Sur les traces de son aïeule

MONTBEILLARD – Deux entrepreneurs du secteur rural de Rouyn-Noranda ont choisi de fonder en même temps une famille et une ferme maraîchère.
Maintenant que leur objectif de 300 paniers hebdomadaires est atteint, ils continuent de carburer aux projets.

Rien ne les prédestinait à l’agriculture. Pourtant, ce sont plus de 300 familles qui profitent aujourd’hui du rêve devenu réalité de la linguiste et de l’informaticien derrière la ferme maraîchère Tomates et Camomille, située à une trentaine de kilomètres de Rouyn-Noranda, en Abitibi.

Alors qu’elle planchait sur un livre visant à immortaliser le legs des conseils de jardinage de sa grand-mère, la linguiste Kamylle Béchard-Plourde s’est mise à rêver à un avenir où elle récolterait les fruits de son labeur, suivant les traces de son aïeule.

« À ce jour, ma grand-mère a 90 ans et elle jardine encore! s’émeut l’agricultrice. Elle nourrit encore toute sa famille avec ses énormes jardins. Et [la rédaction du livre] a comme adonné en même temps où, nous aussi, on voulait cultiver des légumes pour les gens qu’on connaissait, notre entourage. »

À l’époque, le livre du « jardinier-maraîcher » Jean-Martin Fortier abordant l’agriculture biologique sur petite surface trônait aussi sur sa table de chevet. Rapidement, le rêve d’autonomie alimentaire, d’agriculture « raisonnée », c’est-à-dire sans engrais chimiques ni pesticides, s’inscrit dans un plan d’affaires. 

À ce jour, ma grand-mère a 90 ans et elle jardine encore!

Kamylle Béchard-Plourde

« Notre jardin n’était plus assez grand! On a cherché une terre et on est tombés en amour avec la terre ici [dans le quartier rural de] Montbeillard. Étant donné que c’était une ancienne exploitation agricole, c’était plus simple pour faire la transaction si, nous aussi, on était déjà en affaires », poursuit-elle, en référence à la ferme bovine auparavant en exploitation sur la terre de trois hectares où étaient aussi cultivés foin et fourrages.  

Essais et erreurs
Le couple démarre le projet agricole avec l’idée d’en faire un revenu complémentaire à celui de Tom Poirier, qui travaille chez Hydro-Québec, alors que Kamylle est en congé de maternité. En plus de cultiver une quarantaine de légumes, Tomates et Camomille achètent un petit troupeau d’une quinzaine de vaches de reproduction. 

« Avec les vaches, on s’est un peu cassé les dents, avoue Tom, mentionnant que la vente récente du troupeau a été un soulagement. On manquait beaucoup d’expérience, on était un peu éparpillés. Le seul lien qu’il y avait avec le maraîcher, c’est l’apport de fumier qui nous faisait un compost vraiment idéal pour la ferme. Mais on va prendre d’autres avenues, des engrais verts. » 

Ce constat, jumelé à l’engouement des clients pour les légumes et les œufs frais, y est aussi pour quelque chose, renchérit sa conjointe. Elle ajoute que la mise sur pied de programmes gouvernementaux pour favoriser l’autonomie alimentaire du Québec et la culture en serres a finalement scellé le destin de la ferme. 

« Toutes nos serres ont été financées sur différents programmes, comme le programme de développement des serres du MAPAQ [ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation] ou le programme Territoires : Relève », fait valoir l’agricultrice, qui mentionne que le couple veut un projet qui soit le plus possible en accord avec ses valeurs environnementales. « Et il y a quelques années, on s’est dit que notre évolution charnière était d’atteindre 300 paniers et de voguer là-dessus un certain moment ensuite. Pour y arriver, il fallait doubler notre parc serricole, ce qui a été fait en 2021. »

Des projets plein la tête
L’atteinte du plateau des 300 paniers hebdomadaires ne sonne pas la fin des projets à la ferme pour autant. Loin de là. La dernière saison a permis au couple de faire des tests « personnels » sur la production de légumes d’hiver. Kale et épinards ont ainsi pu être récoltés jusqu’au début janvier, et ce, en Abitibi! 

Mais le prochain projet structurant pour Tomates et Camomille est sans aucun doute le passage du chauffage au propane à l’électricité pour les serres. Pour ce faire, le couple a recours au programme Transition énergétique Québec, qui peut subventionner jusqu’à 75 % de l’équipement, note Kamylle Béchard-Plourde, en montrant du doigt le poteau électrique qui vient d’être installé. 

« Le fait d’être sur le triphasé et d’avoir les équipements électriques va nous permettre d’appliquer sur le tarif préférentiel aux producteurs de serres
d’Hydro-Québec. Ça ne va pas nous permettre de faire de la croissance, mais ça va plus correspondre à nos valeurs. On va baisser considérablement nos gaz à effet de serre. Et aussi baisser nos coûts de chauffage, donc nos coûts
d’opération », précise-t-elle.  

Alors que les petits fruits — camerise, rhubarbe et, peut-être, des fraises — pourraient venir s’ajouter à la quarantaine de légumes qui garnissent les paniers de Tomates et Camomille, un autre gros changement pourrait survenir très prochainement. « On a un an de fait en précertification biologique et si on passe la prochaine visite de l’inspecteur, nos produits vont être certifiés bio. Ça a tout le temps été dans nos pratiques culturales de toute façon de cultiver sans engrais chimiques, sans pesticides », indique-t-elle.  

Les quatre serres de la ferme maraîchère devraient passer du chauffage au propane au chauffage électrique dès cette année, un investissement destiné à améliorer l’efficacité énergétique de la ferme. Photo : Émilie Parent-Bouchard

Le bon coup de l’entreprise

Se lancer, répondent-ils en cœur! « Tu peux planifier, réfléchir, mais à un moment donné, il faut que tu sautes dans le bain. C’est ce qu’on a fait : on s’est lancés tête baissée », dit Tom Poirier. Sa conjointe, Kamylle Béchard-Plourde, ajoute que le fait d’avoir « investi rapidement dans les serres » permet aujourd’hui à l’entreprise de mieux répondre aux besoins des clients. « C’est beaucoup à travers l’évolution des programmes et à travers la réponse des clients que notre projet a évolué », mentionne-t-elle.

Les semis se font dans le sous-sol dès le mois de février. Les premières années de Tomates et Camomille ont coïncidé avec la naissance de deux enfants du couple. « J’avais installé une balançoire dans la serre », se souvient l’agricultrice. Photo : Émilie Parent-Bouchard

3 conseils pour…devenir fermier de famille

Utiliser les programmes à la disposition et les sources d’informations moins formelles
La première chose, c’est d’apprendre à connaître les ressources locales, fait valoir Kamylle Béchard-Plourde. « Aller voir le MAPAQ, aller voir La Financière agricole, Agri-réseau, qui peuvent te diriger vers une panoplie de formations et de consultants. Avoir eu le déclic plus tôt, j’aurais étudié là-dedans parce que je trouve que souvent, il nous manque des notions où il faut payer des consultants pour faire ces apprentissages qu’on aurait pu faire sur les bancs d’école. Il a fallu s’entourer de conseillers et de consultants », note-t-elle. Dans un autre registre, Tom Poirier ajoute ne pas hésiter à consulter ses confrères agriculteurs. « Développer son réseau de contacts, ne pas hésiter à demander conseil. La plupart des agriculteurs sont hyper généreux parce qu’ils sont déjà passés par là, ils sont passionnés. »

Prendre des notes, beaucoup de notes!
Avoir recours à des conseillers, certes, mais le couple suggère aussi de prendre beaucoup de notes pour intégrer les apprentissages et ne pas répéter les mêmes erreurs d’une saison à l’autre. « On fait beaucoup d’analyse de chiffres et on recueille beaucoup de données pour essayer de voir ce qui est bon ou non pour la ferme, indique l’informaticien aussi titulaire d’un certificat en administration. On a notre téléphone dans nos poches et un fichier qui est relié sur infonuagique, donc on prend toutes les données qu’on peut. »

Ne pas hésiter à changer de cap
« Si on regarde ce qu’on écrivait dans notre plan d’affaires il y a 5 ans, ce n’est pas du tout ce qui est arrivé », mentionne Kamylle. « Et on a corrigé le tir souvent, renchérit Tom, rappelant l’épisode du troupeau bovin. Ce que je préfère, c’est de voir l’évolution, de voir ce que le travail d’une, deux ou plusieurs personnes peut apporter. Pendant l’été, on le voit d’un coup d’œil. Un autre aspect, c’est qu’on se sent riches de toute la nourriture qu’on a sur notre table. Que ce soit la viande, tous les légumes », conclut-il, notant au passage que les provisions estivales leur permettent d’être autosuffisants toute l’année durant en légumes et en viandes. 

Fiche technique 🥕
Nom de la ferme :

Tomates et Camomille

Spécialité :

Culture maraîchère

Année de fondation :

2016

Noms des propriétaires :

Kamylle Béchard-Plourde et Tom Poirier

Nombre de générations :

1

Superficie en culture :

1 245 mètres carrés en serre et trois hectares en champs


Avez-vous une famille à suggérer?
[email protected] / 1 877 679-7809