Vie rurale 4 juin 2022

Un code de construction… vieux de 27 ans

Le dernier hiver n’a pas donné lieu à la catastrophique saison 2019, mais le nombre d’effondrements de fermes a été encore significatif au cours des derniers mois. « La météo sera la cause de la majorité de nos sinistres du futur », entrevoit Daniel Bizier, préventionniste chez Groupe Estrie-Richelieu. 

C’est en tous les cas ce que prédisent les spécialistes étudiant les changements ­climatiques. Selon les modèles de prévision développés par ces experts, des hivers plus rigoureux en termes de charge de neige et de glace sur les structures sont à prévoir dans l’avenir.

Les mois de février et mars sont les plus critiques dans les incidents impliquant un effondrement. Dans la région de Lanaudière en 2019, plus d’une centaine de bâtiments avaient cédé sous le poids de la neige en une dizaine de jours seulement.

Les signes classiques avant-coureurs d’un effondrement sont nombreux, comme la difficulté de fermer des portes ou des fenêtres, une déformation de la toiture, des fissures dans les fondations, un affaissement dans la dalle de plancher, le penchement d’un mur extérieur, la courbure d’une solive ou d’une poutre, etc.

Mais avant d’arriver à ces indices qui sont autant de symptômes d’une structure déficiente, des mesures peuvent être prises en amont, signale le préventionniste Daniel Bizier. « Nous ne sommes pas des ingénieurs, mais quand on voit des composantes qui sont endommagées par la corrosion ou l’usure du temps, on les fait changer », explique-t-il en donnant l’exemple d’une tôle rouillée qui aura pour effet de retenir la neige sur la toiture.

« Dans certains types d’élevages comme les poulaillers et les porcheries où l’on retrouve de l’ammoniac, on sait que c’est un gaz très corrosif. Si le système de ventilation a été modifié dans le bâtiment, l’ammoniac va se retrouver dans la structure du grenier et faire rouiller les goussets, ces petites plaques de tôle qui retiennent les chevrons un à l’autre. Quand on voit ça, on demande immédiatement que ça soit corrigé », poursuit Daniel Bizier, qui affirme qu’il est important de ne pas tarder à apporter les correctifs, car on ne sait jamais quand la tempête de trop surviendra.

En 2017, dans la foulée de l’effondrement d’une ferme à Saint-Tite, en Mauricie, ayant causé la mort d’un ouvrier agricole, des ingénieurs agricoles s’étaient inquiétés que le Conseil national de recherches Canada (CNRC) tarde à mettre à jour le code de construction des bâtiments agricoles dont la dernière version date de… 1995, époque où la notion de changement climatique était presque inconnue du grand public.

À titre d’exemple, le Code national du bâtiment (CNB) fixait à 41 lb/pi2 (18,5 kg) la capacité de charge d’une structure construite à Trois-Rivières en 1941. Près de 70 ans plus tard, en 2010, la norme était rendue à 69 lb/pi2 (31,2 kg), une augmentation de 65 %. 

Annoncée tout d’abord pour 2020, la mise à jour du code se fait toujours attendre. Sur le site du CNRC, on apprend que l’organisme « est actuellement à discuter de la publication d’exigences relatives aux bâtiments agricoles applicables à la protection contre l’incendie, au calcul des structures et aux marchandises dangereuses dans les éditions 2020 du CNB (Code national du bâtiment) et du CNPI (Code national de prévention des incendies). Les exigences relatives aux structures et à la sécurité incendie du Code national de construction des bâtiments agricoles n’ont pas été ­examinées ou révisées depuis l’édition de 1995 et leur incompatibilité avec les éditions les plus récentes des codes est de plus en plus marquée ».