Volailles 7 juillet 2023

Le Couvoir Scott se lance dans l’élevage de mouches soldats noires

Le Couvoir Scott, une entreprise de Chaudière-Appalaches qui se spécialise dans la production de poussins pour les fermes avicoles, se lance dans l’élevage de mouches soldats noires. L’objectif du projet est d’exploiter les déchets organiques générés par le couvoir tout en adoptant une approche dite d’économie circulaire. 

« On savait que les coquilles, les œufs non fertiles, le duvet ou les embryons morts avaient encore une très bonne valeur nutritive, pas pour les humains, mais pour les animaux. Alors, on voulait trouver une façon de les revaloriser », explique Jérémy Lavoie, biologiste et directeur des fermes du Couvoir Scott. Les activités du couvoir génèrent en moyenne douze tonnes de ces déchets organiques par semaine et l’entreprise doit débourser environ 150 000 $ par année pour les envoyer à l’équarrissage. 

Le biologiste et son collègue agronome, Jean-Michel Allard Prus, aidés par la consultante en entomologie Mariève Dallaire Lamontagne, doctorante en science animale à l’Université Laval, ont donc eu l’idée d’utiliser les mouches soldats pour revaloriser ces matières. « Ce sont des insectes qui proviennent des tropiques et qui ont la capacité super intéressante de convertir très rapidement et efficacement tout ce qui est résidu organique », souligne M. Lavoie. 

Chaque mouche femelle pond en moyenne 1 000 œufs dans son cycle de vie d’une à deux semaines. Les larves, de leur côté, peuvent chacune engloutir environ 0,6 gramme de nourriture pendant les huit jours de leur période ­d’engraissement. « Il nous faut donc environ 1 600 mouches, donc 1,6 million de larves, pour traiter une tonne de déchets organiques. C’est quand même vraiment intéressant, car ça ne prend pas tant de mouches que ça pour traiter beaucoup de déchets », analyse le biologiste.

Jean-Michel Allard Prus, Mariève Dallaire Lamontagne et Jérémy Lavoie.

Même modèle que l’industrie avicole

M. Lavoie signale que l’élevage de mouches soldats noires se rapproche de l’industrie avicole sur plusieurs points. Cette production s’y greffe donc très bien. « On a installé, dans un ancien poulailler, une section reproduction, avec des volières, où les couples de mouches reproductrices sont gardés sous une lumière et une température contrôlées. Les femelles y pondent leurs œufs dans des nids, un peu comme les poules », illustre-t-il. Les œufs sont ensuite transférés dans une autre section pour l’engraissement, où les larves naissent au-dessus des déchets organiques qui leur serviront de nourriture.

Une fois qu’elles ont consommé les déchets organiques, les larves sont séparées des résidus d’élevage dans un tamis vibrant. Elles peuvent ensuite être réintroduites dans l’alimentation animale, alors que les résidus d’élevage, appelés frass, sont utilisés comme fertilisant.

Ces déchets ont préalablement subi un processus de fermentation visant à réduire « à presque rien leur charge microbienne » et garantir leur salubrité, souligne Jérémy Lavoie.

Présentement, l’élevage de mouches est encore à l’échelle de « laboratoire ». Or, l’entreprise planifie de construire, dans la prochaine année, une usine pilote pour traiter l’entièreté des résidus organiques de ses couvoirs. 

Les larves produites avec l’élevage de mouches soldats noires peuvent être servies aux poules pondeuses, qui en tirent de nombreux avantages.

M. Lavoie et son équipe ont d’ailleurs de grandes ambitions à long terme. Ils aimeraient offrir des services-conseils pour aider « à démocratiser » ce type de traitement des résidus animaux chez les producteurs avicoles, dans les meuneries, ou même dans d’autres types de productions animales. « On veut convaincre les producteurs que ça réduit les résidus à la source, mais en plus, que les larves peuvent être réintroduites dans la chaîne alimentaire ou simplement revendues », explique-t-il.

L’élevage de mouches soldats noires produit de plus une grande quantité de fertilisant, le frass [chiure], qui est un engrais extrêmement recherché, notamment du côté de la culture du cannabis ou de la serriculture. « Ça peut amener un revenu qui est très intéressant », ­souligne le biologiste. 

En attente de l’accréditation pour les animaux de fermes

Selon lui, les larves comportent de nombreux bienfaits pour l’alimentation des animaux d’élevage, notamment en raison du calcium qui s’y trouve « dans une forme facilement assimilable pour les oiseaux ». « Nos larves se distinguent d’ailleurs de la compétition par cet aspect-là [leur teneur en calcium], en raison de type de déchets organiques utilisés pour les nourrir. Ça reste encore à tester dans le champ, mais la littérature scientifique nous indique qu’il y a un potentiel assez gros là-dessus », affirme-t-il. Ce supplément larvaire riche en calcium, servi aux poules, pourrait améliorer la solidité de la coquille des œufs pondus, entre autres exemples.

La loi permet déjà au Couvoir Scott de réintroduire les larves de sa production de mouches dans l’alimentation des oiseaux de ses couvoirs, mais pas encore de les commercialiser à grande échelle. Rappelons que l’Agence canadienne d’inspection des aliments autorise déjà l’utilisation des larves d’insectes pour l’alimentation des animaux de compagnie, mais pas encore pour celle des animaux d’élevage. Le processus d’accréditation est encore en cours.

Un prix de l’AQINAC

Le projet d’élevage de mouches soldats noires du Couvoir Scott a remporté le Prix initiative responsable de l’Association québécoise des industries de nutrition animale et céréalière (AQINAC), le 16 juin. Un honneur qui lui a été décerné « pour le caractère hautement innovant du projet, pour la valorisation de l’expertise des ressources à l’interne et la volonté d’identifier de nouvelles avenues dans la gestion des résidus organiques », énumère l’AQINAC dans un communiqué. Il s’agissait de la première édition de ce prix, créé pour récompenser les membres de l’association qui se démarquent en matière d’environnement, de cohabitation sociale et de saine gouvernance.