Grandes cultures 18 octobre 2023

Une récolte de maïs plus écologique

SAINT-HYACINTHE – Le séchage du maïs au Québec nécessite l’utilisation d’environ 65 millions de litres de propane chaque année. Dans une ère de lutte contre les changements climatiques, des producteurs qui étaient considérés comme archaïques deviennent aujourd’hui très tendance avec leur système de séchage qui n’emploie ni propane, ni gaz naturel, ni électricité. Seulement de l’air est nécessaire pour sécher le grain.

« On laisse la nature s’occuper de sécher le blé d’Inde », résume Robert Rainville, à qui La Terre a rendu visite le 17 octobre alors qu’il était en pleine récolte à sa ferme à Saint-Hyacinthe, en Montérégie. Sans être record, la récolte 2023 est bonne, dit-il, en remplissant à rebord les 520 mètres linéaires de crible à maïs que ses frères et lui possèdent.

Écolo et rentable

Ce procédé, par lequel le grain séchera tranquillement dans les cribles jusqu’au printemps, mise d’abord sur de vieilles machines qui récoltent en conservant les épis. Cela exige plus de temps comparativement au travail des moissonneuses-batteuses modernes qui séparent directement le grain de l’épi. Mais l’opération est plus écologique et plus payante, assure M. Rainville. « On n’a aucuns frais de séchage. Aussi, le fait de ne pas avoir un séchage forcé, ça nous donne du grain avec un meilleur poids spécifique. On sort quasiment toujours du grade 1 ou 2. Une année où le maïs est très humide, c’est sûr qu’il va mieux se classer au crible que dans un séchoir au propane. Tout ça fait que c’est beaucoup plus rentable avec les cribles », explique le producteur.

Comme autre avantage, cette technique permet aux Rainville de commencer plus tôt la récolte du maïs, leur laissant habituellement des conditions de sol plus favorables. La vieille récolteuse est légère et elle compacte moins le sol que les grosses moissonneuses-batteuses. « Mais on a plus de voyagement avec les voitures à grains et les tracteurs, peut-être que ça s’équivaut pour la compaction », nuance Robert Rainville. Chose certaine, en cette période d’inflation des prix, le coût d’achat d’une vieille récolteuse fait sourire comparativement à celui d’une moissonneuse-batteuse.

On en a acheté une il y a trois ans pour 60 000 $… Mais il n’y a rien de neuf sur le marché. Ce sont de vieilles machines d’une quarantaine d’années.

Robert Rainville

« C’est long »

Si les pertes de récolte au champ ont l’avantage d’être presque nulles, le gros point faible se révèle être le temps. Les frères Rainville utilisent simultanément deux récolteuses de six rangs, lesquelles couvrent ensemble environ 25 hectares par jour, une productivité qui n’arrive pas à la cheville d’une grosse moissonneuse-batteuse moderne. Leur chantier implique aussi plus de main-d’œuvre, soit deux personnes sur les récolteuses et deux qui assurent le transport des voitures à grains. « C’est long! Quelqu’un qui a 2 000 acres, au crible, ça ne fonctionnerait pas », reconnaît le producteur, qui possède avec ses frères près de 250 hectares (600 acres).

Toutefois, quand il regarde ses coûts de production pour la culture du maïs, il ne changerait pas sa vieille méthode de séchage, lui qui vient même de reconstruire à neuf ses cribles à maïs. Surtout qu’au printemps, quand il sort les épis du crible pour les faire égrainer, il obtient un revenu supplémentaire par la vente des râpes de maïs, communément appelés cotons, lesquels sont employés à l’étranger par des producteurs de champignons.

Reportage : Martin Ménard / Montage : Jérôme Vaillancourt

Le séchage au propane veut prendre le virage vert

Non seulement les équipementiers offrent des appareils de séchage des grains plus efficaces, qui réduisent la consommation d’hydrocarbure, mais les fournisseurs de propane et de gaz naturel emboîtent eux aussi le pas.

Du gaz naturel renouvelable est maintenant produit au Québec, bien qu’en faibles quantités. Quant au propane, « l’industrie amorce vraiment un virage vert », indique Raymond Gouron, directeur général par intérim de l’Association québécoise du propane. Ce dernier donne en exemple le développement de biopropane, fabriqué à base d’huile hydrogénée, ou encore l’intégration dans le propane d’une portion d’éther diméthylique, connu par l’abréviation DME, lequel peut être obtenu à partir de sous-produits animaux.

Au Québec, le propane vert n’est pas encore disponible, affirme M. Gouron, « mais le message est clair qu’il faut prendre ce virage, et cela exigera des investissements importants pour construire des usines », souligne-t-il. L’Europe et la Californie ont pris de l’avance dans le développement d’infrastructures produisant du propane vert, ce qui représente une source d’inspiration, explique Raymond Gouron. Il ajoute que dans plusieurs régions du Québec, les agriculteurs se fient principalement sur le propane pour chauffer les bâtiments d’élevage et sécher les grains. L’agriculture est même l’un des secteurs qui consomment le plus de propane au Québec, avec près de 200 millions de litres de propane brûlés chaque année.