Oeufs 12 mars 2024

Les œufs bruns moins populaires en épicerie

La hausse du prix des aliments a transformé les habitudes des consommateurs relativement aux œufs bruns vendus en épicerie, qui perdent du terrain par rapport aux œufs blancs de mêmes catégories. Des producteurs d’œufs ont d’ailleurs dû troquer leurs poules brunes pour des blanches dans les derniers mois pour s’ajuster à cette tendance.

Les poules pondeuses blanches ont remplacé les brunes dans la volière de la Ferme Fillanoeuf, ce qui a demandé une certaine adaptation des méthodes d’élevage. Photo : Gracieuseté de la Ferme Fillannoeuf

Le prix de la douzaine d’œufs bruns est légèrement plus élevé que la douzaine d’œufs blancs sur les tablettes, principalement parce que la poule qui les produit est plus costaude que sa congénère blanche et coûte donc un peu plus cher à nourrir. « La brune mange 110 ou 112 g de moulée par jour comparativement à 100 g pour une poule blanche », explique Stéphane Gauthier, propriétaire de la ferme de production et de classification d’œufs de consommation Clovis Gauthier, à Saint-Théodore-d’Acton, en Montérégie. Étant plus grosse, la poule brune prend également un peu plus de place dans le poulailler, qui peut donc compter moins de têtes. Conséquemment, une douzaine d’œufs bruns coûte environ 15 cents de plus, rapporte le producteur. 

« On voit que dans le coût du panier d’épicerie, ces petites cennes-là, les gens vont maintenant les chercher », observe-t-il, en précisant que ses ventes d’œufs bruns ont diminué d’environ 5 à 10 % dans la dernière année.

Pour les classificateurs comme lui, un réajustement à cette tendance du marché de consommation est nécessaire pour éviter de perdre de l’argent. « Car si les œufs bruns ne se vendent pas, ils s’en vont au cassage, et là, je reçois le même prix que pour les blancs, alors qu’ils m’ont coûté plus cher à produire », spécifie-t-il. 

La productrice Caroline Fillion, copropriétaire de la Ferme Fillannoeuf, à Saint-Sébastien, en Estrie, a aussi dû remplacer son troupeau de poules pondeuses brunes élevées en liberté par des blanches dernièrement, et ce, à la demande de son classificateur Nutrigroupe.

Les poules blanches sont un peu plus nerveuses que les brunes. Elles partent à voler facilement. Je pensais avoir plus de mortalité à cause de ça [en raison des entassements, qui se créent lorsque les poules ont peur], et parce que la configuration de mon système de volière est spéciale, mais, finalement, ça se passe assez bien. C’est moins pire que je pensais.

Caroline Fillion, copropriétaire de la Ferme Fillannoeuf

Une autre conséquence de ce changement sera la perte pour la productrice d’une partie de la prime que lui donnait Nutrigroupe. « J’aurai encore la prime pour les œufs de poules en liberté, mais plus celle pour les œufs bruns », affirme l’éleveuse. Elle constate elle aussi que les consommateurs considèrent que la différence est minime entre un œuf blanc et un œuf brun de même catégorie, ce qui les incite à pencher vers les moins chers, selon elle.

Des habitudes
de consommation variables

Benoit Bessette, chef de la transformation et des affaires corporatives chez Nutrigroupe, spécifie néanmoins que la baisse de ventes d’œufs bruns touche surtout la catégorie des œufs réguliers, et pas nécessairement celle des œufs de poules en liberté. 

De tels changements dans les tendances de consommation sont fréquents entre les différentes catégories d’œufs de spécialité, souligne, de son côté, Paulin Bouchard, président de la Fédération des producteurs d’œufs du Québec. « On constate des mouvements depuis les dernières années, selon les spéciaux, par exemple. Ce qui ne veut pas dire que les œufs se vendent moins, mais seulement qu’il y a des déplacements des consommateurs entre les différentes catégories d’œufs », spécifie-t-il.

Le phénomène contraire dans les marchés de proximité

Le producteur Jean-Mathieu D’Amour, propriétaire de l’entreprise Les œufs Fraserville, à Rivière-du-Loup, dans le Bas-Saint-Laurent, constate l’effet inverse dans les marchés de proximité qu’il dessert, dans sa région. Celui qui possède 2 300 poules pondeuses et qui assure 100 % de sa mise en marché, tant à son kiosque à la ferme que dans différents commerces de sa région, estime que les œufs bruns sont plutôt un atout, parce que les consommateurs associent cette couleur à des œufs qui proviennent directement de la ferme, ce qui les distingue des œufs blancs classiques vendus en épicerie. Ses ventes sont d’ailleurs en progression, rapporte le producteur, qui songe même à doubler sa production prochainement pour répondre à la forte demande.