Apiculture 13 octobre 2023

Deux brasseurs devenus apiculteurs par la force des choses

L’apiculture s’est invitée par hasard dans le parcours de François Beaudoin et William Audet, deux passionnés de bières qui ont toutefois jeté leur dévolu sur l’hydromel pour bâtir leur entreprise, Cru d’Abeille, fondée en 2020.

« On rêvait de devenir brasseurs, mais le marché des bières de microbrasseries était saturé. On a donc décidé de faire de quoi de différent », explique William Audet, rencontré par La Terre dans le petit local d’un quartier industriel du secteur Lauzon, à Lévis, dans Chaudière-Appalaches. C’est là où les deux cofondateurs ont installé leurs pénates pour brasser leur hydromel « nouveau genre ».

Car leur produit est bien différent de l’hydromel classique. « On connaissait déjà l’hydromel, et c’est un produit très noble qui a toute sa raison d’être, mais ça tend à être très sucré, liquoreux et très fort en alcool. On s’est dit : ‘‘Pourquoi ça n’existe pas en version plus light, pétillante?’’ » rapporte François Beaudoin. À travers les recherches qu’ils ont commencées en 2017, le duo a découvert que ce type d’hydromel existait du côté des États-Unis, au Royaume-Uni, et même au Canada, en Colombie-Britannique, mais qu’il était encore absent des tablettes du Québec.

Nombre de permis de production d’hydromel au Québec en 2023

27

Augmentation depuis 2015, alors qu’il y avait 15 permis

80%

« À partir de là, on a travaillé en vase clos, sans aller voir comment ça se faisait ailleurs. On a transposé les connaissances qu’on avait développées pour la bière pour faire notre première recette d’hydromel. Honnêtement, ç’a tellement bien sorti que c’est encore cette recette qu’on vend aujourd’hui pour notre hydromel nature », confie M. Audet. 

Un succès qui a par la suite été confirmé par des prix obtenus, en 2021, pour trois déclinaisons de leur recette d’hydromel à la Texas Mead Cup, une compétition qui récompense les meilleurs produits d’hydromel dans différentes catégories. « Ça n’a pas fait augmenter nos ventes au Texas, souligne en riant M. Audet, mais ça nous a rassurés sur la qualité de notre produit. »

« Toute une aventure » avec les abeilles

Les deux amis, qui ont d’ailleurs développé leur passion pour le brassage de la bière alors qu’ils étaient colocataires au cégep, quelques années plus tôt, ont suivi, en 2018, un cours en gestion d’entreprise afin de lancer leur projet sur une bonne base. 

Mais pour obtenir un permis de production d’hydromel artisanal, il leur fallait également produire leur propre miel. Une condition qui les a menés à suivre, simultanément, un cours d’initiation à l’apiculture.

Traditionnellement, ce sont surtout ceux qui ont déjà une miellerie qui se lance dans la fabrication d’hydromel. Pour nous, le processus s’est fait à l’envers. Ç’a été plus compliqué. Je dirais même que c’est toute qu’une aventure, avec tous les parasites [qui peuvent affecter les abeilles].

William Audet

Leur entreprise possède actuellement 200 ruches, installées chez des producteurs agricoles de la région, et leur permet de produire la majeure partie du miel dont ils ont besoin pour leur production d’hydromel. Heureusement, ils ont pu compter sur l’expertise de plusieurs amis apiculteurs pour obtenir des conseils sur la bonne gestion de leurs abeilles et l’extraction du miel.

Cet esprit d’entraide fait d’ailleurs partie prenante de leur jeune entreprise, alors que le duo tient à s’impliquer activement dans la vie communautaire de la région, en soutenant, par exemple, une clinique de pédiatrie sociale de Lévis. C’est un peu avec la même philosophie qu’ils ont accueilli l’arrivée de produits semblables aux leurs sur les tablettes du Québec, peu après le lancement de leurs cannettes d’hydromel pétillant. « On a vraiment été les premiers sur le marché ici, mais là, il y a d’autres hydromelleries qui en font. On ne voit pas ça comme une compétition. Au contraire, on souhaite que les produits de cette catégorie soient bien réussis, car ça ne peut qu’être positif pour amener les clients à découvrir tout ce qui se fait dans le même genre », tiennent-ils à spécifier.

Croissance en tête

Ce n’est que tout récemment, en 2022, que les deux apiculteurs-brasseurs ont pu laisser les emplois qu’ils occupaient dans des microbrasseries de la région pour se consacrer entièrement à leur projet, où la charge de travail les garde maintenant occupés à temps plein et leur permet de dégager un profit net.  L’entreprise brasse actuellement entre 500 et 1 000 litres d’hydromel par semaine. « Des fois, en saison, on brasse 2 000 litres. C’est sûr qu’on veut augmenter, car si on compare à la bière, ce n’est vraiment pas beaucoup, mais le produit est encore méconnu. Si un jour, on arrive à brasser 100 000 litres par année, je serais vraiment heureux! » s’exclame William Audet.