Une vie rythmée par le temps des sucres 

ROXTON POND – Le sirop d’étable coule dans les veines d’une famille de Roxton Pond, en Montérégie, depuis des décennies. Pendant 45 ans, Normand Daigle et Angèle Tremblay ont fait les sucres chaque printemps avec leurs trois enfants. Ils regardent aujourd’hui la génération suivante poursuivre les traditions avec une confiance et une fierté bien affichées. 

« On n’allait pas dans le sud pendant l’hiver, nous. On partait à la cabane à sucre à 4 heures du matin avec nos enfants », se remémore avec bonheur Angèle Tremblay. « On récoltait à la main l’eau de 2 000 entailles, puis on la faisait bouillir. »

David et Nathalie Daigle ainsi que Tobby Roy ont pris la relève de l’érablière familiale en 2022.

L’évocation de ces durs labeurs fait sourire son mari, Normand Daigle, attablé tout près de l’évaporateur étincelant pendant qu’on s’affaire à remplacer une cuve. Toute sa vie durant, il a carburé au mélange d’endorphine et d’adrénaline engendré par le temps des sucres, et ce, même s’il devait toujours reprendre le volant de son camion d’Agropur après chaque nuit de travail à son érablière.

« Quand on est jeune, on ne voit pas le temps passer. On fait le travail sans y penser. Et puis, j’ai toujours aimé travailler avec la nature, dans les bois. Mon père possédait une érablière de 5 000 entailles à Roxton Pond. C’était juste naturel pour moi », explique-t-il, tout simplement.

« On trouve les jeunes courageux [de reprendre l’érablière], mais nous l’étions aussi à notre époque », ajoute Mme Tremblay, qui, de son côté, se rendait travailler à la caisse populaire du village avant de retourner faire bouillir l’eau d’érable.  

Une enfance sucrée

Nathalie et David Daigle chérissent ces souvenirs d’enfance. Ils évoquent en riant ces nuits où ils allaient dormir à la cabane pendant que leurs parents s’activaient autour de l’évaporateur. Ils retournaient à la maison au milieu de grands bidons emplis de sirop encore chaud. 

« Quand il faisait froid, on se collait sur les bidons pour se réchauffer », se rappelle Nathalie avec un soupçon de nostalgie. « On a appris à vivre de cette façon. On a toujours eu hâte au printemps. »

Fidèle à la tradition familiale, cette mère de trois filles a acquis, en 2014, une première érablière de 8 500 entailles, à Roxton Falls, avec son conjoint, Tobby Roy. « J’ai toujours voulu une terre », confie ce dernier, qui a eu la piqûre de l’acériculture en mettant la main à la pâte. Il a notamment aidé son beau-père à installer tout le réseau de tubulures et de stations de pompage.

Pendant sept ans, le couple Roy-Daigle a mené de front la production de sirop d’érable et l’élevage de lapins. Cependant, malgré la forte implication de leurs enfants dans les activités de la ferme, la pénurie de main-d’œuvre a forcé les propriétaires à réfléchir  à vendre l’entreprise dans le but d’investir dans une autre. Or, à la même période, les parents de Nathalie et de David étaient justement prêts à leur confier les rênes de leur érablière. « Nathalie, David et Tobby nous ont fait une offre. Nous étions bien contents de pouvoir vendre [l’érablière] à nos enfants, pas à n’importe qui », souligne Normand Daigle.    

Ils ont réalisé beaucoup de choses pour améliorer l’érablière. Nous sommes très fiers d’eux. 

Normand Daigle
Robin Fournier, 3 ans, prend toujours plaisir à venir s’amuser dans la cabane à sucre construite par ses arrière-grands-parents, Angèle et Normand. 

Un trio d’impact

Depuis cette acquisition, les trois associés travaillent à faire grandir l’érablière familiale. Ils ont remis à neuf les installations, ajouté des réservoirs, installé un système de suivi de productivité, en plus de construire un réseau électrique pour leurs stations de pompage.

« Nous travaillons également avec des ingénieurs forestiers pour établir un plan d’aménagement et nettoyer l’érablière », explique Tobby Roy. « Récemment, nous avons obtenu un quota supplémentaire de 4 490 entailles. Nous avons trois ans pour réaliser cet agrandissement. »

Le secret de leur efficacité ? « On se connaît depuis 28 ans. Je n’avais pas de doute qu’on formerait une bonne équipe. On reconnaît les forces de chacun et on se fait confiance », affirme David Daigle. 

Son fils de 11 ans, Jacob, entrevoit déjà la perspective de poursuivre la tradition familiale. Pourquoi? « J’aime travailler dans les bois », répond-il, sur le même ton de l’évidence que son père, son grand-père et, sans doute, son arrière-grand-père.  

Équipement techno

L’installation d’un système de suivi de productivité s’est rapidement imposée après l’achat de l’érablière par les trois nouveaux propriétaires. Couplé à un réseau de capteurs, cet outil informatique rassemble en un seul endroit toutes les informations sur l’état du réseau. « Je peux ainsi connaître le niveau de mes bassins ou le lieu d’une fuite dans mon réseau de tubulures à partir de mon téléphone cellulaire », explique Tobby Roy. Selon ce dernier, un tel système permet de réduire la main-d’œuvre et d’améliorer le rendement de l’érablière. « Son coût sera rentabilisé en trois ans », évalue David Daigle. « Il apporte aussi une paix d’esprit. On dort désormais mieux au printemps. » 

Le système de suivi de productivité permet aux acériculteurs d’avoir une vue d’ensemble de l’érablière. Toutes les informations sont accessibles à partir d’un téléphone cellulaire.

3 conseils pour… se lancer en acériculture

Former une bonne équipe

Le travail dans une cabane à sucre exige un grand effort de collaboration, affirme David Daigle. « La communication est cruciale entre nous, mais également avec nos fournisseurs. Il faut donc s’associer à des gens avec qui nous sommes capables d’échanger des idées et de nous dire parfois des choses pas agréables. »

Rester à l’affût

Les techniques évoluent vite en acériculture. « Il faut rester à l’affût des nouvelles recherches et avoir l’esprit ouvert aux changements. On doit lire les nouvelles études pour mieux comprendre l’arbre. Les techniques d’entaillage, par exemple, ont beaucoup changé au cours des cinq dernières années », souligne Tobby Roy.

Ne rien laisser au hasard

Donner son plein rendement procure une immense satisfaction, croit David Daigle. « Si tu crois en ce que tu fais, tu ne seras jamais déçu », dit-il. Sa sœur Nathalie abonde dans le même sens. « Nous avons tout misé pour acheter une terre. Aujourd’hui, nous sommes fiers d’avoir su foncer. »

La majeure partie de la production de sirop d’érable est vendue en vrac.
Fiche technique
Nom de la ferme :

Érablière du Haut Moulin

Spécialité :

Acériculture

Année de fondation :

1977

Noms des propriétaires :

Tobby Roy, Nathalie Daigle et David Daigle

Nombre de générations :

2

Superficie de l’érablière :

Environ 200 acres (80 hectares)

Nombre d’entailles :

9 700

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