Pommes de terre 26 mars 2023

L’optimisation de la gestion de l’eau pour une agriculture plus durable

En raison des changements climatiques qui entraînent des épisodes plus nombreux de sécheresse ou de fortes pluies, l’optimisation de la gestion de l’eau devient importante pour assurer la durabilité de l’agriculture. « Le poids financier de la gestion de l’eau est de plus en plus lourd pour les producteurs, affirme Carl Boivin, chercheur, régie de l’eau en productions fruitières et maraîchères à l’Institut de recherche et de développement en agroenvironnement (IRDA). Cela devient un enjeu important auquel il faut trouver des solutions. »

L’IRDA mène plusieurs projets de recherche visant à améliorer l’utilisation de l’eau dans différentes cultures, dont celle des pommes de terre. Voici un aperçu de quelques travaux qui sont en cours.

Mesurer les besoins en eau de différents cultivars

En 2019 et 2020, les chercheurs ont réalisé des essais à la Ferme Victorin Drolet, de Sainte-­Catherine-de-la-Jacques-Cartier pour mesurer les besoins en eau de huit cultivars, en contexte d’irrigation ou de non-irrigation, pour une saison complète. Ils ont ainsi pu établir un classement des cultivars fondé sur le risque de subir un stress hydrique. 

Ils ont testé les cultivars suivants : Pomerelle Russet et Colomba (Pommes de terre Laurentiennes), Elmo et Rickey Russet (Québec Parmentier), Kalmia et Campagna (La Patate Lac-Saint-Jean), ainsi que Highland Russet et Russet Burbank.

Les chercheurs ont à la fois mesuré les risques de stress hydrique (causé par une insuffisance de précipitation) et l’impact sur les rendements pour chacun des cultivars. « On a constaté que certaines variétés étaient à risque élevé de subir un stress hydrique [comme le Elmo], par contre, cela ne se traduisait pas forcément par une baisse de rendement », souligne Carl Boivin. 

Au contraire, une période de sécheresse peut se traduire par une baisse de rendement élevée pour Russet Burbank et Colomba. Face à ces résultats, le choix d’utiliser ou non une stratégie d’irrigation devient alors plus facile pour le producteur.

« Le projet est venu justifier l’intérêt de poursuivre la recherche d’information sur les besoins en eau de différents cultivars pour aider les producteurs à mieux les sélectionner en fonction de leurs sols et de leurs ressources en eau », ajoute le chercheur. 

Carl Boivin fera part de résultats plus détaillés de ce projet de recherche dans les prochaines semaines dans le cadre du nouveau podcast (Eau)trement dit, portant sur la gestion de l’eau. 


Le système d’irrigation goutte-à-goutte consiste à distribuer l’eau directement aux racines des plantes à travers des tubes et des émetteurs de gouttes d’eau.

L’irrigation au goutte-à-goutte pour économiser la ressource

Système d’irrigation de goutte-à-goutte mobile, à la ferme Maxi-Sol.

Depuis deux ans, Carl Boivin et son équipe font la mise à l’essai de systèmes d’irrigation goutte-à-goutte dans la production de pommes de terre chez plusieurs producteurs de l’Île d’Orléans. 

Le système d’irrigation goutte-à-goutte consiste à distribuer l’eau directement aux racines des plantes à travers des tubes et des émetteurs de gouttes d’eau. Ce type d’irrigation permet une utilisation plus efficace de l’eau et une meilleure régulation de l’humidité dans le sol, ce qui peut améliorer la croissance des plantes et augmenter les rendements. 

Grâce à ce projet de recherche, amorcé en 2021, les chercheurs veulent évaluer l’efficacité et la rentabilité de convertir un pivot central existant en un système goutte-à-goutte et examiner les avantages potentiels en termes de réduction de la consommation d’eau, de diminution de l’application de pesticides et d’augmentation des rendements. « On veut savoir s’il est possible de faire plus avec moins d’eau », résume le chercheur. Cela dit, l’utilisation de ces systèmes, largement répandus aux États-Unis, pose certains défis pour les producteurs d’ici. 

« Les agriculteurs américains ont de plus grandes superficies de culture et leurs champs sont de forme carrée, ce qui facilite la plantation des semences en rond, explique-t-il. Ici, les champs étant rectangulaires, les roues du pivot central peuvent écraser quelques rangs au passage. C’est un compromis qu’on n’a pas le choix de faire. Il y a aussi un enjeu de filtration en raison des trous laissant sortir l’eau qui sont plus petits. Ils peuvent donc se bloquer plus facilement. Malgré tout, les producteurs montrent de l’intérêt face à ces systèmes. » Les tests aux champs se poursuivront cet été pour une dernière année. Les chercheurs publieront leurs résultats dans les mois qui suivront.


Valoriser l’eau de pluie

Soleno, fabricant d’équipements pour la captation et le stockage d’eau pluviale, est partenaire du projet ValoPluie.

Récupérer et stocker l’eau provenant de la pluie permettrait-il de réduire les risques de déficit hydrique sur les fermes? C’est à cette question que les chercheurs de l’IRDA tentent de répondre avec le projet pilote ValoPluie qui a débuté en 2021 pour une durée de trois ans. Des essais préliminaires avaient été menés deux ans auparavant chez les producteurs horticoles de l’Île d’Orléans.  

Les chercheurs travaillent sur plusieurs volets pour optimiser la valorisation de l’eau de pluie, notamment en mesurant l’efficacité des différentes techniques de collecte, de stockage et d’utilisation de l’eau. « On veut mesurer quelle surface de captage serait la plus appropriée pour les différents besoins, que ce soit l’irrigation, le lavage des équipements ou l’alimentation en eau [autre que potable] des bâtiments d’hébergement pour les ouvriers. On évalue également la qualité de l’eau collectée et le coût du traitement pour la rendre aux normes », précise Carl Boivin. 

Le projet pilote est mené par plusieurs équipes de chercheurs de l’IRDA en collaboration avec le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ) et quatre entreprises agricoles, soit Ferme Onésime Pouliot, Ferme Daniel Blais, Potager France Marcoux et Ferme Jean-Pierre Plante. Soleno, ­fabricant d’équipements pour la captation et le stockage d’eau pluviale, est également partenaire du projet.  

Une application Web pour estimer ses besoins en eau

Les producteurs agricoles et leurs conseillers pourront bientôt bénéficier d’un nouvel outil pour estimer de façon précise leurs besoins en eau, tant pour ­l’irrigation, l’abreuvement des animaux, les eaux de lavage, etc. Cette application Web, qui est en cours de développement, permettra également de connaître les quantités d’eaux de surface et souterraines qui sont disponibles pour répondre à ces besoins.
« Les agriculteurs pourront également obtenir une estimation des ressources hydriques nécessaires s’ils ajoutent des superficies de culture en fonction du type de sol, des plantes qui seront semées », précise Carl Boivin.
La réalisation de cet outil a été confiée au Groupe Alithya, spécialisé en technologies numériques, qui travaille de concert avec des intervenants de l’IRDA, du MAPAQ et d’Agriculture et Agroalimentaire Canada. Des producteurs et des conseillers seront aussi consultés pour bonifier et tester l’outil avant de le rendre disponible. Le lancement est prévu en mars 2024.