La volonté des Trudeau de faire ce qui n’existe pas

SAINT-MATHIEU-DE-BELŒIL – Les projets de Gérard Trudeau ont toujours été guidés par l’audace et l’innovation. C’est d’ailleurs son goût du risque qui l’a amené à fonder, au Québec, une production avant-gardiste de fines herbes fraîches dans les années 1980. Au fil du temps, l’entreprise familiale s’est diversifiée et a pris une expansion fulgurante.

Installé sur un banc, dehors, juste à côté du siège social de sa ferme, Gérard Trudeau fait le récit impressionnant de son parcours d’entrepreneur. Si ses activités s’étendent aujourd’hui jusqu’en République dominicaine et au Mexique, il n’oublie pas où tout a commencé.

« Tu vas le voir, tantôt. Le siège social, juste-là, c’est la maison où je suis né. »

Sa ferme de Saint-Mathieu-de-Belœil, en Montérégie, où sont cultivés plus de 200 hectares de fines herbes et de légumes asiatiques, appartenait autrefois à ses parents, qui étaient producteurs laitiers. 

Animé d’une volonté de « faire des choses qui n’existent pas », il a choisi, au tournant des années 1980, d’acquérir la terre familiale, non pas pour y élever des vaches, mais pour y démarrer une production inconnue des Québécois à l’époque. 

« J’avais voyagé beaucoup, dans plein de pays. En France, en Italie, je voyais des producteurs faire du basilic, de l’origan. Je me suis dit : “Pourquoi on ne ferait pas ça au Québec?” »

C’est en 1984 qu’il démarre officiellement, avec sa conjointe, Françoise, et ses fils, Vincent et Martin, son entreprise de fines herbes fraîches. Rapidement, par la suite, la famille se fixe de nouveaux objectifs. « À la fin de la saison, les chaînes d’alimentations nous disaient : “C’est bien beau, ton affaire, mais tu n’as pas de produits l’hiver.” C’est là qu’on a commencé à chercher des sites de production ailleurs, où le climat permet de cultiver à l’année. »

En 1986, les Trudeau s’associent à des producteurs de la République dominicaine et y commencent la culture de fines herbes qu’ils importent au Canada par avion pour approvisionner les supermarchés à l’année. En 2008, ils s’y prennent de façon similaire pour démarrer leur production de légumes asiatiques au Mexique, qu’ils importent aussi au Québec. Depuis quatre ans, les produits des Fermes Trudeau, qui n’étaient commercialisés jusque-là qu’au Canada, figurent aussi sur les étals des supermarchés de la République dominicaine. 

« On a voulu introduire ça aux consommateurs, en République. Il a fallu que je fasse de la sensibilisation auprès de la population, un peu comme j’ai fait ici, parce que les fines herbes, là-bas, ce n’est pas connu. Je suis allé à la télévision, j’ai fait des conférences », raconte-t-il. « Avant, on importait nos produits de la République à 100 %; maintenant, on les vend à 70 % dans les supermarchés là-bas, sous le nom de Trudeau, et on importe 30 % au Québec. » 

L’homme de 82 ans ne compte pas s’arrêter là. Même qu’il a encore des idées de grandeur plein la tête. « On veut introduire la marque au Mexique. Ça, c’est notre projet de 2023-2024. »

Gérard Trudeau adore la beauté du paysage qu’offre la République dominicaine pour l’aménagement de ses cultures de fines herbes. Photo : Gracieuseté des Fermes Trudeau

Pas tombés loin du pommier

Gérard Trudeau a déjà une relève bien intégrée à l’entreprise. Son fils Vincent est directeur des opérations et son autre fils, Martin, a hérité de sa fibre innovante. Depuis deux ans, ce dernier travaille d’ailleurs sur un projet « secret » dont il ne veut pas dévoiler la nature pour l’instant. « C’est une nouvelle machine agricole en conception, se contente de révéler Martin. Jusqu’à maintenant, on n’a jamais vu cette machine-là, nulle part. »    

Les petites-filles de Gérard Trudeau, Jessica et Mégane, s’impliquent aussi à la ferme avec la volonté d’en prendre la relève. Toutes deux ont étudié à l’Institut de technologie agroalimentaire du Québec à Saint-Hyacinthe. Au moment de la visite de La Terre, Jessica revenait tout juste d’un stage de deux mois dans un vignoble en France. « Mon but, c’est de reprendre la ferme. Le stage, c’était pour élargir mes horizons », raconte la jeune femme, qui, comme son grand-père, a la piqûre des voyages et de l’aventure.  

Avec les années, l’offre des produits des Fermes Trudeau s’est diversifiée. Dans les supermarchés, ils commercialisent des légumes asiatiques et des fines herbes fraîches, mais aussi des produits qu’ils transforment eux-mêmes, tels que des pestos et des aromates. Photo : Caroline Morneau/TCN

Récipiendaire de l’Ordre du Canada

En juin, Gérard Trudeau s’est vu décerner l’Ordre du Canada, soit la plus haute distinction civile au pays. Il reçoit cet honneur pour « ses contributions innovantes à l’agriculture et à l’industrie des fruits et légumes, en tant que chef d’entreprise infatigable et mentor très prisé », lit-on sur le site Web officiel de la gouverneure générale. « J’ai quitté l’agriculture à un moment donné, mais c’était pour mieux y revenir », se plaît  à dire l’homme de 82 ans. Il raconte être parti de la ferme à 19 ans pour aller étudier à HEC Montréal, afin de devenir comptable agréé. Il est revenu au bercail plus tard. Après toutes ses réalisations, il se définit encore aujourd’hui comme fils d’agriculteur.

L’aménagement d’une usine de pesto à même le site de production de Saint-Mathieu-de-Belœil est un élément clé de la diversification de l’offre des Fermes Trudeau. Photo : Caroline Morneau/TCN

Le bon coup de l’entreprise

L’aménagement d’une usine de transformation de fines herbes en pesto à même le site de la ferme est un exemple de bon coup de la famille en matière d’innovation, estime Gérard Trudeau. Son fils Martin, qui a conceptualisé l’usine en question, est du même avis. « Au début, ça a commencé avec des surplus de basilic qu’on avait. On se demandait quoi faire avec ça. On s’est dit : Pourquoi ne pas le transformer? », raconte ce dernier. Puis, la famille a commencé à produire des fines herbes au champ pour approvisionner l’usine. « Ça nous a permis d’augmenter la gamme de produits que la famille offrait. Par la suite, il y a eu les légumes asiatiques qui se sont ajoutés, les aromates », décrit-il.

Mégane et Jessica s’impliquent déjà à la ferme avec la volonté d’en prendre la relève un jour. Toutes deux ont étudié à l’Institut de technologie agroalimentaire du Québec à Saint-Hyacinthe. Photo : Caroline Morneau/TCN
Fiche technique 🌿
Nom de la ferme :

Fermes Trudeau

Spécialités :

Fines herbes et légumes asiatiques

Année de fondation :

1981

Noms des propriétaires :

Gérard, Martin et Vincent Trudeau ainsi que Françoise St-Onge

Nombre de générations :

3

Superficie en culture :

200 hectares au Québec


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