Vie rurale 21 février 2018

L’orientation n’est pas un obstacle

Isabelle Laflamme et sa conjointe Audrey Ducharme ont élu domicile à Sainte-Angèle-de-Monnoir, en Montérégie, pour y démarrer leur entreprise maraîchère La Récolte des Dames.

Les deux sont mères d’un enfant de six ans et d’un bambin de neuf mois. Cette famille atypique ne suscite pas pour autant de regards déplacés, affirme Mme Laflamme. Elle ajoute que l’éducation de ses enfants fait la différence. « Si tu montres à tes enfants qu’ils n’ont pas à être gênés de provenir d’une famille différente, ils ne le seront pas, mais l’inverse est aussi vrai », indique celle qui a rencontré sa conjointe au secondaire.

Amélie et sa conjointe Fanny Photo gracieuseté.
Yang Amélie et sa conjointe Fanny Photo gracieuseté.

Elle estime que si les couples lesbiens s’impliquent moins que les hommes dans les regroupements d’agriculteurs homosexuels, c’est en raison des horaires chargés avec les enfants. Cela dit, elle juge important de s’impliquer auprès de sa communauté LGBT : « La visibilité des femmes en agriculture n’est pas grande; celle des lesbiennes l’est encore moins. »

Près de Québec, Yang Amélie Beauregard  26 ans, travaille dans une ferme porcine. Celle qui a fait une maîtrise en sciences animales estime que son orientation sexuelle ne constitue pas un obstacle. « Je n’ai pas de problème à parler de mon orientation, car jusqu’à présent, je n’ai jamais vécu de situation déplaisante. Je trouve le monde très respectueux dans le milieu », déclare-t-elle, précisant qu’« il y aura toujours des homophobes, mais ça ne correspond qu’à une minorité ».  

Mariés et maraîchers prospères

Philippe Benoit cultive des légumes biologiques sur la terre de ses ancêtres avec son mari Maxime Dion. Pourtant, rien de leurs études universitaires en art ne prédestinait les deux hommes à démarrer leur propre ferme. C’est lors de leur voyage de noces dans les Maritimes, où ils ont passé un peu de temps chez des maraîchers biologiques, que le déclic s’est produit.

Par la suite, est-ce que leur orientation sexuelle a nui à leur projet agricole? « Pas du tout, mentionne Philippe, dont les parents étaient producteurs laitiers. On n’a vécu de rejet de personne. Notre famille a cru en nous et nous a aidés. On s’est aussi super bien intégrés dans notre municipalité. »

Leur ferme de 3,5 hectares a le vent dans les voiles; les ventes augmentent chaque année depuis son démarrage en 2012. La chambre de commerce de la région d’Acton leur a décerné en 2015 le prix de l’entreprise agricole de niche de l’année. L’équipe de l’émission L’Épicerie de Radio-Canada s’est rendue chez eux, en Montérégie, pour filmer leur production.

Les deux producteurs s’impliquent dans leur municipalité, dans le milieu agricole et au sein de la communauté LGBT. Ils n’ont pas froid aux yeux et mettent les efforts requis pour que leurs produits se démarquent, comme en font foi leurs campagnes promotionnelles humoristiques.

Mélissa Legault. Crédit photo : Myriam Laplante-El Haïli / TCN
Mélissa Legault. Crédit photo : Myriam Laplante-El Haïli / TCN

Besoin d’accompagnement pour les trans

Les personnes trans sont peu visibles en région, souligne la professeure titulaire de la Chaire de recherche sur l’homophobie de l’Université du Québec à Montréal, Line Chamberland. « C’est une réalité qui est moins connue et qui est encore perçue davantage comme un problème de santé mentale », souligne-t-elle. Seulement deux personnes transgenres sont membres de Fierté agricole. L’une d’elles, Mélissa Legault, reconnaît qu’il y a un besoin énorme d’aide [et d’accompagnement] pour les trans en région, car si l’exode rural est encore nécessaire chez certains, d’autres commencent à y rester. Ayant elle-même complété sa transition en 2014, Mélissa anime un groupe de discussion en Montérégie-Est depuis la mi-février. « On partage notre vécu et on parle de transidentité », explique-t-elle.

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