Ma famille agricole 20 février 2024

Une éleveuse collée sur la nature

SHEFFORD – Élevée « dans la ouate » par une mère avocate et un père informaticien, Émilie Tremblay a trouvé son bonheur dans les prés et à l’étable. Elle a fondé une ferme ovine en s’associant à des propriétaires de pâturages inoccupés avec la promesse de revaloriser leurs belles terres agricoles.

Travailler dans les champs de son oncle à l’île d’Orléans fait partie des plus beaux souvenirs de jeunesse d’Émilie Tremblay. Ces grandes corvées familiales incarnent à ses yeux les plus belles valeurs que l’on puisse léguer à la prochaine génération, dit-elle.

Laisser cet idéal en héritage à sa fille Charlotte, c’est l’une des raisons pour lesquelles cette agricultrice se démène depuis des années pour créer sa ferme avec un minimum de moyens. Elle y est parvenue en s’inventant un modèle simplifié au maximum, basé sur l’agriculture régénératrice et le partage des ressources. 

La petite Charlotte accompagne sa mère dans cette aventure. Photo : Gracieuseté d’Émilie Tremblay

La productrice d’agneau et de poulet se rappelle très bien du moment où elle a décidé de devenir elle-même agricultrice. C’était il y a 10 ans, après être allée prêter main-forte à une amie dans une ferme maraîchère biologique de Granby. « Ce fut la révélation. J’aimais tellement travailler dehors à faire quelque chose avec mes mains. Je ne pouvais plus revenir en arrière », raconte la femme de 36 ans. 

Revenir en arrière, selon ses propres mots, c’était retourner « à une vie plate » à Laval. Sans attendre, elle a donc proposé ses services à différentes entreprises agricoles. Ces emplois temporaires lui ont simplement confirmé son envie de se faire productrice agricole. « Il fallait absolument que je trouve un moyen de créer ma propre ferme. »

Ne devient cependant pas agricultrice qui veut, a-t-elle rapidement compris. Un premier projet refusé par le service de maillage L’Arterre l’a vite « ramenée sur terre », admet Mme Tremblay. « Je n’étais pas prête. » 

Je développe ma ferme avec l’envie de passer tout mon savoir à la prochaine génération. Ma fille n’aura peut-être pas envie de devenir agricultrice, mais d’autres enfants seront peut-être plus tentés par l’agriculture avec mon modèle de ferme.

Émilie Tremblay

Faire ses devoirs

Sans se décourager, la jeune femme est retournée sur les bancs d’école. Elle a enfilé les certificats en développement durable, en production animale et horticole, ainsi qu’en gestion des espaces verts à l’Université Laval. Tout ça en donnant naissance à sa fille, puis en s’en occupant. « C’était un peu fou », admet-elle. 

Au fil de ses études, l’agricultrice s’est intéressée à l’agriculture régénératrice. C’est là qu’elle a imaginé une ferme où les animaux passeraient de pâturage en pâturage non seulement pour s’alimenter, mais également pour enrichir peu à peu des terres en friche. L’agricultrice pourrait exploiter la ferme à elle seule.

Par l’entremise de l’organisme L’Arterre, et ensuite par un favorable bouche-à-oreille, Émilie Tremblay a mis son plan à exécution : elle a créé, autour du lac Brome, un réseau de pâturages possédés par des propriétaires de résidences secondaires. Ces derniers ont accepté de lui prêter leurs terres gratuitement ou contre une somme minime.

Cette entente gagnant-gagnant apporte une solution à plusieurs enjeux : l’accès à la terre pour la relève, la revitalisation des pâturages et la conservation de la vocation agricole du territoire. « En retour, les propriétaires reçoivent un crédit de taxes », affirme Mme Tremblay.

Baptisée les Pâturages du Lac Brome, l’entreprise d’Émilie Tremblay produit de l’agneau depuis 2021. Elle a également obtenu, l’an dernier, un quota de 2 000 poulets destinés aux marchés de proximité. 

Au fil de ses études, Émilie Tremblay s’est intéressée à l’agriculture régénératrice. C’est là qu’elle a imaginé une ferme où les animaux passeraient de pâturage en pâturage  non seulement pour s’alimenter, mais également pour enrichir peu à peu des terres en friche. Photo : André Laroche

Comme ses brebis et ses agneaux (et deux lamas !), les poulets passent les jours d’été dans les champs. Deux fois par jour, leurs enclos amovibles sont systématiquement déplacés sur une parcelle fraîche. 

« Les poulets engraissent le sol et, du même coup, nettoient les champs de tous les insectes ravageurs. Autre avantage : ils atteignent leur poids en une semaine de moins. Au bout de l’été, après quatre cycles de production, j’ai diminué d’un mois ma charge de travail », déclare-t-elle.

Le secret, rappelle Émilie Tremblay, c’est de laisser travailler la nature pour soi.  

Les lamas agissent comme gardiens du troupeau aux Pâturages du Lac Brome. Photo : André Laroche

Fait maison

Émilie Tremblay s’est procuré une dérouleuse à balle ronde fabriquée de manière artisanale par un mécanicien du coin. Le mécanisme simple de cette remorque permet à une personne seule d’arrimer une balle de foin à deux demi-axes, de la soulever avant de la déplacer avec un véhicule tout-terrain et de l’étendre comme un long ruban dans le champ. « Cet outil me permet d’alimenter les animaux dans le pâturage, même en hiver. Cela me procure de la flexibilité dans l’alimentation. Il me permet aussi d’éviter de devoir m’acheter un tracteur », énumère l’agricultrice. 

Une dérouleuse à balle ronde permet à l’agricultrice de déplacer son foin sans tracteur. Photo : André Laroche

3 conseils pour… réussir en agriculture

Ne pas craindre d’aller à contre-courant

« Dans l’Ouest canadien, ils disent que si l’on ne jase pas de toi au café du coin, c’est parce que tu n’essaies pas assez fort », raconte Émilie Tremblay. « Il faut garder son esprit ouvert aux idées nouvelles et ne pas craindre ce que l’on dit de toi. »

Bien s’entourer

« Il faut former une équipe autour de soi. Il est essentiel de trouver des gens qui veulent ton succès autant que toi. Ces personnes doivent partager tes idées et tes valeurs, mais en même temps, ils ne doivent pas hésiter à remettre en question tes façons de faire », croit Mme Tremblay.

Ne pas mettre de côté sa vie privée

« Il faut être tout aussi heureux de se lever le matin que de se coucher le soir », rappelle Émilie Tremblay. « Pour y parvenir, il faut prendre des décisions qui sont aussi bonnes pour sa vie privée que pour son entreprise. Les deux sont indissociables, surtout en agriculture. »

En 2023, l’éleveuse a obtenu un quota de 2 000 poulets à chair destinés aux marchés de proximité. Photo : André Laroche
Fiche technique 🐑🐔
Nom de la ferme :

Pâturages du Lac Brome

Spécialités :

Agneaux nourris à l’herbe et poulets de pâturage

Année de fondation :

2021

Nom de la propriétaire :

Émilie Tremblay

Nombre de générations :

1

Cheptel :

100 brebis

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