Acériculture 23 mai 2023

Une érablière de haute technologie unique au monde

SAINT-ATHANASE – En 2022, l’Érablière de la Coulée Creuse est véritablement passée en mode 4.0 et vise une automatisation complète de ses opérations d’ici deux à trois ans. L’an dernier, la famille Patry de Saint-Athanase au Témiscouata a investi plus de 6 M$ pour moderniser le centre de bouillage de haute technologie ainsi que les quatre érablières qu’il dessert.

Cet investissement a permis l’achat de 62 000 entailles et l’installation de 10 000 nouvelles entailles sur terre publique, ainsi que l’enfouissement du réseau de tubulure, des lignes électriques et de la fibre optique.

C’est dans la chambre des concentrateurs par osmose qu’arrive l’eau d’érable conduite par un réseau d’aqueduc totalisant 50 km de tuyaux souterrains. Le plus long tronçon parcourt 17 km. Ce réseau relie les 30 stations de pompage réparties sur les quelque 1 200 hectares que couvrent les quatre érablières.

Le succès de l’entreprise repose sur la force de l’équipe. Sur la photo : François, Sylvain et Andrée-Anne Patry en compagnie de Marco Lavoie et Pierre Després.

De plus, l’entreprise possède un réseau de 20 km de fibre optique qui lui permet de commander les machines et d’interpréter les données à partir d’un téléphone cellulaire ou d’un ordinateur. Selon Sylvain Patry, copropriétaire du centre de bouillage avec ses fils François et Michaël, rien de comparable n’existe ailleurs dans le monde. « Nos quatre érablières ­totaliseront 262 000 entailles le printemps prochain », dit-il.

La chambre de concentrateurs par osmose compte cinq machines. L’entreprise pourrait fonctionner à quatre machines, explique M. Patry. Toutefois, la cinquième machine entre en action quand il y en a une en lavage ou lors de coulées importantes. « Ce sont elles qui amènent la rentabilité, abaissent nos coûts de production et nous apportent une qualité de vie qui fait que la nuit, on peut aller se coucher », souligne Sylvain Patry. À elle seule, la modernisation de cette chambre représente un investissement de 1,5 M$.

Le transport de l’eau d’érable se fait exclusivement à partir du réseau souterrain, ce qui élimine plusieurs problèmes, dont celui du gel, affirme M. Patry. Elle se maintient à une température de 3 ou 4 degrés.

Une salle d’osmose unique au monde. C’est dans la chambre des concentrateurs par osmose qu’arrive l’eau d’érable conduite par un réseau d’aqueduc totalisant 50 km de tuyaux souterrains.

Une entreprise carboneutre

Deux évaporateurs à granules Master très économiques se trouvent aussi à l’intérieur du centre de bouillage. « On arrive à faire jusqu’à 16,5 barils de sirop à l’heure avec une concentration qui passe de 1,5 degré Brix à 30, 31 degrés Brix », raconte François Patry. Avec un 3e évaporateur, le centre pourrait évaporer jusqu’à 25 barils de sirop à l’heure, dit-il. 

L’entreprise compte en outre six silos pour récupérer l’eau d’érable et deux pour le filtrat, une eau non sucrée qui sert à laver les machines. Deux autres silos contiennent les granules de bois qui servent à chauffer les évaporateurs.

Andrée-Anne Patry, nièce de Sylvain et copropriétaire de l’Érablière Sirop d’or, est fière de dire que l’entreprise est carboneutre, ce qui veut dire qu’elle présente un bilan neutre en matière d’émissions de dioxyde de carbone ou autres gaz à effet de serre.

La technologie a été conçue par l’entreprise CDL de Saint-Lazare-de-Bellechasse. Tout le reste des travaux, depuis la mise en place des lignes électriques jusqu’à la construction des bâtiments, la soudure et la mise en place du réseau routier, a été fait à l’interne. L’équipe est formée de gens issus de différents corps de métier. « De plus, on entretient 50 km de chemin », précise Sylvain Patry.

Andrée-Anne peut contrôler différents paramètres à partir de son téléphone cellulaire. L’entreprise possède un réseau de 20 km de fibre optique qui lui permet de commander les machines et d’interpréter les données à partir d’un téléphone cellulaire ou d’un ordinateur.

Moins de main-d’œuvre

Dans un contexte où la main-d’œuvre agricole se fait plus rare, l’implantation de nouvelles technologies est un atout important. C’est d’ailleurs ce qui a permis à Andrée-Anne de revenir s’installer dans son village natal pour travailler en forêt, où elle se sent vraiment à sa place. « Le centre de bouillage me permet d’entretenir et de gérer mon érablière de 40 000 entailles à deux personnes seulement », dit-elle. Avant l’implantation des nouveaux équipements, ce travail nécessitait la participation de cinq personnes pendant la période de coulée.

« L’an passé, ajoute Sylvain, il fallait quatre personnes de plus pour s’occuper des osmoses. » Ces employés ont été réaffectés à du travail en forêt, qui demeure très important. Aujourd’hui, une seule personne peut effectuer le même travail.

Trois générations

Andrée-Anne, François et Michaël composent la 3e génération de sucriers de la famille Patry. « Mon père, Roland, a acheté sa première érablière de 2 000 entailles à 16 ans. Puis il a travaillé comme entrepreneur forestier pour la Canadian International Paper (CIP) dans la région de la Mauricie avant d’acheter cette érablière en 1987 », raconte Sylvain, qui a lui aussi été entrepreneur forestier avant de devenir acériculteur à temps plein en 1990. Sa première érablière achetée avec son frère Dany comptait 20 000 entailles.

« Avec 125 000 entailles réparties en trois érablières, mon père était à l’époque le plus gros producteur de sirop d’érable au monde », lance Sylvain avec fierté. Il a conservé une des trois érablières jusqu’à l’âge de 80 ans. 

En 2000, Sylvain a racheté les parts de Dany dans l’érablière de 20 000 entailles qu’ils avaient acquise ensemble 10 ans plus tôt et a acheté aussi l’érablière de 24 000 entailles appartenant à son père. Cette entité de 44 000 entailles porte aujourd’hui le nom d’Érablière de la Coulée Creuse. Dany, de son côté, a acheté la seconde érablière de son père comptant 40 000 entailles. 

Sa fille Andrée-Anne en a fait l’acquisition en 2022 avec ses cousins et Louis Sirois. Elle porte le nom d’Érablière Sirop d’or. Les deux autres entités formant le quatuor familial sont l’Érablière de la Rivière noire et l’Érablière Simon Patry. Tous les propriétaires sont des membres de la famille Patry, à l’exception de M. Sirois.

C’est aussi au début des années 2000 que Sylvain a eu l’idée de concentrer les activités de bouillage à un seul endroit. « Avec les équipements de l’époque, on produisait un baril de sirop en une heure et quart, une heure et demie. Je voulais ramener ça à 40-45 minutes », dit-il. L’achat du nouvel évaporateur L’enfer 2000 de CDL a alors permis d’atteindre cet objectif. Aujourd’hui, avec une seule machine, il produit plus de huit barils à l’heure.

Une saison à oublier

Comme pour la plupart des producteurs, la saison 2023 n’a pas été très bonne pour la Coulée Creuse. « Au cours des trois dernières années, on produisait 5 livres à l’entaille. Cette année, ça tourne autour de 3,8 à 4 livres à l’entaille », estime Sylvain Patry. La saison n’était pas tout à fait terminée lors du passage de l’UtiliTerre au début du mois de mai, mais l’acériculteur savait déjà qu’il ne pourrait pas atteindre son quota de 1,3 million de livres cette année. Le sirop est vendu en vrac. « Une journée normale, c’est un camion-remorque de sirop qui sort d’ici », dit-il.

Au-delà des chiffres, des investissements et des performances, Sylvain Patry insiste surtout sur la fierté qui résulte de la place de leader mondial qu’occupent le Bas-Saint-Laurent et le Témiscouata dans l’industrie acéricole, notamment grâce à son entreprise et à celle de la famille Levasseur, qui compte 200 000 entailles. L’homme de 65 ans est aussi heureux de voir émerger au sein de sa famille une relève enthousiaste et passionnée.