanasie a été effectuée le vendredi 5 janvier sur environ 17 000 volailles, selon les chiffres préliminaires.

Pour éviter toute propagation, les éleveurs de volailles des zones infectées et de restriction ont tous été contactés dans les jours qui ont suivi la détection, afin de les informer des mesures et précautions à mettre en place selon le secteur.

Depuis le 26 octobre, avec la migration automnale, des cas ont été recensés dans le Centre-du-Québec et en Montérégie. L’arrivée de la grippe aviaire en Outaouais n’inquiète toutefois pas Martin Pelletier, de l’ECQMA. « C’est une région à faible densité de production avicole. On n’est pas comme à Saint-Félix-de-Valois, dans Lanaudière », explique-t-il.


Aux États-Unis : plus d’élevages commerciaux touchés

Aux États-Unis, Martin Pelletier, de l’EQCMA, rapporte que le nombre de volailles touchées est passé de plus de 55 millions de cas en 2022 à moins de la moitié, soit 21 millions, en 2023. Une analyse plus approfondie démontre toutefois que la situation est loin d’être résorbée chez nos voisins du sud. « Le nombre d’animaux touchés dans les élevages commerciaux a beaucoup augmenté, par exemple », dit Manon Racicot.


Une panzootie

Notons que l’actuelle vague de propagation de grippe aviaire hautement pathogène est en fait une panzootie, c’est-à dire qu’elle s’est propagée sur plusieurs continents et qu’elle affecte plusieurs espèces animales, dont, outre les poulets, les canards, les dindes et les oiseaux de basse-cour. « C’est la première fois qu’il y a une souche de grippe aviaire qui a une telle propagation géographique à travers le monde », observe Martin Pelletier, de l’ECQMA.

Au Canada : des oiseaux sauvages qui meurent moins, mais toujours infectés?

Le recensement est effectué en fonction du nombre d’oiseaux sauvages morts, rapportés par les citoyens et dont on peut analyser la carcasse. Or, l’Agence canadienne d’inspection des aliments a dénombré beaucoup moins d’oiseaux infectés au Canada en 2023 qu’en 2022. « Les oiseaux migrateurs semblent avoir acquis une certaine immunité, explique Manon Racicot. Ce qui ne veut pas dire qu’ils ne sont pas porteurs du virus et que leurs excréments ne le portent pas. »

Rappel des mesures à prendre

Manon Racicot, de l’Agence canadienne d’inspection des aliments, a tenu à rappeler les grandes lignes d’intervention des éleveurs de volailles, en matière de protection biosanitaire :

  • Assurer une gestion des employés et de l’équipement à la ferme afin d’empêcher toute introduction du virus sur le site.
  • Assurer une gestion des carcasses issues de la production afin que les oiseaux de proie ne s’emparent pas des volailles mortes et infectées et contractent ainsi le virus à leur tour pour le répandre plus.
  • Assurer l’intégrité des bâtiments afin d’éviter que des oiseaux sauvages s’y introduisent.

Manon Racicot tient à préciser que les éleveurs les plus à risque sont ceux dont les fermes sont situées près d’un lac ou d’un cours d’eau puisque la maladie se propage particulièrement par les oiseaux migrateurs aquatiques.