Grandes cultures 22 mars 2023

Les Jodoin font des grains et des pâtes

VARENNES – Producteurs agricoles depuis cinq générations, les Jodoin de Varennes ont décidé il y a quelques mois de se lancer dans la transformation d’une partie de leur blé en farine artisanale et pâtes alimentaires. C’est ainsi que la Minoterie 1880 a vu le jour sur le chemin de la Baronnie.

Bien qu’ils souhaitent accroître le volet transformation, la culture du blé, du soya et du maïs, les frères Stéphane et François Jodoin sont avant tout des producteurs de grandes cultures. Leur père, Normand, a été producteur de betteraves à sucre avant de convertir la ferme exclusivement au grain au milieu des années 1980.

Stéphane et François ont pris la relève de la Ferme Normand Jodoin inc. en 2002. Stéphane avait occupé un emploi pendant 16 ans dans une usine et François, son cadet, venait de terminer sa formation en Gestion et exploitation d’entreprise agricole au cégep de Saint-Jean-sur-Richelieu. L’entreprise était déjà en production de grains de grandes cultures. « Nos parents ont été les premiers dans la région à cultiver le soya », se souvient François. Les producteurs des environs, intrigués par cette culture, venaient à la ferme voir ce que c’était.

L’entreprise a toujours été en croissance. Depuis qu’ils ont pris les commandes, les frères Jodoin ont acheté 400 hectares de terre additionnels, ce qui porte la superficie en culture à 1 040 hectares, ce qui en fait une ferme de grande taille puisque, selon François, la moyenne pour le Québec est de 400 hectares.

La famille Jodoin, croit être la seule au Québec à produire des pâtes à partir de son blé. Les autres transformateurs le font à partir de blé de l’Ouest canadien, selon Stéphane Jodoin.

Plan de séchage

De plus, à la même époque, en 2002, les frères Jodoin ont acheté un plan de séchage, permettant d’accommoder les producteurs de leur secteur qui ne disposaient pas de séchoirs performants et de lieu d’entreposage. Ils ont alors ajouté le commerce du grain à leur occupation agricole. « Nous avons une capacité d’entreposage de 12 000 tonnes », souligne François. 

La famille Jodoin a séché 15 000 tonnes de maïs l’an dernier et 5 000 tonnes de soya. Cette année, les copropriétaires prévoient commercialiser 18 000 tonnes de maïs et 5 000 tonnes de soya. Leurs camions leur permettent de livrer le grain chez les clients, aux ports de Montréal et de Sorel, pour le soya, et à l’usine d’éthanol de Varennes pour le maïs. La production de blé est écoulée sur le marché local. Le soya est surtout destiné à l’exportation.

Le plan de séchage acheté  par les frères Jodoin.

Techniques de production

Pour la production du soya, François et Stéphane ne travaillent pas le terrain après la récolte avec des équipements lourds. Pour la culture du blé, après la récolte, ils épandent les fumiers et composts. Ensuite, ils travaillent le terrain avec une déchaumeuse et sèment les engrais verts. Ceux-ci restent aux champs et passent l’hiver sous la neige pour devenir un engrais le printemps suivant. « Quand on n’est pas obligé de travailler le sol, on ne le fait pas, autant dans un souci d’efficacité que de protection de l’environnement », explique François. L’entreprise veut demeurer le plus écoresponsable possible.

Essentiellement, le seul travail au sol qui est réalisé est dans le maïs. Par ailleurs, pour améliorer la qualité du sol, les deux agriculteurs achètent aussi 1 600 tonnes de fumier de poulet par année et du compost qu’ils utilisent selon les besoins. « On étend le fumier et ensuite, on produit de l’engrais vert. Ça permet de garder le fumier au sol et c’est bénéfique pour la saison suivante », explique François Jodoin. De plus, des rotations de cultures sont faites chaque saison. Ce qui était semé une année en blé va en maïs l’année suivante, par exemple.

Les deux producteurs croient en l’importance de donner au sol ce dont il a besoin pour l’améliorer d’une année à l’autre. Dans cet esprit d’agriculture durable, la ferme Jodoin utilise de plus en plus des procédés mécaniques pour détruire les mauvaises herbes, ce qui réduit l’utilisation de pesticides.

Du pain et des pâtes

L’ouverture de la Minoterie 1880 coïncide avec l’implication de Mélina, la fille de Stéphane dans l’entreprise. Le chiffre 1880 fait référence à l’arrivée de la famille Jodoin sur la terre. Même si cette production est encore marginale et que la jeune maman de 25 ans contribue aux autres activités de la ferme, ce secteur est un peu, pour cette représentante de la 5e génération, comme son deuxième enfant. Elle ­souhaite le développer davantage au retour de son congé de maternité.

Le moulin à farine  sur pierre.

Néanmoins, 15 des 600 tonnes de blé produites l’an dernier ont été utilisées pour le volet transformation. Cette production de farine et de pâtes s’adresse surtout à un marché de niche. Elle est vendue essentiellement sur le marché local dans des kiosques fermiers et d’autres endroits où on retrouve des produits du terroir. 

« Nous avons développé le produit qui se détaille en différentes sortes de farines, de semoules et de variétés de pâtes alimentaires, et nous sommes prêts à pousser davantage sur la promotion », souligne Stéphane. Une petite boulangerie de Varennes, Ma mie est chaude, offre même une baguette de pain fabriquée avec la farine provenant de la ferme Jodoin.

La famille Jodoin cultive 1 040 hectares de terre.

Équipements européens

Pour réaliser le projet de minoterie, les producteurs ont fait l’acquisition d’équipements en Italie et en France. Ils disposent notamment d’un moulin sur pierre qui peut moudre 15 kilos de blé à l’heure. Cette farine est vendue en sacs. Une partie est utilisée pour la fabrication des pâtes sèches (tagliatelles, macaronis, fusillis, etc.). 

La famille Jodoin croit être la seule au Québec à produire des pâtes à partir de son blé. Les autres transformateurs le font à partir de blé de l’Ouest canadien, selon Stéphane. Les pâtes de la Minoterie 1880 se définissent par leur saveur, mais aussi, dit-il, par l’absence d’agent de conservation et un niveau de gluten de beaucoup inférieur aux produits commerciaux. 

Quant à l’avenir de la ferme, il semble déjà assuré par l’implication de Mélina, depuis déjà quelques années, mais aussi par celle d’Antoine et de Laurent, les deux fils de François, âgés respectivement de 14 et 11 ans, qui ont déjà commencé à mettre la main à la pâte. L’entreprise compte six employés, soit trois à temps plein et trois à temps partiel.