Lait 19 avril 2023

Des vaches qui valent leur pesant d’or

Le prix des bovins, qui se font rares sur les marchés nord-américains, est tiré vers le haut depuis l’automne et la ­tendance ne semble pas s’essouffler, notamment du côté des vaches en lait, très en demande au Québec dans un contexte où les fermes sont invitées à produire le plus possible pour refaire les stocks de beurre. 

« Une vache fraîchement vêlée peut se vendre entre 3 500 $ et 4 000 $ en ce moment. À la même période en 2022, c’était plutôt 3 000 $ la vache », fait remarquer Éric Therrien, encanteur et producteur à Saint-Sylvestre, en Chaudière-Appalaches. 

Un autre éleveur de Richmond, en Estrie, David Crack, qui vend environ 2 000 vaches par année à des producteurs du Québec, dont plusieurs sont importées des États-Unis, obtenait même jusqu’à 4 500 $ dernièrement pour ses vaches en lait. 

Il explique que le prix du bœuf est généralement très élevé sur le marché nord-américain, en raison d’un phénomène de rareté. Les grandes sécheresses dans l’Ouest américain l’an dernier, où est élevé beaucoup de bétail, ont fait en sorte de devancer la réforme de plusieurs vaches, car les éleveurs manquaient d’eau et de nourriture à leur donner. 

« Maintenant que la situation est revenue à la normale, il manque de vaches de réforme, parce qu’on a tué trop de bœufs en même temps à cause de la sécheresse. Ça pousse les prix vers le haut », dit-il, soutenant que les vaches en lait suivent la parade, se faisant rares sur le marché elles aussi, car les producteurs préfèrent les garder. « Ils se disent : ‘‘Au lieu de vendre une vache en lait, je vais en vendre une pas bonne qui vaut cher.’’ » 

Un producteur de Lyster, dans le Centre-du-Québec, Peter Eugster, observe de son côté que la valeur des veaux croisés Holstein et Angus, également très élevée, encourage plusieurs confrères à délaisser l’élevage de génisses pour produire des veaux mâles qu’ils peuvent revendre. « Les gars font saillir leurs vaches avec des taureaux de boucherie. […] Ça donne moins de génisses à élever, mais plus de vaches en lait à acheter éventuellement », note-t-il, estimant que ce ­phénomène d’effet domino contribue aussi à la rareté. 

Vaches en lait recherchées

En plus de se faire rares, les vaches fraîchement vêlées sont très demandées, alors que plusieurs hausses du droit de produire et journées additionnelles sont accordées aux fermes laitières depuis près d’un an. Et la cadence ne ralentit pas, avec les stocks de beurre qui demeurent bas. Les offices de mise en marché des provinces de l’est du pays (P5) se fixent d’ailleurs pour objectif de les reconstruire en 2023 en maintenant un niveau de production élevé. Après une récente émission de 2 % de quota négociable au 1er janvier, une journée additionnelle a été accordée en mai. 

Or pour pouvoir faire leur quota, plusieurs producteurs sont à la recherche de vaches en lait à ajouter à leur troupeau. Chacun y va de sa propre stratégie pour économiser. 

« Il y en a beaucoup qui profitent des bons prix pour vendre des vaches de réforme et des veaux et compenser l’achat coûteux de vaches en lait », indique par exemple Éric Therrien.


Des prix records pour les bouvillons

Le prix des bouvillons d’abattage à l’encan de Saint-Hyacinthe a atteint 3,65 $/livre carcasse, il y a environ deux semaines : du jamais vu selon le directeur, Mario Maciocia.  « Les prix sont en hausse depuis après les Fêtes; c’est le plus cher que j’ai jamais vu, et on pense que ça va augmenter encore », mentionne-t-il, affirmant que le prix du bouvillon influence celui des autres bovins, incluant celui des vaches de réforme. Plusieurs éleveurs relèvent des prix qui oscillent autour de 2 000 $ actuellement pour une bonne vache de réforme, alors qu’il varie habituellement entre 700 $ et 1 200 $ la tête.

Démarrage de ferme coûteux

Alexandre Martin, qui a démarré, en novembre, sa ferme laitière de Victoriaville, dans le Centre-du-Québec, doit faire grossir son troupeau de vaches en lactation le plus vite possible pour dégager un meilleur revenu et rembourser ses dettes. Les Jerseys, soit la race qu’il élève, sont toutefois encore plus chères que les Holsteins. « En ce moment, elles sont entre 4 200 $ et 4 500 $ la vache fraîche vêlée », observe-t-il, étonné.

Dans ce contexte, il a finalement opté dernièrement pour l’achat de deux femelles en fin de lactation, qui produiront moins longtemps, mais qu’il a obtenues à meilleur prix, à 2 000 $. Il a aussi déniché, en magasinant, deux Holsteins fraîchement vêlées à 3 000 $. « J’essaie de surveiller ce qui est moins cher pour pouvoir produire le plus de lait possible, mais c’est difficile. […] Le budget d’imprévus que je m’étais fait pour le démarrage a finalement tout passé dans les vaches », indique celui qui a payé ses 40 vaches de départ 40 000 $ de plus qu’anticipé. Celui qui détient 41 kilos de quota est parvenu, dans les derniers mois, à ajouter dix vaches à son troupeau.