Acériculture 14 mars 2024

Une grande récolte de sirop se dessine

Il est toujours hasardeux de prédire la finalité d’une saison acéricole, mais plus les jours avancent et plus les acériculteurs constatent que les érables sont particulièrement généreux cette année et pourraient donc livrer des volumes hors de l’ordinaire. « On a eu de bonnes coulées, et si on regarde les prévisions météorologiques à long terme, les astres s’alignent pour une excellente récolte », résume Serge Valiquette, des Laurentides. Ce dernier fait partie des cinq acériculteurs que La Terre suit tout au long de la saison. Voici le deuxième compte-rendu de la récolte 2024.


Photo : Gracieuseté de Vincent Perron

Vincent Perron, Montérégie

Nombre d’entailles : 38 000
Fin de l’entaillage : 8 février
Première évaporation :  13 février
Rendement en date du 13 mars : 2,4 lb/entaille
Objectif de rendement :  5 lb/entaille

Vincent Perron (au centre sur la photo) avait presque atteint la moitié de son objectif de rendement, le 12 mars, et il est optimiste pour la suite des choses. « J’ai eu une grosse coulée la semaine passée. Il rentrait 2 800 gallons à l’heure sur notre site de 25 000 entailles! On ne connaît pas des coulées comme ça chaque année. En plus, après il a neigé, et ça fait beaucoup de bien, avec un bon 15 cm au sol. On devrait être en mesure de continuer et faire une grosse saison. La météo est vraiment sur notre bord, même à long terme », analyse-t-il. Ce temps plus frais s’avère salutaire pour M. Perron, qui est situé en Montérégie. « Avec les 14 et 15 °C qu’on a eus, on avait hâte que la chaleur lâche, car le sirop commençait à foncer, mais avec le froid, le sirop est revenu correct. Pour vrai, on fait présentement de la belle qualité, du doré avec une belle saveur et une très bonne odeur », décrit-il. L’eau d’érable qu’il recueille se révèle cependant moins sucrée, nuance le copropriétaire de l’Érablière Olivier et Vincent Perron. « On était aux alentours de 2,5 degrés Brix et, après la chaleur, on a baissé à 1,8 degré Brix. » La présence de râche dans le sirop, aussi nommé sable de sucre, indique à l’acériculteur qu’il est au cœur de sa saison.


Photo : Gracieuseté de Serge Valiquette

Serge Valiquette, Laurentides

Nombre d’entailles : 30 000
Fin de l’entaillage : 15 février
Première évaporation : 28 février
Rendement en date du 13 mars : 1,45 lb/entaille
Objectif de rendement : 4 lb/entaille

« La saison va très, très bien. Nous avons eu de très grosses coulées la semaine dernière. C’est rare qu’on voit ça. J’ai des bassins qui peuvent contenir en masse d’eau, mais on a failli atteindre le maximum », exprime Serge Valiquette, de Kiamika, près de Mont-Laurier. Le taux de sucre est stable, à 2 degrés Brix. « Parfois, le taux de sucre diminue après de grosses coulées, mais ça n’a pas été le cas », précise le propriétaire de l’Érablière du chevreuil. La qualité du sirop est au rendez-vous, autant en matière de couleur que de goût, fait-il remarquer. Les prévisions météo lui laissent croire que la saison est loin de se terminer, ce qui lui donne confiance d’atteindre son objectif de 4 lb/entaille. « On annonce du gel. Ça augure très bien pour que la récolte perdure jusqu’à la mi-avril. Ça voudrait dire un mois et demi de récolte. C’est rare! » Le seul pépin qu’il note est le bris d’une pompe qui acheminait l’eau de 15 000 entailles. « Mais je ne n’ai pas vraiment perdu d’eau, car j’ai presque tous les équipements installés en double. J’avais déjà une autre pompe connectée en stand-by. Ça évite beaucoup de stress et de perdre de l’eau », assure M. Valiquette.


Photo :Gracieuseté de Steve Paris

Steve Paris, Mauricie

Nombre d’entailles : 25 000
Fin de l’entaillage : 27 février
Première évaporation : 13 février
Rendement en date du 13 mars : 1,5 lb/entaille
Objectif de rendement :  4,25 lb/entaille

Steve Paris a eu la frousse lorsqu’il a subi une panne d’électricité majeure en pleine production de sirop, dans le secteur de Lac-aux-Sables. « Vendredi, on a eu une super coulée. Samedi, c’était bon aussi et le dimanche matin, le courant s’est arrêté en raison des chutes de neige. Hydro-Québec nous disait au début que l’électricité reviendrait dans quatre heures, alors on a simplement démarré une petite génératrice pour faire fonctionner les pompes. Mais après, ils nous ont reporté ça au soir et, ensuite, au lendemain. Notre plan B est passé au plan C, et au plan D. Les bassins commençaient à être pleins. On bouillait un minium pour libérer des bassins et ensuite, on repartait les pompes. Je ne pense pas qu’on a perdu d’eau. Et par chance, il s’est mis à faire froid, alors on a pu la conserver. Quand l’électricité est revenue après 36 heures, on a commencé à bouillir pour reprendre le dessus », raconte-t-il. Le rythme auquel la neige fond est spectaculaire, à son avis. Il n’avait encore jamais vu certains secteurs de son érablière sans neige à cette date-ci. La saison se déroule bien, estime-t-il. Son seul souci se révèle être les pics-bois qui ont perforé une centaine de chalumeaux sur l’ensemble de son érablière. « Ça aussi, je n’ai jamais vu ça, surtout sur autant de secteurs de l’érablière. J’aimerais bien comprendre pourquoi ils font ça! »


Photo :Gracieuseté d’Émilie Blondeau

Émilie Blondeau, Estrie

Nombre d’entailles : 4 500 entailles
Fin de l’entaillage : 20 février
Première évaporation : 15 février
Rendement en date du 13 mars : 1,4 lb/entaille
Objectif de rendement : 3,29 lb/entaille

Les coulées abondantes, les barils qui se remplissent de sirop et l’arrivée des visiteurs à l’Érablière Shackham ont représenté autant de moments de consécration pour sa nouvelle propriétaire, Émilie Blondeau. « On est actuellement à 1,4 lb à l’entaille. On fait du beau sirop ambré. Ça sent bon! Et j’ai eu plein de visiteurs imprévus, des amis qui sont venus de différentes régions. Ça fait des années que je leur casse les oreilles avec mon projet d’érablière, alors ils voulaient voir à quoi ça ressemblait. J’étais tellement fière de leur montrer et de leur partager. C’était vraiment le fun. Mais on a découvert qu’il va falloir donner de l’amour au chemin. C’était dans la boue et certains se sont pris en auto. » L’acéricultrice était également fière de sa régie de production. « Le vacuum est super haut, tous les maîtres-lignes sont à -28,5 inHg [pouces de mercure]. C’est assez impressionnant, surtout qu’on n’a pas une pompe à haut vacuum », indique Mme Blondeau.


Photo : Gracieuseté de Roberto Landry

Roberto Landry, Bas-Saint-Laurent

Nombre d’entailles : 48 000
Fin de l’entaillage : 15 février
Première évaporation : 27 février
Rendement en date du 13 mars :  0,8 lb/entaille
Objectif de rendement :  5 lb/entaille

Roberto Landry avait 75 barils de sirop de produit en date du 12 mars, ce qui est hors du commun. « L’année passée, à pareille date, on commençait à bouillir… Mais cette année, les arbres sont gorgés d’eau et la terre n’est pas gelée, alors aussitôt que ça réchauffe le moindrement, les érables pissent. Je jase avec des collègues autour et tout le monde est heureux et enchanté. Parti de même, on va être bon pour faire 1 lb ou 1,25 lb en mars. C’est bienvenu! » s’exclame le propriétaire de l’Érablière B.L.P. Il ajoute que l’eau est sucrée à 2,2 degrés Brix. « L’an passé, ç’a tout pris pour avoir de l’eau à 2 degrés Brix pendant 2 jours », compare-t-il. Au moment de l’entrevue, il espérait enfin pouvoir produire du sirop avec son tout nouvel évaporateur électrique, qui éprouve des ennuis techniques depuis l’installation. « C’est marqué sur la machine qu’elle a été testée, mais il y a tout le temps de quoi qui lâche ou qui ne fonctionne pas. On a un très bon soutien technique, mais même hier, on a passé la journée à gosser là-dessus. On devrait être capables de s’en servir pour de vrai en fin de journée », priait-il. Par chance, l’acériculteur d’expérience avait pensé à un plan B. « Ce n’est pas compliqué. Si je n’avais pas gardé mon évaporateur à l’huile, j’aurais perdu le début de saison et les 75 barils de sirop, mon cher monsieur. »