Séchoirs à grains : changer de système ou modifier ses habitudes?

Avec l’augmentation du coût de fonctionnement des séchoirs à grains dans les dernières années, il s’avère de plus en plus important de scruter à la loupe les performances de cet équipement qui accapare une part importante de la facture énergétique des producteurs céréaliers. 

Les solutions de rechange au séchoir traditionnel alimenté par les combustibles fossiles comme le gaz naturel ou le propane sont présentement inexistantes, argumentait l’automne dernier un expert en énergie du Collège Lethbridge en Alberta. Le professeur Chandra Singh a demandé en commission parlementaire au Sénat canadien à ce que les producteurs agricoles de la province bénéficient d’une exonération sur la taxe sur le carbone pour le séchage des grains à la ferme en raison de l’indisponibilité actuelle d’une technologie propre de rechange.

Nicolas St-Pierre. Photo : Gracieuseté du Collège d’Alma

« Il y a des procédés efficaces utilisés dans la transformation alimentaire pour le séchage comme les technologies micro-ondes, l’infrarouge ou la lyophilisation, mais le problème, c’est qu’elles ne sont pas applicables quand il est question de traiter plusieurs tonnes de grains », convient Nicolas St-Pierre, agronome et enseignant au Collège d’Alma.

Biomasse et biénergie

Présentement, les systèmes alimentés à la biomasse représentent l’option la plus intéressante d’un point de vue économique et de performance même s’ils ne sont pas sans défauts.

La biomasse est utilisée depuis longtemps, mais curieusement, c’est quand les coûts de production sont de plus en plus importants qu’elle revient sur le devant de la scène. Ça demeure quand même une belle avenue parce qu’elle permet de valoriser des résidus de culture comme les restes de criblage et les cotons de maïs par exemple.

Nicolas St-Pierre, agronome et enseignant au Collège d’Alma

L’agronome souligne également que la biomasse, avec son chauffage indirect, sec, pulsé, doux et lent, permet aux grains de mieux conserver leurs composantes que la chaleur directe propulsée par le gaz ou le propane. « Cela a un impact sur la qualité du grain et ça, c’est un aspect qui est de plus en plus présent au niveau commercial. »

En Europe, Säätötuli s’est associée dans les années 1990 à un fabricant de séchoir à grains pour concevoir  un produit dont la chaleur provient exclusivement  d’un générateur à air chaud biomasse. 

Cependant, fait remarquer Nicolas St-Pierre, ce lent processus de séchage peut devenir problématique pour un producteur qui doit traiter en urgence 20 tonnes à l’heure en raison d’une météo menaçante. « C’est ce qui fait que les systèmes à la biomasse ne sont pas aussi répandus. Les producteurs arrivent dans des situations où il y a de l’humidité dans l’air et ils vont être craintifs par rapport à cette option-là. »

Cet obstacle peut toutefois être surmonté en optant pour un système biénergie, même si, dans ce cas, le retour sur l’investissement sera moins rapide. « Un mix biomasse et propane, ça peut être intéressant dans des situations où tu dois intervenir plus rapidement », ajoute l’enseignant.

L’importance de l’efficacité énergétique

Mais avant de songer à changer de système, Nicolas St-Pierre suggère un plan plus simple : jeter un coup d’œil du côté de l’efficacité énergétique. Selon les études, jusqu’à 40 % de l’énergie consommée par un séchoir à grains peut être perdue en cours d’opération. 

« Quand je fais de la formation avec les producteurs, je mets beaucoup l’accent sur la gestion des opérations, le contrôle de la chaleur. Quand tu es en mesure de comprendre le principe de séchage des grains, tu es capable de travailler plus efficacement. J’explique que ce n’est pas nécessairement parce que tu changes ton système que tu vas avoir un impact sur les coûts. »

S’assurer de l’uniformité des grains dans le séchoir et de leur qualité a notamment une grande incidence sur le résultat final. « Juste entrer un grain propre versus un grain sale, ça vient influencer le processus de séchage et ça peut représenter 5 % d’économie sur le coût. »

Actuellement, les équipementiers consacrent beaucoup d’énergie à la façon de récupérer la chaleur qui s’échappe du système lors de son fonctionnement. Éliminer les zones de pertes de chaleur et récupérer la chaleur excédentaire présente dans l’air rejeté permettrait d’économiser jusqu’à 40 % des coûts de séchage, selon des études.

La gestion des opérations est aussi primordiale. « Quand tu sèches du grain, ce qui est le plus coûteux, ce sont les derniers points. L’humidité de surface disparaît rapidement, mais celle à l’intérieur des composantes du grain est plus longue à éliminer. À cette étape, tu n’as pas besoin de prolonger un grain au séchoir trop longtemps. On peut le sortir et utiliser un refroidissement lent pour permettre de le finir. On peut aussi utiliser la méthode de la dry aeration. On laisse le grain dans un silo pendant un certain temps pour que l’eau à l’intérieur migre vers l’extérieur. Après, on va le rentrer dans un autre silo pour finir de le refroidir. Tu n’es pas toujours obligé de changer ton système. Parfois, il faut juste mieux l’utiliser », conclut Nicolas St-Pierre.