Balado 5 mars 2024

L’agroforesterie entre craintes et vertus

L’agroforesterie est une avenue encore peu explorée au Québec. L’animateur du balado Le son de la Terre, Vincent Cauchy, s’est penché sur la question avec le producteur Jacques Côté, qui la pratique sur ses terres du Centre-du-Québec, et David Rivest, chercheur à l’Université du Québec en Outaouais. Voici quelques extraits de cette conversation.

Q Est-ce qu’il y a des mythes à déboulonner en lien avec l’agroforesterie agricole ?

R David Rivest : Dans les freins, il y a la question des rendements, de la productivité. Souvent, l’arbre est perçu comme un compétiteur puisqu’il puise de l’eau, des éléments nutritifs, il crée de l’ombrage. Il peut aussi gêner la mécanisation, abîmer la cabine du tracteur avec ses branches, obstruer des drains. Il peut attirer des oiseaux noirs qui vont aller manger des grains. Il y a beaucoup de perceptions négatives qui sont associées à la productivité. Ensuite, le fait de planter une haie ou quelques rangées d’arbres au sein d’une parcelle, on retire de l’espace qui est cultivé. L’agriculteur est souvent dans sa logique annuelle de production de maïs. Chaque espace est important. Ça peut se comprendre. Mais ensuite, il y a d’autres bénéfices qui sont associés à la présence des arbres. Il y a tellement d’évidences scientifiques en agroforesterie qui ont démontré les effets positifs des haies, notamment des haies brise-vent sur le champ qui est protégé. Souvent, les producteurs voient seulement la partie qui est proche de l’arbre, quelques rangs de maïs avec une hauteur diminué, alors qu’il faut aller plus loin dans le champ pour voir les effets. 

R Jacques Côté : J’appelle ça l’effet parcelle. On voit ce qu’on regarde. Si on regarde seulement les deux premiers rangs au bord, ça peut être décourageant et on peut se dire que l’agroforesterie, c’est de la merde. Mais ce n’est pas le cas. Les tests sont faits sur la ­parcelle complète. 

Q Est-ce qu’un agriculteur doit faire des changements majeurs pour faire de l’agroforesterie intercalaire?

R David Rivest : En fait, c’est l’agroforesterie qui s’adapte aux pratiques de l’agriculteur. Dans le cas de la parcelle de Jacques, on a choisi d’espacer les rangées d’arbres de 40 mètres pour permettre le passage d’une rampe pleinement déployée de 120 pieds de large. Sur le rang, nos arbres sont aussi deux à trois fois plus espacés que dans les haies. Chez Jacques, par exemple, les arbres sont espacés de 4 à 5 mètres sur le rang. On a des arbres à croissance rapide, comme le peuplier, et si on les coupe, on tombe à des espacements d’environ 10 mètres. Ça donne des densités de 25 à 50 arbres à l’hectare, ce qui n’est vraiment pas beaucoup. On est loin d’une plantation d’arbres avec 1 000 arbres à l’hectare. Les effets des arbres sont distribués sur ­l’ensemble de la parcelle au lieu d’être confinés à la bordure, comme c’est le cas des haies. C’est certain qu’il faut aussi protéger les arbres, notamment avec du paillis. Dans le sud du Québec, il y a un problème de chevreuils aussi. Une fois que les arbres sont bien développés, ça va assez bien. Ensuite, il faut faire des tailles et de l’élagage, si on veut produire du bois de grande valeur, mais aussi pour aider le passage de la machinerie et de la lumière vers les cultures.

Q On parle ici d’arbres qui prennent plusieurs années à pousser. À quel point est-ce que c’est difficile de projeter des résultats, justement, sur plusieurs années ?

R Jacques Côté : Le producteur est habitué de semer au printemps et de voir le résultat à l’automne. Mais quand on va dans des pratiques de conservation, comme le semis direct, ça peut prendre trois ou quatre ans avant de voir des résultats. Pour les cultures de couverture, c’est la même chose. Ce sont des pratiques à moyen et long terme qui vont un peu à l’encontre du modèle économique actuel avec un bilan financier annuel. C’est assez paradoxal.

Pour en apprendre plus sur le sujet et pour écouter la discussion dans son intégralité, rendez-vous au laterre.ca/balado.