Guidés par le plaisir de travailler

RAWDON — La famille Rivest carbure aux projets. Au gré de ses envies, elle s’est lancée dans la production de confitures, de tartes et de vin confectionnés à partir des fraises récoltées dans ses champs à Rawdon. Et ce n’est pas terminé, car la relève mijote d’autres idées. Son secret? Travailler par plaisir.

Guy Rivest l’admet d’emblée : il se considère davantage comme un commerçant qu’un agriculteur. Pourtant, à l’instar de ses parents depuis les années 1940, il cultive avec sa famille une belle variété de fruits et de maïs. Mais son grand bonheur, dit-il, il le trouve surtout dans la création de ­produits de la ferme.

« Papa aime lancer des projets. Il nous parle d’une idée au déjeuner, on la réalise, puis on passe à sa prochaine idée », résume Jean-François Rivest, le fils cadet de la famille. Autour de la table, sa mère Louise et sa sœur Christine approuvent en riant et en hochant la tête. 

« Nous nous disons que nous allons l’essayer, juste pour nous faire plaisir. C’est comme ça, par exemple, que nous nous retrouvons à cuisiner 3 000 tartes, cinq mois par année », ajoute Mme Rivest en provoquant une nouvelle cascade de rires dans la cuisine.

Devant les faits, Guy Rivest ne se défile pas. Il hausse les épaules, puis s’explique : « Nous sommes faits comme ça. Nous saisissons les occasions qui s’offrent à nous, tout simplement. Nous n’avons pas le choix, car un petit producteur ne peut pas vivre uniquement de la fraise. Il doit pouvoir gérer sa propre mise en marché pour s’affranchir des grossistes. »

La famille Rivest accueille les visiteurs et les amateurs de petits fruits à la ferme fondée en 1946 par les parents de Guy Rivest.

Appris à la dure

Cette leçon, Guy et Louise Rivest l’ont apprise à la dure à leurs débuts, dans les années 1980, quand ils allaient livrer leurs paniers de fraises fraîches au Marché central, à Montréal. 

« Nous étions à la merci des grossistes. Ils contrôlaient complètement l’offre et la demande. Nous ne savions pas à l’avance s’ils allaient acheter ou non nos fraises », se souvient M. Rivest. 

De leur côté, les marchés d’alimentation imposaient des prix d’achat très bas, tout en exigeant un approvisionnement jusqu’à l’automne, poursuit Louise Rivest. « Or, nous n’avons que des variétés estivales. Notre saison dure trois semaines », précise-t-elle. « Nous avons donc dû trouver des alternatives pour gérer notre propre commercialisation. »

Ces « alternatives » surviennent souvent à l’improviste. Il suffit d’être à l’écoute, explique Guy Rivest. 

« Un jour, un homme est arrivé à la ferme avec l’idée de produire du vin de fraise. Le projet ne s’est jamais concrétisé avec le monsieur, mais l’idée est ­restée. C’est comme ça que nous sommes devenus, en 1995, les tout premiers producteurs de vin de fraise au Québec », souligne-t-il, jamais à court de bonnes anecdotes.

Nous sommes une petite équipe qui a de bonnes idées et qui se revire de bord rapidement. 

Christine Rivest

« Un jour, un boulanger m’a demandé si je pouvais lui livrer des fraises déjà équeutées pour ses tartes. J’ai dit « oui », puis je me suis mis à chercher du monde pour équeuter des fraises à la main. On en fait maintenant 25 000 livres chaque année », raconte-t-il.

De la même façon, la production des confitures et des gelées s’est ajoutée quand un client de la ferme a déclaré faillite. « Nous lui avons acheté ses recettes », raconte Louise Rivest, qui a aussi créé ses propres produits, notamment un beurre et un caramel de fraise. « Nous produisons même une gelée de queues de fraise, selon une recette d’une tante à Guy. »

« Rendus là, nous avons tiré pas mal tout ce que nous pouvions tirer d’une fraise », souligne en riant M. Rivest.

Diversification

La fille aînée de la famille, Christine Rivest, mijote d’autres projets. Comme ses parents, cette diplômée en administration et en transformation alimentaire enchaîne les chantiers à vitesse grand V. « Ce sera une bonne gestionnaire. Elle gère toujours avec plusieurs coups d’avance », mentionne sa mère.

« Un jour, elle me dit : ‘‘Papa, il faudra ­planter six hectares de maïs-grain, l’an prochain.’’ Je me suis demandé si elle nous avait acheté des vaches », raconte son père. « Mais c’était pour créer un labyrinthe pour les familles qui viennent à l’autocueillette. »

Cette attraction est devenue un incontournable dans la région. « Le plaisir commun que nous avons à réaliser des projets, c’est ce qui fait notre force », conclut Christine.  

Le bon coup de l’entreprise

« Opter pour une croissance d’entreprise avec une production à petite échelle fut notre meilleure décision », affirme Christine Rivest. « Ce choix est contraire à la tendance actuelle d’acquisition et de centralisation. Mais nous croyons que notre taille nous procure quatre grands atouts : une grande flexibilité, une bonne communication, une rapidité de décision et une proximité avec les employés. » Ces avantages permettent à la famille Rivest de passer à travers des crises comme la dernière pandémie. « Nous avons compris, dès le premier jour, que nous pourrions éprouver des problèmes d’approvisionnement. Quand tout le monde cherchait des pots, nous avions un inventaire de six mois dans notre entrepôt. » 

Guy Rivest et sa famille ont développé plusieurs produits à base de petits fruits pour contrôler la commercialisation de leurs récoltes.

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Se faire confiance

Il ne faut pas céder au découragement devant les réactions suscitées par une idée originale, rappelle Louise Rivest. « Nous avons reçu des commentaires négatifs envers chacun de nos projets, mais nous avons toujours réussi en nous faisant confiance. Nous faisons confiance également à nos enfants et, chaque fois, nous apprenons d’eux. »

S’affranchir

Développer une autonomie financière permet de réaliser ses projets sans devoir négocier avec les institutions. « Notre entreprise ne correspond souvent pas à un programme gouvernemental. Elle est soit trop grosse ou trop petite, soit trop spécialisée ou trop généraliste. Nous avons appris à nous débrouiller sans subvention. Nous ne la refusons pas s’il est possible de l’obtenir, mais il est préférable de ne dépendre de personne », croit Christine Rivest.

Se former et s’entourer

Poursuivre sa formation sans s’arrêter est essentiel, croit l’agricultrice. « Il faut aller s’instruire pour ce qu’on aime, car il est souvent difficile de trouver le temps nécessaire », dit-elle. Les connaissances acquises permettent de bien faire ses devoirs et de bien communiquer ses idées à son conseiller financier, ainsi qu’aux autres experts prenant part à ses projets. 

Dans sa cuisine industrielle, Louise Rivest produit toutes les tartinades à partir des fruits de la ferme.
Fiche technique
Nom de la ferme :

Ferme Guy Rivest

Spécialités :

Fraises et agrotourisme

Année de fondation :

1982

Noms des propriétaires :

Guy, Louise, Christine  et Jean-François Rivest

Nombre de générations :

3

Superficie en culture :

40 ha

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