Bovins 4 août 2023

Des avenues encourageantes pour la production de bœuf

La production bovine décroît au Québec depuis 10 ans, mais la commercialisation d’un bœuf local, conjuguée à l’adoption de pratiques durables, qui contribuent à améliorer l’image de la viande, procure une bouffée d’air frais à ce secteur qui a besoin de bonnes nouvelles. Les Producteurs de bovins du Québec (PBQ) profiteront justement de l’engouement pour le bœuf local pour lancer, d’ici trois mois, une certification nommée Bœuf du Québec. Cette certification veut offrir une plus grande place au bœuf québécois dans les étalages de la province, mais aussi assurer au consommateur que la viande de bœuf vendue comme étant du Québec l’est réellement (voir autre texte en page 5). 

De l’argent réel pour la durabilité

L’aspect environnemental et durable s’avère être une autre avenue prometteuse pour la production bovine québécoise, assurent plusieurs intervenants contactés par La Terre, dont le président des PBQ, Jean-Thomas Maltais.

On produit 50 % moins d’émissions au Québec dans nos élevages [comparativement à d’autres régions dans le monde]. On s’enligne vraiment sur le bœuf durable, il y a un très gros intérêt et on sait que ça va perdurer, le durable. On a déjà des fermes de certifiées [durables]. Dans le bouvillon, éventuellement, 100 % des fermes pourraient l’être. Ensuite, tous les maillons, comme les abattoirs et les transformateurs. Il y a beaucoup d’engouement à embarquer.

Jean-Thomas Maltais, président des Producteurs de bovins du Québec

Au Québec et au Canada, cette certification durable connue sous le diminutif de VBP+ suscite de la demande de la part des acheteurs, dont le géant Cargill, qui paie environ 20 $ en extra aux éleveurs pour chaque bête certifiée. Et les ventes de viande certifiée durable augmentent rapidement, a révélé par vidéoconférence Tanya Thompson, la directrice de comptes chez Cargill. Elle a constaté une croissance de la demande de 147 % en 2021 comparativement à 2020. Et pour 2022, la demande a augmenté de 37 % et aurait pu augmenter de 198 % si plus de bœufs certifiés avaient été sur le marché. 

Au-delà de la certification, l’industrie canadienne du bœuf s’est fixé des objectifs de durabilité pour 2030, dont celui de réduire de 33 % ses émissions de gaz à effet de serre. Précisons qu’il s’agit de rendre la filière bovine durable dans son ensemble, ce qui inclut des objectifs autres qu’environnementaux, comme la qualité du bœuf et la salubrité alimentaire.

Le train vert passe

Pour Brian Maloney, copropriétaire de la Ferme Brylee, en Outaouais, l’engouement des acheteurs, des gouvernements et des consommateurs pour ce qui est durable est une occasion à ne pas manquer pour les éleveurs. « Le train passe et on devrait embarquer dedans », affirme-t-il. L’éleveur spécifie que le secteur bovin, notamment de vache-veau, mise sur de grandes superficies en plantes fourragères, lesquelles contribuent à la captation de carbone tout en améliorant la gestion de l’eau. 

Adepte de l’agriculture régénératrice, il dit que plusieurs fermes bovines s’y qualifient déjà par leurs pratiques. Celles-ci n’ont, selon lui, qu’à joindre le mouvement et à veiller à ce « que la clientèle comprenne et paie pour leur service environnemental », clame-t-il. 

Près de Saint-Hyacinthe, à Saint-Liboire, Mathieu Claessens possède avec sa famille un parc d’engraissement produisant 6 000 bouvillons annuellement. Il fait partie de ceux qui reçoivent le fameux 20 $ par animal certifié.

Ça vaut la peine [la certification]. Même avant de recevoir l’argent, on était certifiés. Ça nous donne un standard de qualité et une grosse partie de la certification consiste à tenir des registres. Les registres, c’est important. Ça nous donne des données pour prendre de meilleures décisions d’affaires.

Mathieu Claessens, producteur

L’un des meneurs dans l’industrie de la viande québécoise, le groupe Délimax-Montpak, emprunte lui aussi la voie du développement durable à la fois par conviction et par obligation. « Nos clients nous ont adoptés, car on était en avant. Il faut le rester », lance Fabien Fontaine, l’un des propriétaires. De surcroît, il indique que les chaînes d’alimentation mettent présentement de la pression sur leurs grands fournisseurs pour qu’ils s’engagent dans un plan vers la carboneutralité, avec des dates butoirs. 

M. Fontaine mentionne que la carboneutralité représente tout un défi. Son groupe s’est mis au travail en se concentrant, dans un premier temps, à décarboner Montpack, son entreprise de transformation. Sauf que l’élevage devra aussi y passer éventuellement. « Le goulot d’étranglement dans l’élevage, ce sont les gaz émis par les animaux. Ce ne sera pas simple, mais on va faire comme on a tout le temps fait. On va s’accoter sur la science et on va y arriver. »  


« Bonne chance! »

Claude Laroche, photographié en 2011, alors qu’il /exploitait un abattoir moderne avec l’objectif d’offrir
aux Québécois une viande de qualité et locale. 

Le développement d’une filière de viande de bœuf québécoise a déjà été dans la mire de Claude Laroche, président à l’époque des Viandes Laroche, qui avaient construit un abattoir nec plus ultra à Val-des-Sources (anciennement Asbestos), en Estrie, et développé une mise en marché de bœuf local sans hormones de croissance ni antibiotique et doté d’une génétique accentuant la tendreté de la viande. Cette aventure s’est toutefois terminée en 2015 par une fermeture crève-cœur pour M. Laroche, qu’il n’avait pas voulu commenter à l’époque. 

La Terre l’a joint pour lui demander si cette fois était la bonne pour une réelle ascension de la viande de bœuf du Québec. « La solution, je pense qu’elle est passée date. On avait mis beaucoup de temps et d’énergie à l’époque, et il y avait une belle occasion de bâtir quelque chose d’unique. Mais on était à la merci des grandes entreprises. C’est encore le cas aujourd’hui, sinon pire, car le Québec a encore moins de production », analyse-t-il. De fait, la production de bouvillons est passée de 166  000 têtes en 2010 à 64 000 en 2022, tandis que le cheptel de vaches de boucherie destinées à la production de veaux d’embouche est passé de 214 000 vaches à 124 000 vaches. Sans être optimiste, M. Laroche y va d’encouragements. « Je souhaite bonne chance et je lève mon chapeau à ceux qui vont passer à travers. Arrangez-vous juste pour avoir l’appui du MAPAQ [ministère de l’Agriculture] et de la fédération [Producteurs de bovins du Québec]. Moi, quand c’était l’un qui y croyait, l’autre non, c’était difficile », se remémore-t-il.