Petits fruits 2 juillet 2023

Chacun sa stratégie pour vendre ses fraises à juste prix

Dans un contexte de coûts d’irrigation, d’intrants et de main-d’œuvre élevés, des producteurs de fraises y vont de différentes stratégies en ce début de saison pour obtenir le juste prix pour leurs produits tout en maintenant un bon lien avec leur clientèle.

La saison des fraises à l’autocueillette et en kiosque est bien entamée au Québec. Photo : Facebook/Ferme Quinn

À Sainte-Anne-des-Plaines, dans les Laurentides, Raphaël Lauzon vendra, comme l’an dernier, des contenants de 4 litres pour l’autocueillette à 14 $ chacun. Après avoir augmenté ses prix la saison passée, il choisit cette fois de les maintenir pour donner un répit à ses clients. Afin d’écouler le plus de fruits possible, en revanche, et pour favoriser le retour des consommateurs plusieurs fois durant l’été, il a mis en place un nouveau système de carte de fidélité qui donne droit, après l’achat de neuf paniers, à un dixième gratuit.

« L’année passée, on avait augmenté nos prix et on avait vu la différence. On recevait des commentaires des clients. Cette année, on n’augmente pas. Ici, c’est abordable et c’est du plaisir en famille », témoigne l’agriculteur qui ne commercialise ses fraises qu’à l’autocueillette, ce qui lui permet d’économiser en frais de main-d’œuvre.

Avant que le coût du carton augmente de façon fulgurante ces deux dernières années, il raconte avoir été prévoyant en achetant à l’avance de très grands volumes de contenants qu’il a entreposés de sorte qu’il a évité d’en acheter lorsque les prix étaient à leur sommet. « Mes charges fixes sont un peu moins élevées comme ça », affirme-t-il.

Mathieu Beauregard, producteur à Saint-Hyacinthe, en Montérégie, vendra aussi ses fraises au même prix que l’an dernier. « Chaque année, les années passées, on a augmenté un petit peu, graduellement. Là, on prend une pause », indique celui qui vend à 13 $ ses contenants de 4 litres destinés à l’autocueillette. En kiosque, il propose plusieurs formats différents. Ses paniers de 1 L, par exemple, sont à 7,50 $.

On a passé sept nuits sur dix sur la corde à linge pour s’assurer que ça ne gèle pas. C’est beaucoup de travail, d’entretien et tout ça a un coût, mais en même temps, ce n’est pas la faute du client, le printemps qu’on a eu.

Mathieu Beauregard

Considérant le travail d’irrigation intense qu’a requis la protection de ses fruits contre les nuits de gel ce printemps, le producteur admet que « ce ne sera pas l’année la plus payante dans la fraise », mais souligne que ses autres cultures, notamment de framboises, de maïs sucré, de tomates, de piments et d’aubergines, lui confèrent une marge de manœuvre pour que ses produits restent abordables. « Il faut le voir comme un ensemble, croit-il. On a passé sept nuits sur dix sur la corde à linge pour s’assurer que ça ne gèle pas. C’est beaucoup de travail, d’entretien et tout ça a un coût, mais en même temps, ce n’est pas la faute du client, le printemps qu’on a eu. »

À Notre-Dame-de-l’Île-Perrot, Philippe Quinn, de son côté, augmente un peu ses prix. À l’autocueillette, ses contenants de 4 litres passent de 12 $ à 13 $. En kiosque, ils se vendent 17 $.

« Il ne faut pas avoir peur de charger, tant que la qualité est là. C’est justifié avec les pertes qu’on a eues [ce printemps] et le salaire minimum qui monte », affirme celui qui estime profiter en revanche d’un bon achalandage, étant donné la proximité de sa ferme avec la ville.

À l’île d’Orléans, le producteur Louis Gosselin n’avait pas encore ouvert ses champs à l’autocueillette, le 27 juin, mais vendait en kiosque les premières fraises cultivées sous bâche à 6 $ le panier de 1 L. « Mes prix seront sensiblement les mêmes que l’an dernier. Je pense que c’est raisonnable. Les fruits sous bâche, c’est toujours un peu plus cher, puis, quand la saison avance et qu’il y a plus d’abondance, on ajuste les prix. On suit le marché », dit-il.

Des fraises attendues

Après avoir ouvert leurs champs à l’autocueillette un peu plus tard que les années passées, en raison du printemps frais et des nuits de gel qui ont ralenti le mûrissement, plusieurs producteurs de fraises font état d’un fort achalandage en début de saison et d’une bonne qualité de fruits.

« On a ouvert le vendredi 23 juin et ça a été un raz-de-marée », témoigne Diane Charlebois, de Salaberry-de-Valleyfield, en Montérégie. « Ça faisait tellement longtemps que les clients attendaient. C’était férié, il faisait beau et on annonçait de la pluie après, toute la semaine. Tout le monde est passé en même temps », raconte-t-elle. La semaine précédant l’ouverture de ses champs à l’autocueillette, Raphaël Lauzon, de Sainte-Anne-des-Plaines, dans les Laurentides, a reçu près de 100 appels par jour de clients qui voulaient savoir quand ils pourraient venir cueillir des fraises. « On s’attend vraiment à ce que les gens soient au rendez-vous », a-t-il témoigné, le 27 juin, alors qu’il était sur le point d’ouvrir officiellement.

Selon le président de l’Association des producteurs de fraises et framboises du Québec, Michel Sauriol, la saison de l’autocueillette part du bon pied de façon générale, malgré un printemps qui a nécessité de l’irrigation sans relâche. Les premiers fruits sont de bonne qualité, dit-il, et l’achalandage en kiosque est plutôt bon.

Concurrence des fraises de serre de l’Ontario

Selon Michel Sauriol, qui agit à titre de grossiste à la Place des producteurs, à Montréal, les fraises de serre du Québec ont subi la concurrence de celles de l’Ontario tout le mois de mai dans les marchés de gros, ce qui a eu pour effet de tirer les prix vers le bas. La situation s’est toutefois rétablie en juin. « Il y a eu beaucoup de dumping de fraises de l’Ontario. Les prix étaient dérisoires », fait valoir celui qui remarque une augmentation de la production de fraises de serre en Ontario depuis trois ans. Selon lui, le phénomène de superficies en croissance là-bas est propulsé par la conversion de nombreuses serres de tomates en serres de fraises, à la suite de ravages engendrés par le virus du fruit rugueux brun de la tomate.