Volailles 28 avril 2023

Grippe aviaire : un mois d’avril meurtrier pour les oiseaux

En avril, quatorze sites d’élevage avicole, dont douze commerciaux, ont été frappés par la grippe aviaire hautement pathogène de la souche H5N1 au Québec. « C’est inquiétant, car la période migratoire n’est pas terminée et, déjà, on compte en 2023 le même nombre de sites infectés qu’on a eu dans toute l’année 2022 », réagit Martin Pelletier, coordonnateur de l’Équipe québécoise de contrôle des maladies avicoles (EQCMA).

Vers la fin du mois, soit du 13 au 22 avril, sept troupeaux de Sainte-Hélène-de-Bagot, en Montérégie, dont plusieurs élevages de canards, ont successivement fait gonfler la liste des sites infectés cette année.  

Ces cas s’ajoutent aux autres survenus plus tôt dans le mois à Ange-Gardien (quatre cas) en Montérégie, à Carignan (un cas dans un troupeau commercial et un cas dans un petit élevage), également en Montérégie, et à Sherbrooke (un cas dans un petit élevage), en Estrie. Neuf cas étaient également survenus au début de l’année, de la fin janvier au début février, dans des élevages de canards de la Montérégie Ouest.

En 2022, l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) dénombrait environ 530 000 oiseaux d’élevage morts ou euthanasiés en raison de cette maladie au Québec. En 2023, quelque 200 000 oiseaux se sont ajoutés au bilan de l’ACIA, qui pourrait rapidement s’alourdir, prévient M. Pelletier, puisque les derniers sites infectés ne sont pas encore comptabilisés.

C’est inquiétant, car la période migratoire n’est pas terminée.

Martin Pelletier

Une pénurie de CO2 complique le dépeuplement des oiseaux

Par ailleurs, une pénurie de CO2, un gaz utilisé pour le dépeuplement des oiseaux, complique les interventions sur le terrain. Martin Pelletier, coordonnateur de l’EQCMA, explique que les entreprises qui distribuent ce gaz au Québec sont peu nombreuses. Or, avec l’arrivée de l’été, qui coïncide avec une augmentation de la demande pour ce gaz utilisé dans la fabrication de bières et de boissons gazeuses, entre autres, les fournisseurs préfèrent approvisionner en priorité leurs clients réguliers. Cette situation laisse en plan l’industrie avicole, dont les besoins sont ponctuels. L’EQCMA est présentement à la recherche d’autres solutions, dont un procédé à la mousse d’azote, qui est aussi efficace que le CO2, pour euthanasier les oiseaux, estime M. Pelletier, et qui comporte même des avantages, notamment « parce qu’il s’agit d’un gaz plus facile d’accès et qui ne nécessite pas d’imperméabiliser les bâtiments pour être efficace », signale-t-il. Ce procédé a été développé en Angleterre, mais une entreprise américaine serait sur le point de commercialiser un produit similaire, ce qui pourrait accélérer son accessibilité au Québec, espère l’EQCMA. Entre-temps, la pénurie de CO2 alourdit les procédures de dépeuplement dans les sites d’élevages touchés par la grippe aviaire puisque les équipes d’intervention doivent utiliser des techniques manuelles qui demandent plus de temps et d’énergie.


Deux minutes ou deux heures : même combat

Manon Racicot, vétérinaire épidémiologique pour l’Agence canadienne d’inspection des aliments, a rappelé aux éleveurs de volailles réunis à leur assemblée générale annuelle, le 12 avril à Québec, qu’une visite de deux minutes à la ferme requérait les mêmes mesures de biosécurité qu’une visite de deux heures. « Les chances de propager le virus dans un bâtiment sont aussi grandes si la visite est courte ou longue », a-t-elle rappelé. Or, une enquête qu’elle a menée dans plusieurs fermes démontre que le niveau de vigilance baisse plus les visites sont courtes. 

Des lasers pour effaroucher les oiseaux sauvages

La vétérinaire épidémiologiste déconseille également aux producteurs avicoles d’aller dans les champs pour effaroucher les oiseaux sauvages qui pourraient s’y trouver, car le risque de rapporter le virus de l’influenza aviaire sur les bottes ou les roues d’un tracteur est trop important. Elle recommande plutôt d’évaluer d’autres options, comme l’utilisation de lasers pour éloigner les oiseaux sauvages. Un moyen qui s’avère très efficace selon des études menées en Europe, a-t-elle signalé. 

Une vigie « qui frôle la paranoïa »

Des éleveurs de volailles dont les sites ont déjà été frappés par la grippe aviaire hautement pathogène au printemps dernier, et qui ont repris leurs activités d’élevage depuis, disent avoir rehaussé les mesures de biosécurité « à des niveaux qui frôlent la paranoïa », a confié la productrice Jennifer Paquet devant le ministre de l’Agriculture, André Lamontagne, le 12 avril, lors de l’assemblée générale annuelle des Éleveurs de volailles du Québec. « La biosécurité, malheureusement, ce n’est pas efficace à 100 %. La crainte d’être impacté à nouveau est toujours là et je pense que tous les producteurs ici partagent cette crainte-là », a-t-elle confié.

Devant cette préoccupation, Martin Pelletier, coordonnateur de l’Équipe québécoise de contrôle des maladies avicoles (ECQMA), reconnaît qu’il peut y avoir des cas inexpliqués de contamination. Or, il estime qu’en général, l’application des mesures de biosécurité recommandées peut diminuer grandement les risques et permet d’avoir un certain contrôle sur la situation.


Les petits élevages visés par un nouveau règlement temporaire 

Les élevages de basse-cour, plus spécifiquement « les petits élevages de volailles pour des fins de consommation personnelle », doivent, depuis le 26 avril, respecter un nouveau règlement adopté en urgence par le ministre de l’Agriculture du Québec. Ce règlement, inséré à la Loi sur la protection sanitaire des animaux, interdit de manière temporaire, soit jusqu’au 30 novembre 2023, le rassemblement d’oiseaux provenant d’élevages différents « pour des fins de vente ou d’échange ou pour celles d’un concours, d’une exposition ou d’une foire », peut-on lire dans la Gazette officielle du Québec. Le ministre a le pouvoir d’imposer un tel règlement sans préavis si l’urgence de la situation l’impose. Il évoque en ce sens « la situation sans précédent par rapport à l’influenza aviaire hautement pathogène H5N1 dans la faune et dans les élevages et les impacts économiques considérables que la propagation de ce virus peut causer dans les élevages et sur le commerce international » pour justifier l’imposition rapide de ce nouveau règlement.

Les rassemblements d’oiseaux pour des fins de vente, d’échange, de concours, d’exposition ou de foire sont temporairement interdits pour limiter la propagation de la grippe aviaire. Photo : Archives/TCN