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Grâce à leur réputation ou aux stratégies qu’ils mettent en place, des maraîchers augmentent leurs chances d’obtenir de bons prix pour leurs fruits et légumes sur le marché de gros. Mais dans cet univers dicté par l’offre et la demande à l’échelle nord-américaine, où un imprévu n’attend pas l’autre, ils savent que le gambling fera toujours partie du métier.
Chaque saison, Pierre-Luc Desnoyers mise sur la production hâtive et de courte durée de choux, de maïs sucré et de cantaloups, dont les récoltes se font en alternance durant l’été. Il vend toujours ses produits tôt en saison, par rapport aux autres maraîchers, ce qui augmente ses chances d’obtenir de bons prix de la part des grossistes, des détaillants et des exportateurs.
Si cette stratégie de miser sur les primeurs fonctionne plutôt bien pour lui, en général, il a eu la preuve, cette année, qu’il n’est pas à l’abri des aléas de l’offre et la demande. Les cantaloups des États-Unis, qui ont été très abondants, sont venus inonder le marché jusqu’au Québec, et à faible coût, l’obligeant à baisser radicalement le prix de ses primeurs pour rester concurrentiel.
« Habituellement, aussitôt que j’arrive avec mes melons, ma clientèle tasse tout le reste pour les prendre, mais cette année, la marque de mon entreprise a pris le bord. C’est le prix qui a pris le dessus, ce que je n’avais jamais vu avant », s’étonne le copropriétaire des Jardins Claude & Louisa, qui profite d’une bonne notoriété pour ses cantaloups, ce qui l’aide aussi, habituellement, négocier de bons prix.
Ses choux qu’il vend à l’exportation, en revanche, ont été payants, car les conditions météo lui ont permis de les récolter encore plus tôt qu’à l’habitude, à un moment où la demande était forte aux États-Unis par rapport à l’offre, ce qui a fait grimper la valeur du produit.
Le producteur Sébastien Bigras, de Saint-Eustache, dans Les Laurentides, a lui aussi son système bien rodé visant à tirer profit de la vente en gros de ses fruits et légumes, mais il sait qu’une partie de sa saison reposera inévitablement sur du « gambling pur et dur ».
Le producteur investit beaucoup pour augmenter ses chances de livrer aux acheteurs la qualité de produits qu’ils recherchent et obtenir de meilleurs prix. « Chaque année, j’investis 500 000 $ au printemps et je ne sais jamais ce que ça va faire. Est-ce que je vais faire de l’argent ou est-ce que je vais en perdre? C’est comme aller au casino », illustre le propriétaire des Fermes Serbi, qui sont notamment connues pour leurs tomates. La réputation d’une ferme, dit-il, lui confère un avantage de négociation. Comme la tomate est un produit capricieux, il préconise une technique culturale sur tuteur, qui est très coûteuse en matériel, mais offre une meilleure résistance aux intempéries, notamment aux excès d’eau. Le maraîcher applique aussi beaucoup de fongicides et dispose de grandes installations réfrigérées de 16 000 pieds carrés, qui lui permettent de mieux conserver tous ses légumes.
Cette année, ses récoltes ont été belles et abondantes, contrairement à celles de nombreux confrères, qui ont été endommagées par la pluie. La rareté du produit, en plus, tant au Québec qu’aux États-Unis, lui fait profiter de bons prix.
La plus vieille bourse
Selon Guy Milette, vice-président exécutif pour le grossiste montréalais Courchesne Larose, le marché nord-américain des fruits et légumes est « la plus grosse et la plus vieille bourse qui n’a jamais existé ».
« L’offre et la demande viennent dicter tout », dit-il, faisant remarquer que chaque culture comporte son niveau de risque que le producteur accepte de prendre. « Les pommes, par exemple, dont les prix ne peuvent pas être affectés par mère Nature, parce qu’elles sont entreposées, vont avoir une courbe de variation de prix très douce. Mais quand on parle des produits frais, comme les haricots, les zucchinis, qui sont extrêmement fragiles, on va avoir une courbe de fluctuation avec des peaks à la hausse, des peaks à la baisse, et souvent dans la même semaine. »
Des prix plus élevés à la fin de la semaine
Lorsqu’il fait affaire avec les exportateurs, par ailleurs, le maraîcher Sébastien Bigras attend la venue de la fin de la semaine pour vendre ses produits, car il remarque que les supermarchés américains choisissent ce moment pour remplir leurs étals, ce qui a parfois pour effet de stimuler la demande et de faire monter les prix. « On dirait que le lundi, tout le monde se met sur le téléphone pour vendre. Moi, j’attends à la fin de la semaine, parce que je sais que les prix risquent d’être meilleurs », dit le producteur.