Vie rurale 2 octobre 2019

L’autocueillette forcée de se réinventer

Constatant que la jeune génération est moins encline à faire de grandes provisions, des producteurs offrant l’autocueillette sont obligés de revoir leur modèle d’affaires. Désormais, ils doivent s’assurer de faire vivre à leurs clients une expérience unique dans un cadre enchanteur susceptible de générer de belles photos à partager sur les réseaux sociaux.

Si les jeunes prennent le champ, « c’est beaucoup plus pour un moment Instagram que pour cueillir des fruits », affirme Stéphanie Quinn, copropriétaire de la Ferme Quinn à Notre-Dame-de-l’Île-Perrot, en Montérégie. La présidente de l’Association nord-américaine des agriculteurs en marketing direct, qui regroupe plus de 400 entreprises canadiennes et américaines, mise depuis des années sur l’agrotourisme d’expérience pour attirer des clients.

Inspirée par les nouvelles tendances de l’industrie, Stéphanie Quinn a récemment consacré une partie de ses terres à la culture de tournesols qui ont vraiment la cote auprès des jeunes. Prochainement, elle souhaite aménager une aire de pique-nique moderne rappelant les lieux de repos des spas, où les clients pourront s’installer confortablement.

Ceux qui visitent les fermes proposant l’autocueillette ne cherchent plus nécessairement à s’approvisionner en grandes quantités pour cuisiner confitures et tartes. « Ce n’est plus comme il y a 20 ans. […] Aujourd’hui, les gens viennent pour passer du temps en famille », remarque pour sa part Nathalie Labonté, propriétaire de Labonté de la pomme à Oka, dans les Laurentides.

L’attrait des tournesols

Grâce à l’agrotourisme d’expérience, les producteurs fondent l’espoir que les clients viennent en plus grand nombre dépenser au moins quelques dollars chez eux. Nathalie Labonté a elle aussi planté des tournesols sur sa terre cette année. Mais étant donné les dommages causés par le passage des visiteurs, Mme Labonté songe à imposer un coût d’entrée pour absorber les pertes (voir autre texte en page 5).

Néanmoins, l’entreprise pomicole a saisi l’importance de « créer des moments Instagram ». Les touristes peuvent se prendre en photo, entourés de balles de foin devant la grande porte rouge de la cabane à pommes. « On joue cette carte avec les repas aussi. [En voyant] la présentation des assiettes, les gens disent des wow! » confie-t-elle.

Les agriculteurs qui misent sur ces coins photo voient leur affluence gonfler, et ce, peu importe le type de production. « Les gens vont se ruer! Je l’ai vu à Laval au Festival des tulipes. Il y avait un line-up pour prendre des photos », remarque d’ailleurs Jennifer Crawford, directrice générale de l’Association des producteurs de fraises et framboises du Québec (APFFQ).

Publicité indirecte

Les photos ne rapportent pas toujours de l’argent aux producteurs sur le coup, mais deviennent par contre de la publicité indirecte lorsque les visiteurs les publient sur les réseaux sociaux. « Ce ne sont pas des ventes directes, mais les résultats sont beaucoup plus tangibles qu’on le pense. Il y a une mentalité à faire évoluer », considère Audrey Simard, associée chez Papilles Développement, un cabinet-conseil spécialisé dans l’agroalimentaire.

L’an dernier, l’APFFQ a suivi cette mouvance en ayant recours à des influenceurs présents sur les réseaux sociaux afin de faire valoir l’autocueillette auprès des jeunes. Jennifer Crawford est convaincue que « les gens sont prêts à payer pour vivre une expérience », en participant à des ateliers de cuisine, par exemple. « Mais ce n’est peut-être pas la formule adaptée pour tout le monde », reconnaît-elle toutefois, précisant que les fermes qui offrent ce type d’activités se trouvent souvent à proximité de Montréal, étant donné l’important bassin de clientèle.

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Le dilemme d’imposer un coût d’entrée