Contenu commandité 5 février 2024

Les pressions internationales

Depuis la moitié du XXe siècle, la libéralisation des marchés mondiaux menace de manière constante les systèmes canadiens de production agricole sous gestion de l’offre.

Dans l’espoir de relancer une économie mondiale moribonde à la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Canada signe en 1947 une entente avec 22 autres pays pour réduire les tarifs douaniers. C’est un premier pas vers la mondialisation économique.

Les signataires de ce traité, baptisé Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), s’entendent néanmoins pour conserver les tarifs douaniers sur les biens agricoles. Chaque pays peut ainsi préserver sa capacité de production alimentaire intérieure.

Des brèches seront néanmoins ouvertes dans ce principe d’autosuffisance au fil des diverses négociations internationales. Les systèmes canadiens de production sous gestion de l’offre se trouvent ainsi constamment sous la pression des autres pays désireux d’avoir accès au marché du Canada.

Une première percée est réalisée en 1995 lorsque le GATT est remplacé par la toute nouvelle Organisation mondiale du commerce (OMC). Le Canada concède alors l’importation annuelle de 21,37 millions de douzaines d’œufs, soit 2,96 % de la demande nationale. 

En 2019, l’entrée en vigueur de l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP) permettra à 10 pays d’exporter au Canada 19 millions de douzaines d’œufs après une période de mise en place de 18 ans. 

L’année suivante, dans un nouvel accord de libre-échange avec le Mexique et les États-Unis (ACEUM), le Canada ouvre une nouvelle fois son marché en permettant l’importation de 11,05 millions de douzaines d’œufs après une période de mise en œuvre de 16 ans. 

Bilan : les entreprises canadiennes pourraient se procurer chaque année quelque 51,4 millions de douzaines d’œufs à l’extérieur du pays d’ici moins de 20 ans, ce qui représente 7 % de la demande nationale. 

De 2021 à 2024, deux projets de loi ont été débattus à la Chambre des communes et/ou au Sénat canadien pour modifier la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement. L’objectif de ces projets consistait à mettre en place dans la loi des articles afin que les négociateurs canadiens ne puissent plus offrir, lors des négociations commerciales, une part du marché canadien des œufs, du poulet, du lait et du dindon en échange d’accès pour les exportateurs canadiens aux marchés étrangers. Le projet de loi C-216 est mort au feuilleton avec le déclenchement de l’élection fédérale de l’automne 2021. Au moment de mettre sous presse, le projet de loi C-282 déposé en juin 2022 avait été adopté par les députés de la Chambre des communes. Pour modifier la loi et protéger les marchés sous gestion de l’offre, il fallait encore au projet recevoir l’aval des sénateurs et être signé par la gouverneure générale du Canada avant la tenue d’élections au fédéral, sans quoi, tout le processus serait à recommencer. 

Le Comité de l’agriculture de la Chambre des communes a même demandé au gouvernement de protéger davantage le système et de l’utiliser comme un modèle pour les pays en développement qui veulent une plus grande souveraineté alimentaire, en étant moins dépendants des importations.

Cette recommandation découle du témoignage de Michael Fakhri, rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à l’alimentation. Celui-ci a noté le désir des pays les plus pauvres pour une stabilité alimentaire, qui peut être obtenue en stockant des aliments et en manipulant leur prix sur le marché.

« Le Canada a vraiment réussi à maintenir des prix stables grâce à des systèmes de gestion de l’offre », a-t-il déclaré.